Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.
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Que la crainte de la famine,
Soumit à la loy [illisible]......,
Et fit. Sans acheuer [illisible]
Elle rentra dans son cachot.
Le Troyen la suit de pied ferme,
Et refusant de prendre terme,
Luy fait voir par cette action,
Qu’il a le cœur & le pied bon.
O Dieux, disoit il en luy mesme,
Vous qui portez le Diadéme,
Souuerains arbitres des morts,
Du Phlegeton & de ses bords,
S’il se pouuoit faire qu Enée,
Vit par vn trou de cheminée,
Par où peut manger vn esprit,
Comment il parle ou qu’il écrit :
Si vous esleuez des canailles,
A combien se montent vos tailles.
Si vous vous chaussez haut ou plat ;
Quels sont vos Ministres d’Estat,
Si vous les prenez d’Italie,
Si vous les triez de la lie,
Si vous endurez des Traittans,
Des Monopoleurs, des Prestans,
Ou des Intendans de Iustice,
Trosnes illustres de tout vice :
Et tant de choses qu Eneas
Pourroit vous demander là bas.
Le Ciel n’auoit point de lumiere,
Ils vont tous seuls & sans lizieres,
Tastonnant auec vn baston,
Au trauers des choux de Pluton.
Le plus grand aueugle du monde,
Dans vne forest tres profonde,
Durant la plus obscure nuit,
Où pas vne estoille ne luit,
Se seruiroit mieux de sa veuë,
Qu’Enée en sa route inconnuë.

 

 


Aupres du premier pont-leuis,
Ont leurs cabanes vis à vis,
Les pleurs, le soucy, la tristesse,
Les maux, les fiévres, la vieillesse,
La crainte, la necessité,
La faim, animal indompté,
Le trauail dont chacun s’échappe,
Et la mort qui tous nous attrape ;
Car contre son cruel effort,
Rien au monde n’est assez fort,
Elle en priue plus de la vie
Que ne font les yeux de Siluie,
Ie n’entends pas les comparer,
Mais on en void plus expirér.
Toutes ces guenons sont si laides,
Que ce sont d’amour des remedes,
Qui voudroit le plus debauché
Auoir auec vne couché.
Ces gauppes, ces salles furies,
Ces vieilles chiennes, ces voiries,
Ces laides masques, ces lidrons,
Sont autant de dames pil......
Ces sorcieres escheuelées,
Ces putains pis que verollées,
Ces, ces, tout ce qu’il vous plaira,
Au Diable qui les aimera,
Necessité, mal, ny tristesse,
Trauail, ny faim, mort ny vieillesse ;
Elles ont bien si peu d’appas,
Que les Demons n’en veulent pas,
Et c’est la raison la plus forte
Que ces monstres sont hors la porte.
D’autre costé gueres loin d’eux,
La guerre qui ne vaut pas mieux,
Le sommeil, le plaisir infame,
Le vray destructeur de nostre ame,
Des mortels le subtil poison,
Loüent cent francs vne maison,
Aupres la cruelle discorde,
Riualle de misericorde,
Demeure depuis tres long temps,
Pour cheueux elle a des serpens,
Vne vipere est sa guirlande,
Et personne n’est de sa bande,
Ne se pouuant pas souffrir d’eux.
Vn peu plus loin au milieu d’eux
On voit vn vieil & puissant orme,
Dont la taille paroist enorme,
Qui iette des bras à foison,
Capables de porter maison :
Sous sa feüille habitent les songes,
Ou plustost des nuicts les mẽsonges,
En suite plusieurs animaux,
Des grenoüilles, lezarts, crapaux,
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Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.