Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.
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Il craignoit s’il l’eut courtisée,
Qu’elle ne se fut aduisée
De demander quelque ruban,
Son manchon, sa coiffe, ou son gan,
Et tout ce dont la moins coquette
Manque quand la partie est faite,
Crainte de ces empeschemens,
Il l’emporta sans complimens,
D’vne façon plus inciuille,
Que Charmoi n’enleue vne fille.
Cependant les pauures Troyens,
Qui trauailloient comme des chiens,
Hastoient le conuoy de Misenne,
L’ingrat qui ne prit pas la peine
De dire à pas vn de ces gens,
Dieu vous le rende auec le temps.
D’abord, à force de matiere,
Qui semble d’vne forest entiere,
Bois fendu, busches & rondins,
Des fresnes, des chesnes, des pins,
Qu’à mesure qu’on amoncelle,
L’on frotte de suif de chandelle,
Ils éleuent vn grand bucher,
Où ce corps ils veulent iucher,
Et le poussent dans vne nuë,
Tant qu’on en a mal à la veuë,
A gauche, à droit, deuant, aprés,
Ils l entrelardent de cyprés,
Et dés que la pille fut faite,
Au dessus ils posent sa brette :
Quelques-vns font boüillir de l’eau,
Les autres la tirent au seau,
Et preparent vn bain matie,
Pour cette carcasse pourrie,
Auec lard & beurre à foison,
En le graissant comme vn oison,
Ils témoignent que l’heure approche,
Qu’ils le feront rostir sans broche.
Desia les grands cris de ce lieu,
Sont signes qu’on luy dit Adieu,
Desia dans son lit de parade,
Ils ont mis ce pauure malade :
Les vns portent vn iuste corps
Qu’on fait de bois à tous les morts,
Dieu nous garde d’auoir affaire
De ce Tailleur qui les sçait faire.
Il a prou de solliciteurs,
Il n a que trop de seruiteurs,
Chacun luy couure quelque membre,
Mais tous mauuais valets de Chãbre,
Des Troyens les plus apparens,
En la place de ses parens,
Vont les premiers apres la biere,
Et tenant flambeaux par derriere,
Cõme on voit Messieurs les Laquais
Les porter deuant nos coquets ;
Ainsi faisant piteuse mine,
Ils bruslerent nostre machine ;
Et le Seigneur Vulcain prit part,
Aux [1 lettre ill.]estes d’vn morceau de laid,
Il saisit l huile auec la couppe,
Il mit tout en feu comme estouppe,
Et du costé qu’il se treuua,
Au Diable rien qui se sauua.
Quand Vulcain fut las de mal faire,
Quand il leur permit de soustraire,
Ce qui restoit de son repas,
Où les os ne manquerent pas.
Sortant du feu vous pouuez croire,
Qu ils auoient grand besoin de boire,
Et qu ils estoient fort alterez,
Aussi vrayment vous en aurez,
Tout du meilleur qu’on puisse vẽdre ;
On fit aussi boire la cendre,
Que du depuis le grand Chorin,
Serra dans vn bassin d airain ;
Et comme le Poëte recite,
Il fit par trois fois l’eau beniste :
En suite il monta pour prescher
Sur les ruines du bucher.

 

Le rapt cõmis
aux
Filles Dieu.

 


Cependant Æneas le pie,
Ne joüoit pas à la touppie,
Il court, il en est tout en eau,
Il creuse luy mesme vn tombeau,
Pour mettre le corps de Misenne,
Sur vne montaigne prochaine,
Qui depuis vn long temps passé.
Retient le nom du trespassé.
Bref sans obmettre vne vetille,
Il suit l’ordre de la Sybille.
Vn cachot obscur & plus laid,
Que n’est le petit Chastelet,
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Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.