Anonyme [1649], LETTRE DV CHEVALIER GEORGES DE PARIS, A MONSEIGNEVR le Prince de Condé. , françaisRéférence RIM : M0_2099. Cote locale : D_2_13.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 10 --

destourner d’vn si est range proceddé, contre vne Ville innocente,
& de si long-temps protegée & possedée par les Bourbons ? Elle appartient
à Monseigneur le Prince de Conty vostre frere, & cela
feroit croire que vous estes deuenu l’ennemy de vostre maison,
comme de vostre patrie, & qu’vne passion estrãgere auroit estouffé
dans vn grand Cœur & l’amour François & l’amour fraternel.

 

Pardon, Monseigneur, si i’ose vous dire, que son Altesse à fait
vn coup d’Estat qui vaut toutes vos grandes victoire, & que si vous
auez la force & la vaillance des Bourbõs, il est le principal heritier
de la sagesse de son pere, & de l’affection qu’il portoit á la France &
aux Parlemens. Il sera eternellement loüè d’auoir preferè le salut
des Citoyens, à tous ses biens & au soustien de la fortune d’vn estranger
indigne, & V. A. reueillèe quelque iour comme vn autre
Philippes de Macedoine, s’accusera d’auoir blasmè sa generosité,
& la saincte resolution de Madame de Longueuille vostre sœur, &
de Monseigneur le Duc son Mary. Si le Conseil de ce sage Prince,
digne successeur de la branche restauratrice de l’Estat, & de la reputation
de ces grands Comptes de Dunoys, eut pû rappeller en
vous les sentimens d’vn vray Pere de la Patrie, comme vous en auez
estè le protecteur : Vous attiriez sur vous toutes les benedictions
que Dieu depart ordinairement aux prieres d’vn peuple iuste ; vous
terrassiez la fortune, vous rẽuersiez le Throsne qu’elle s’est esleuée
sur nos espaules, & vous restablissiez le Royaume dans ce repos,
que vous l’obligerez de chercher par la voye des armes, en se deffendant
contre vous-mesme.

Tout le monde est soldat pour vne telle occasion, qui est le pretexte
le plus specieux des armes du Roy dans l’Allemagne. Ainsi,
Monseigneur, vous auez affaire cõtre tout ce qu’il y à de François,
contre vos plus affectiõnez seruiteurs, contre vos parens, & contre
ceux mesmes qui vous ont accompagnè dans vos conquestes, & qui
ont donné de leur sang pour sauuer celuy de V. A. Vous ne pouuez
pas esperer, comme vn autre pompée, de faire naistre des legions
d’vn coup de pieds, la terre que vous foulez est vostre ennemie, &
elle n’enfantera point de soldats que pour vous combattre & pour
la deffendre.

Ces estudieurs de bons mots, ces lasches Parasites, & ces plaisans
impies que l’on souffre auec tant d’impatience sur le theatre de la
Cour, ont beau vous predire de grands progrez, & vous promettre

Page précédent(e)

Page suivant(e)


Anonyme [1649], LETTRE DV CHEVALIER GEORGES DE PARIS, A MONSEIGNEVR le Prince de Condé. , françaisRéférence RIM : M0_2099. Cote locale : D_2_13.