Fortin, Pierre (sieur de La Hoguette) [1650], CATECHISME ROYAL. , françaisRéférence RIM : M0_653. Cote locale : A_9_2.
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de peur qu’en vous la faisant voir triste, severe, & renfrongnée, elle
ne vous fust plûtost vn sujet d’auersion que d’amour. Ie la conçois
sous vn visage plus doux, & qui est (ce me semble) son vray pourtrai,
à sçauoir que la vertu est vne constante & gaye application de
toutes nos actions au bien : Constante, parce qu’il ne faut jamais
qu’elle varie : Et gaye, parce que toute action libre l’est. En vn
mot, la vertu & l’innocence ne sont qu’vne mesme chose : & puis
que la saison de nótre vie la plus innocente est la plus enjoüée, il
faut que nótre vertu luy ressemble, ou pour le moins que la gayeté
soit vn assaisonnement de ce qu’il y a de plus austere en la pratique
des vertus : & vn tesmoignage de ce que je dis, c’est que celuy de
tous les hommes qui a esté jugé par l’Oracle auoir esté le plus sage
& le meilleur, a esté le plus enjoué.

 

L. R. Cela va le mieux du monde, je pensois que mes plaisirs
deussent auoir leurs heures reglées : mais à ce conte-là on se peut
réjouïr en toutes occasions, & en l’exercice mesme des plus austeres
vertus.

L. R. Oüy, SIRE, on le peut ; & tout au contraire le vice n’est jamais
sans douleur : le cœur ne s’enflamme jamais de colere, sans
quelque palpitation : l’œil ne menace jamais, ny la bouche, sans faire
quelque mouuement conuulsif : la main ne frappe point, qu’elle ne
souffre vn contre-coup. En toutes ces actions il y a de la douleur :
de sorte qu’on peut dire, que le vice & la douleur sont deux bessons,
dont le vice naist le premier, & la douleur la derniere. Mais je m’écarte
vn peu de mon sujet, qui est de traitter des conditions que doiuent
auoir les Officiers de vótre Maison Royale ; & particulierement
ceux qui ont l’honneur d’estre auprés de vous. I’ay parlé de
ceux qui seruent & qui commandent à vótre Chambre, & de ceux
qui sont receus en la societé de vos plaisirs & de vos exercices.

L. R. Il est vray ; mais vous ne m’auez rien dit des plus grands
de mon Royaume ?

L. G. SIRE, Les Princes, vos Ministres, les Officiers de vótre
Couronne, les Gouuerneurs, les Prelats, sont Personnes acheuées,
d’vn aage meur, d’vne naissance illustre, & éleuées aux plus grandes
charges de vótre Estat par leur merite. Ce sont Personnes de grande
suite, de grand lustre, & de grand éclat, qui n’approchent jamais
de vous qu’auec vn extréme respect. Enfin, SIRE, comme tous les
dehors en sont beaux & magnifiques, Vótre Majesté se peut asseurer

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Fortin, Pierre (sieur de La Hoguette) [1650], CATECHISME ROYAL. , françaisRéférence RIM : M0_653. Cote locale : A_9_2.