Anonyme [1651], LE MANIFESTE VERITABLE DES INTENTIONS DE MR LE PRINCE, QVI NE TENDENT qu’au restablissement de l’authorité Souueraine, & du repos des peuples. Presenté à Nosseigneurs de Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_2404. Cote locale : B_14_23.
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ignorer ce que nous auons veu, pour ne voir pas que c’est l’auarice & l’enuie
qui ont acheminé les affaires à cette dangereuse extremité ; & que par
consequent celuy qui pourroit boucher ces deux sources intarissables de
tous les malheurs des peuples, meriteroit d’estre regardé comme l’Ange Tutelaire
de la tranquillité de l’Estat.

 

Agréez s’il vous plaist, mon cher Lecteur, que ie fasse voir cét auantage
dans les pretentions de Monsieur le Prince ; & que ie vous oblige de confesser
auec tous les desinteressez, que ses intentions ne tendent à autre fin.

Il n’est iamais plus à craindre que ces Fauoris s’emparent ainsi si souueraiment
de l’affection & de l’authorité mesme de leur Souuerain, que lors que
les Roys passent dans leur Maiorité : c’est lors que se trouuant les maistres de
leurs inclinations, ils les font pancher vers qui bon leur semble ; & choisissent
ordinairement pour estre les confidents de tous leurs desseins, non pas
des personnes qu’ils iugent les plus capables, mais celles qu’ils estiment les
les plus complaisantes à leurs plus maistresses inclinations. Gaston Phebus
Roy de Nauarre, ne choisit pour son premier Ministre vn certain Baron
d’Angosle, que parce qu’il auoit les cheueux blonds comme luy. Charles le
Mauuais ietta dans sa confidence vn Comte d’Arblay, parce qu’il l’auoit veu
rire le iour que sa femme & ses enfans furent accablez sous la ruine d’vne
la ruine d’vne maison, & qu’en cela mesme il simbolisoit plus parfaitement
auec son pernicieux naturel. Charles premier Roy de Sicile donna le timon
de son Royaume à vn certain Baron d’Ornaro, parce qu’il passoit dans sa
Cour pour l’Aimant de toutes les belles, & que tout le sexe suiuoit apres luy
comme apres le Dieu de l’amour. Nallons pas rechercher des exemples de si
loin ; par quelle porte est ce que le Connestable de Luines entra dans le cœur
du feu Roy ? n’est-pas parce que pendant son enfance estant son page, il auoit
eu l’addresse de le gagner auec certains petits Passereaux, qu’il faisoit venir
en les appellant de loin.

Il n’est donc que trop probable que les entrées des Majoritez sont fort à
craindre ; & que mesme les Roys ne se trouuans pas assez forts pour soustenir
tout le poids de leur Estat, sont bien aises de s’en delasser sur la conduite
de ceux, que leurs propres inclinations leur font choisir. C’est cette consideration,
Mon Lecteur, qui faisant apprehender vn semblable malheur pour
la France à M. le Prince, le fait interesser genereusement pour l’empescher,
& principalement pour ne permettre pas que le Mazarin qui est le plus à redouter,
sur l’apparence qu’il y a que ce malheureux a gagné sa Minorité pae
toute sorte de complaisance, ne vienne à s’emparer de son pouuoir. C’est
pour cette raison qu’il poursuit auec tant de iustice, l’establissement d’vn
Conseil, qui ne soit composé que de personnes des-interessées, sur lesquelles
nostre ieune Majeur ie puisse reposer auec asseurance du gouuernement de
son Estat, sans que les peuples en puissent murmurer ; & que l’authorité en
puisse aucunement estre interessé. Cette poursuite est elle iniuste ? n’est-elle
point fort aduantageuse au repos des peuples qui ne seront sans doute point
si succez, lors que les Fauoris n’auront pas le tymon en main, pour le manier
au gré de leurs caprices & de leur ambition.

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Anonyme [1651], LE MANIFESTE VERITABLE DES INTENTIONS DE MR LE PRINCE, QVI NE TENDENT qu’au restablissement de l’authorité Souueraine, & du repos des peuples. Presenté à Nosseigneurs de Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_2404. Cote locale : B_14_23.