Anonyme [1649], LETTRE D’VN FAMEVX COVRTISAN A LA PLVS ILLVSTRE COQVETTE DV MONDE. , françaisRéférence RIM : M0_1864. Cote locale : C_3_20.
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si extraordinaire que la miẽne. Voyez de grace apres cela,
Ma dame, si vous deuez faire vn bon iugement en ma faueur,
& si vos sens ne doiuent pas estre les maistres de vostre
connoissance. La trop grande & trop bonne opiniõ
que vous auez de vous mesmes, offense les esprits les plus
indulgens, & vous tient dans des erreurs insupportables.
Si vous prenez la peine de consulter la raison & l’authorité
des choses, vous trouuerez qu’il n’y aura rien au
monde qui ne vous parle auantageusemẽt de moy, & qui
ne vous blasme de trop de seuerité, de me traitter auec
des mespris qui n’en eurent iamais de semblables. Ne
croyez vous pas que le monde ne fut fait qu’à dessein de
vous immoler ce qu’il a de plus precieux, & que le Soleil
ne doit luire que pour vostre personne. La cause de sa retraitte
pourroir bien estre celle de vos perfectiõs, si vous
receuiez vn traittement proportionné à vos façons d’agir,
& si vos merites estoient recompensez de la mesme
sorte qu’ils le deuroient estre. La nuict est vne Deesse qui
deffigure tous les obiets, & l’estre d’vn nouueau suiet, tire
son principe de la priuation d’vn autre, si le Prince des
Philosophes ne s’abuse pas en son calcul, & si le rien peut
estre le commencement de quelque chose. Ne croyez
vous pas encore que la terre ne sçauroit produire des
fleurs & des fruicts que pour vous, que vous estes d’vne
condition qui oblige tous les hõmes à finir leur vie pour
vostre seruice : & que toute la satisfaction qu’ils en doiuent
esperer est celle de vous la rendre. Pardonnez moy,
Madame, si ie me dispense à vous parler de ce que vous
m’auez entretenu assez souuent chez vous, & si ie cherche
le moyen de vous desabuser d’vne creance qui n’a


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