Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.
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Mon fils, c’est de ce galand hõme,
Qu’enfin doit venir cette Rome,
Dont l’oracle n’a point menty,
Dans ce qu’il en a pressenty ;
Car ce sera plus grande ville,
Qu’encor ne dit Monsieur Virgille,
Et ie treuue ayant bien cherché,
Que ce doit estre vn Euesché.
Elle embrassera sept collines,
Qui luy seruiront de courtines,
Ses murailles iront bien loin,
Encor qu’elle n’en ait besoin,
Elle aura des belles lignées,
Plus qu’on n’en prend en deux poignées,
Qui nous donner ont des Heros,
De quoy chanter plus à propos
Le Te Deum que [1 mot ill.],
Qui pour s’estre trouuée enceinte,
De trois ou quatre meschans Dieux,
Se fait respecter en tous lieux ;
Et caquetant comme vne Pie,
De tous costez dans la Phrygie,
Se fait traisner sur vn beau char,
Disant qu’on face des feux, car
I’ay fait moy quis suis ieune encore,
Plus d’vn cent de Dieux qu’on adore,
A quoy quelqu’vn a respondu,
Il faut qu’elle les ayt pondu.
A present chaussez vos lunettes,
Et plus attentif que vous n’estes,
Contez hardiment par vos mains,
Ce qui va passer de Romains,
C’est Cesar, & toute la suite,
Que le sang d’Iule a produite,
Tremblez deuant celuy qui suit,
Dont les Deuins font tant de bruit,
C’est mon fils, c’est le grand’Auguste,
Né des Dieux, c’est celuy tout iuste,
Dont vous disiez auparauant,
Qu’autant en emportoit le vent :
C’est le sujet que la Sibylle,
Prit de ses vers en plus de mille :
C’est celuy seul, qui doit encor
Vous ramener le siecle d’or,
Et qui sans conter l’Italie,
Qui n’est qu’vne terre iolie,
Que pour legitime il aura,
Par tout le monde regnera,
Aux Hurons, à la Martinique,
Dans l’Asie, & dans Amerique,
Par tout où le Soleil a cours,
Antipodes Topinambours,
Tant d’autres regions nommées,
Chez les Athlas & Ptolomées,
Qui seroient recits superflus,
Il aura tout le monde, & plus.
Desia la plus grande partie,
Du menu peuple de Scythie,
Le redoute dans son esprit,
Comme vous feriez l’Antechrist.
L’autre iour le Nil par sa bouche
Dit qu’il apprehendoit la touche,
Mais plustost il en ouurit sept ;
Pour dire la peur qu’il luy fait.
C’est vn vaillant trotin qu’Alcide,
Auec sa biche Eripide,
Que corps à corps il attrappa,
Et son Sanglier qu’il frappa,
Duquel coup la beste mourante,
Purgea la forest d’Erimante ;
Auguste l’auroit bien berné,
Quoy qu’il ait fait trembler Lerné,
Que Bacchus auec sa broüette
Nous vienne icy conter goguette,
Qu’auec ses Tygres il yra,
Au diable quand il luy plaira :
Qu’il coure la terre, mon Prince
Aura tousiours quelque Prouince,
Où Bacchus n’aura point esté :
Et nous aurons encor douté,
De faire malgré la tempeste,
Vn pot cassé de nostre teste,
Plustost que de ceder vn droit,
Sur cét Empire qu’on nous doit ?
Quitter ces belles esperances,
Pour quelques legeres souffrances !
Non, il faut que creue Æneas,
Ou qu’Anchise ne mente pas.

 

 


Pour celuy qui là bas arriue,
Tenans vne branche d’Oliue,
(Ie crois qu’il lit vne oraison)
Ie connois bien ce poil grison :
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Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.