Anonyme [1651], LE MANIFESTE VERITABLE DES INTENTIONS DE MR LE PRINCE, QVI NE TENDENT qu’au restablissement de l’authorité Souueraine, & du repos des peuples. Presenté à Nosseigneurs de Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_2404. Cote locale : B_14_23.
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mesme temps auoir de dessein d’espargner l’vn, & d’interesser l’autre. Outre
qu’il est tellement important pour luy, que l’authorité Royale soit dans
son entier, qu’il faut necessairement qu’il en partage la breche, puis qu’il
vray que M. le Prince n’a d’esclat que par reflection d’elle à luy, & que son
esleuation n’est rien autre chose, qu’vne des plus hautes marches de la souueraineté
qui ne peut se raualler, sans le raualler par consequent ; n’y rehausser
son faiste, sans rehausser a mesme temps sa condition de ceux qui
l’approchent.

 

Voila donc ce que M. le Prince ne pretend point : il n’est pas moins interessé
à menager le repos des peuples, qu’à soustenir l’authorité Royale,
puis qu’il ne peut troubler l’vn, sans disposer les affaires à sa perte ; ny attenter
sur l’autre, sans estre asseuré d’en ressentir tous les coups par reflection.
Qu’est ce donc qu’il pretend ? quelles sont ses intentions, ie pense, mon
cher Lecteur, que m’en vais les toucher si éuidemment, que les plus interessez
mesmes ne pourront me desaduoüer dans cette deducton.

Il ne suffit pas d’auoir auancé que M. le Prince n’en veut ny au repos des
peuples ny à l’authorité Royale, ie veux outre cela faire voir qu’il veut rasseurer
le premier, & remettre la seconde dans le haut éclat dont elle est decheuë :
c’est ce que ie m’en fais prouuer dans vn raisonnement que les gens
d’honneur estimeront à l’espreuue.

L’ambition des Fauoris, & le desir insatiable qu’ils ont d’agrandir toute
leur parenté auec eux, a esté de tout temps comme les histoires font soy,
la source des desordres & de toutes les desolations publiques. Le Regne du
feu Roy ne met que trop cette verité dans l’éuidence, & celuy de son fils
nous l’a fait toucher au doit : la raison mesme n’en est pas trop difficile ; parce
que la premiere & la plus naturelle passion, qu’ont ces idoles de fortune ;
lors qu ils se voyent dans la confidence de leur Souuerain ; c’est de s’y mettre
à l’espreuue de la jalousie, de ceux qui ne pouuant les voir dans cette éleuation
sans enuie, ne manqueront sans doute point, de se seruir de toutes
sortes de ruses pour les en faire déchoir.

Pour se mettre donc en estat de repousser tous les assauts de leurs enuieux,
il est expedient qu’ils agrandissent leurs plus proches, ou qu’ils se jettent
dans l’alliance des plus releuez, pour en grossir vn party, duquel ils puissent
appuyer la grandeur de leur fortune : Cét agrandissement des plus proches
ne pouuant reüssir qu’en leur procurant toutes les plus belles charges
de l’Estat ; & leur alliance ne pouuant estre acceptée, qu’à condition que
l’argent & l’or en releueront la bassesse par leur éclat ; il ne se peut que la
distribution de ces charges, ne iette l’enuie dans les esprits de ceux qui sont
destinez par leur naissance pour les remplir ; & qu’il ne faille faire des leuées
de deniers prodigieuses, pour fournir à ces grandes depenses, sans lesquelles
ils ne pourroient iamais entrer dans l’alliance des grandes maisons,
rehausser mesme la qualité de ces proches, qu’ils voudroient esleuer à quelque
chose de plus esclatant.

Ie demande apres cela, mon cher Lecteur, s’il est possible que l’enuie
s’empare de l’esprit des grands, sans aucun danger de desordre ; & que ces
Fauoris fassent tant d’impositions sans incommoder les peuples : il faudroit

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Anonyme [1651], LE MANIFESTE VERITABLE DES INTENTIONS DE MR LE PRINCE, QVI NE TENDENT qu’au restablissement de l’authorité Souueraine, & du repos des peuples. Presenté à Nosseigneurs de Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_2404. Cote locale : B_14_23.