Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.
Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)

Si le Cardinal Mazarin a esté iugé incompetemment,
sans forme & sans justice.

C’est. icy que l’autheur des Sentimens Mazariniques fait
vn effort pour tascher de plastrer l’innocence du plus
coupable de tous les hommes, en descouurant la haine
qu’il a contre l’Auguste Senat qui l’a condamné apres tant de
plaintes, tant de conuictions, & tant de procedures. Rapportons
ses inuectiues & ses raisons, afin que nous y puissions respondre
& satisfaire auec le mesme ordre qu’il nous les debite,
& nous les represente ; ne sçachant auec quel front ny quelle
impudence il peut escrire en la page 12. & 13. de sa satire digne
d’vn feu public, que quelque iugement de mort donné par le parlement
de paris que l’on produise contre vn accusé de cette haute condition,
il n’est point de conscience pour endurcie qu’elle soit, qui se peust assurer
sur vn fondement si foible, pour s’engager sans crainte & sans remors
dans vn dessein si noir & si infernal, pour n’obseruer pas que le diuin
Siege fulminant contre l’audace, ou des persecuteurs ou des homicides
d’vn Cardinal qui a esté iugé par des Iuges incompetans, contre les formes
& contre l’ordre accoustuiné de la iustice, & mesme sans cause iuste
& legitime.

Et pour examiner, dit-il, le premier de ces trois chefs qui prouuent
en ce rencontre l’innocence du Cardinal Mazarin, & le mettent à couuert
également de la puissance des Magistrats, & de la violence des particuliers ;
Y a-t’il homme si ignorant & si peu versé dans les Coustumes &
dans les Loix de ce Royaume, qui ne sçache que les Euesques, & par consequent
ceux à qui la France donne vn rang d’honneur beaucoup plus
esleué, que celuy des Euesques, ne reconnoissent point hors les causes ciuiles,
la iurisdiction des Cours seculieres, & ne respondent point directement
deuant le Tribunal des Iuges Laїques, non pas mesme en crime de
leze-Majesté, dequoy le Parlement demeure d’accord par ses anciens
Arrests.

-- 42 --

Pour preuue de quoy il adiouste, que le grand Roy François I.
[illisible] de faire le procez à deux Euesques qui luy auoient manqué de
[1 mot ill.] en conjurant contre son seruice auec les ennemis, & ayant consulte
le Farlement de Paris sur vne affaire de cette importance. Cette Cour
Augusti respondit à cet Auguste prince, que son pouuoir Royal ne s’estendoit
pas à ces matieres, & que dans l’ordre commun & legitime, elles
deuoient estre terminées, par vn iugement Episcopal & Apostolique.

Que Gilles Archeuesque de Rheims, estani chargé de differens crimes
de lexe-Majesté, &c. Le Roy Childebert quoy qu’irrité contre cet Archenesque,
n’osa le iuger ny ses Officiers, mais vn Concile qu’il fit assembler
pour cela. Gregor. Turon. lib. 10. cap. 19. Concil. Gall. tom. I. ann. 590.
Contil. Metens. 590.

On auoit desia obserué la mesme procedure contre deux Euesques Bourguignons
qui furent citez dans vn Concile d’Euesques de la Prouince, &c.
Concil. Lugaun. ann. 567. & Gregor. Turon. lib. 5. cap. 20.

Elle Archeuesque de Rheims qui auoit si mal & si cruellement traitté
Louis le Debonnaire, iusques à le priuer de ses Estats, fut iugé dans vn
Concile de Thionville, en l’an 835.

Le Roy Charles le Chauue fit faire le procez à Ganelon Archeuesque
de Sens, par vn Concile d’Euesques assemblez à Sauonieres aupres de la
ville de Toul, &c.

Ces cinq histoires sont rapportées dans les pages 13. 14. 15.
des Sentimens corrompus que nous redressons, & dans la 16.
cet autheur voulant iustifier son Mazarin, & le faire plus innocent
que tous les Euesques criminels qui ont esté condamnez
deuant luy, faisant vne recapitulation de tous les crimes
de ces malheureux Prelats, dit ; Le Cardinal Mazarin a-t’il eu
comme eux des intelligences, ou signé des traittez auec les ennemis de
l’Estat ? A-t’il comme eux corrompu la fidelité des sujets du Roy ? L’a-t’il
comme eux exposé à la risée, & à la fureur de ses rebelles ? L’a-t’il comme
eux traitte d’excommunié, esloigné des Autels, & du commerce des
Chrestiens ? Luy a-t’il comme eux rauy la liberté auec la Couronne, ou
attenté comme eux sur sa personne, & coniuré sa mort ? Qu’on consulte
[1 mot ill.] ou la haine la plus implacable qui se soit allumée depuis peu [1 mot ill.]
contre ce Ministre malheureux ; il est sans doute qu’elle n’oseroit, ie
ne dis pas l’en accuser, mais l’en soupçonner.

Et dans la suiuante, qui est la 17. apres auoir laué son Mazarin
du mieux qu’il peut, pour acheuer d’appliquer le fard & le

-- 43 --

poly qu’il luy garde, il estale la grandeur & l’vtilité de ses seruices
auec la mesme impudence qu’il desnie ses crimes & ses
maluersations ; & nous les representant en peu de paroles, il ne
couche pas moins, que l’Espagne domptée, l’Italie protegée, l’Allemagne
pacifiée, nos Frontieres reculées, & les esperances de nos ennemis
estouffées, par les soins & les conseils du plus sot & du plus ignorant
Politique qui ait iamais gouuerné le timon d’vn Estat.

 

Pour respondre par ordre aux raisons, aux exemples, & aux
flatteries dont on pense surprendre les simples, & intimider les
lasches ; voyons premierement si le Mazarin a esté iugé par des
Iuges incompetens, & si les Euesques & les Cardinaux coupables
ne respondent point directement deuant le Tribunal des
Iuges Laiques, non pas mesme en crime de leze-Majesté.

Il est vray, & tous nos Autheurs remarquent, que depuis ces
derniers siecles les Ecclesiastiques soustiennent entre eux, que
de droit Diuin ils sont exempts de toute-puissance temporelle ;
que les Princes seculiers & leurs Magistrats n’ont aucun
pouuoir sur eux ; Qu’ils n’en courent aucun crime de leze-Majeste
se rebellans contre les Princes de la terre, pour n’estre
leurs sujets ; Qu’ils ne reconnoissent la jurisdiction des Iuges
seculiers, encore qu’ils obseruent les Loix Politiques de l’Estat
sous lequel ils viuent ; & leur accordant cela, voila l’authorité
Royale, & la puissance des Souuerains reduite au neant.

Mais on leur respond, que la puissance des Princes temporels
est de droit Diuin, & non positif : & que venant immediatement
de Dieu, elle ne peut estre alterée, changée, ny ostée
par homme quel qu’il soit, ny par le Pape mesme. Que les Ecclesiastiques
entant qu’hommes, Citoyens, & membres de l’Estat,
& faisans partie d’iceluy, sont de droit Diuin sujets du
Prince, & obligés aux Loix du païs dans lequel ils viuent ; Les
exemptions dont ils joüissent ne leur ayant esté octroyées que
par grace & priuilege special des Souuerains, pour n’estre aucunement
establis de Dieu, ny de ses Apostres.

Le Cardinal Bellarmin qui est vn des plus sçauans, & des
plus zelés de l’ordre Ecclesiastique demeure d’accord de cette
doctrine, quand il enseigne, que ; Clerici præterquam quod Clerici
sunt, sunt etiam ciues & partes reipublicæ Politicæ ; Estant certain
qu’encore que quelqu’vn se soit fait Chrestien, ou promû aux

-- 44 --

Ordres Sacrés, il ne laisse pas pourtant d’estre Citoyen & membre
de la Republique sous laquelle il est né, & en cette qualité
astreint aux Loix publiques, en ce qui concerne la droite &
pacifique administration de l’Estat ; Lex enim Christiana neminem
priuat iure suo & Dominio ; dit le mesme Bellarmin.

 

Bellarm. de
Clericis lib.
1. cap. 20.

Bellarm. de
Rom. Pontif.
lib. 2. cap. 29.

Saint Pierre parlant aux nouueaux Chrestiens qu’il appelloit ;
genus electum, regale facerdotium, gentem sanctam, populum acquisitionis,
adioûte incontinent apres, & leur ordonne ; Subiecti
igitur estote omni humanæ creaturæ propter Deum, siue Regi quasi præcellenti,
siue Ducibus tanquam ab eo missis ad vindictam malefactorum,
laudem vero bonorum, quia sic est voluntas Dei. Et sainct Paul escriuant
à Tite ; Admone illos, dit-il, Principibus & potestatibus subditos
esse, dicto obedire. Mais le passage le plus expres, & qui ne reçoit
ny exception ny contradiction, est en son Epistre aux Romains,
où il veut que ; omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit, non
est inim potestas nisi à Deo, quæ autem sunt à Deo ordinata sunt ; itaque
qui resistit potestati Dei ordinationi resistit, qui autem resistunt ipsi sibi
damnationem requirunt.

Saint Pierre,
Epist. 1. cap.
2. vers. 9. 13.
14.

Ad Titum.
cap 3. vers. 1.

Ad Roman.
cap 13. vers.
1. 2.

Tertulien qui estoit du temps de l’Empereur Seuere, & qui
fut fait Prestre enuiron l’an 202. selon Pamelius en sa vie, parlant
de l’authorité des Princes, dit en l’vn de ses traittez ; Quod
attinet ad honores Regum & Imperatorum, satis præscriptum habemus
in omni obsequio esse nos oportere secundum Apostoli præceptum subditos
Magistratibus, & principibus, & potestatibus. Le Deuot & genereux
saint Bernard en vne sienne Epistre à l’Archeuesque de
Sens, luy mande ; Omnis anima potestatibus, &c. Si omnis & vestra ;
Quis vos excepit ab vniuersitate ? Si quis tentat excipere, conatur decipere.

Tert. de Idolol.
cap. 15.

S. Bernard.
Epist. 42.

Or comme les gens d’Eglise ne peuuent en façon quel conque
connoistre du criminel, & bien moins que du ciuil, c’est
pourquoy cette authorité & cette jurisdiction est entierement
reseruée aux Princes temporels, & à leurs Magistrats ; Estant
certain que la fin de la puissance legitime des Souuerains & de
leurs Officiers, est comme dit Saint Pierre ; ad vindictam malefactorum ;
Saint Paul adjoustant que le Prince qui punit les meschans ;
Dei minister est, vindex in trum ei qui malum agit ; En suite
de laquelle doctrine qui ne peut estre contredite ny reuoquée
en doute, les Docteurs les plus anciens de l’Eglise ont tenu &

-- 45 --

enseigné que l’vne des fonctions principales des Princes consiste
au chastiment des meschans ; Rex debet furta cohibere, adulteria
punire, impios de terra perdere, parricidas & peierantes viuere non
sinere ; Dequoy l’Eglise Vniuerselle a fait vn Canon.

 

S. Paul. ad
Rom. cap. 13.
vers. 4.

S. Cyprian.
in Cap. 40.
Rex debet :
23. quæst. 5.

Sur ces principes, & ces fondemens inesbranlables, les Ecclesiastiques
pouuans estre coupables & mal-faicteurs, & ne
pouuans connoistre du criminel en façon quelconque, il faut
necessairement selon la Loy de Dieu, & le sentiment des Peres,
qu’ils soient sujets en ce monde au jugement coactif des
Princes, & de leurs Magistrats ; Autrement il s’ensuiuroit par
vne consequence injuste & dangereuse, qu’ils pourroient impunément
troubler le repos de la Republique, machiner contre
l’Estat, & commettre toutes sortes de grands crimes, sans
en pouuoir estre repris ny chastiez ; Qui seroit ouurir la porte
à tout desordre & confusion, puisque dans les delicts les plus
noirs & les plus atroces, il ne se trouueroit aucunes peines establies
contre les Ecclesiastiques, parce qu’ils ne peuuent condamner
qu’aux suspensions, priuations, dépositions, irregularités,
& prisons perpetuelles ; Quia non habet Ecclesia vltra quid
faciat ; Comme il est porté dans vne Decretale ; qui n’est pas
assés pour les assassins, les voleurs, les incendiaires, les incestueux,
les Sodomistes, les meurtriers, & les criminels de leze-Majesté ;
Qui ne seroit estre priuilegié que pour mal-faire, &
pour laisser le vice impuny.

Cap. At si
Clerici, extra.
de Iudic.

Pour monstrer à nos Mazarins la pratique de cette authorité
temporelle sur les gens d’Eglise, aussi bien que son establissement,
ie veux leur rapporter quelques exemples qui pourront
conuaincre leur opiniastreté, & les rappeller de l’aueuglement
où ils sont, si tant est qu’ils soient encore capables & susceptibles
de raison.

Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)


Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.