Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.
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Aussi l’on aduance besogne,
Ce n’est point en vain que l’on cogne,
Le bruit qu’ils font en ce mestier,
N’est pas le bruit d’vn bahutier,
Celuy de la cheute des chesnes,
Est le digne fruict de leurs peine,
Donnant des coups à ce bois neuf,
Capables de tuer vn bœuf.
D’vne hache ils ont fait bicestre,
Aux pins, aux fresnes, au bois d’hestre
Et l’ardeur ce peuple a porté,
Iusqu’à mener du bois flotté.

 

La chasõ
[illisible] vous n’e[illisible]
Italiẽs,
[illisible]ous ne
[illisible]errez
point l’Or[illisible]

 


Æneas qui les encourage,
Ne fait gueres moins qu’eux d’ouurage,
Il auoit desia lié prés
D’vne vingtaine de cotterets,
Lors qu’en cette forest espoisse
Il luy prit vne grande angoisse,
Ah, dit il, monstrant vn ormeau,
Pourquoy n’est ce là ce rameau,
Dont parloit tantost la Sybille,
Ie connois qu’elle est fort habille ;
Et de Misenne le trespas,
Me fait voir qu’elle ne ment pas.
Il acheuoit à tire d’aille,
Voicy deux ramiers qu’on appelle,
Virgile dit pigeons communs,
Des bisets disent quelques vns,
Et n’en desplaise au sieur Virgille
Loin de bourg, noblesse de ville,
De fuyes, & de coulombiers,
C’estoient ou bisets ou ramier :
Parbleu des pigeons domestiques,
Ne sont assez melancholiques
Pour aimer les sombres forests,
Si ce n’est que Venus exprés
Leur eut chaussé cette humeur sõbre,
Qui fit qu’ils chercherent de l’ombre.
Æneas qui les a connus,
Pour oyseaux de Dame Venus,
Leur fit vne telle priere,
Comme ils luy rasoient la visiere,
Oisillons moins gros qu’vn chameau,
Conduisez moy vers ce rameau,
Et faites-m’en passer l’enuie,
Mamman, mignogne, ie vous prie.
Il dit : & les suit de ses yeux ;
Il n’en a qu’à demy de deux.
Et plus que certaine donzelle,
Il exerça lors sa prunelle,
Eux ne voltigeoient pas plus loin,
Qu’ils pensoient en auoir besoin,
Pour aller chercher dequoy viure,
Sans qu’il eut de peine à les suiure :
Quand en face du lac d’Enfer,
Aussi puant que Lucifer,
Toutes deux se leuent de terre,
Et par vn vol pris à grand’erre,
Sur arbres vont prés du Troyen,
Percher chacune sur le sien :
Arbres, d’où vient lueur certaine,
Qui donne aux hommes la migraine,
Charmant trompeur, subtil appas,
Qui n’entend ou qui n’en veut pas ?
C’est de l’or que par le Virgille,
Qu’il appelle vne glus subtille,
Pour moy ie croy qu’il a raison,
L’or est la gluë de la saison.
Ce que sçachant cét esprit rare,
Vn peu plus bas il le compare
A la lueur que rend la glus,
Quand en hyuer les arbres nuds
Sont pris s’ils ne prennent la fuite,
Par celle qu’ils n’ont point produite
Et qu’elle s’attache à leurs troncs,
Tous les plus grãds & les plus ronds,
Sous les voilles d’vn puissant chesne,
La branche paroissoit à peine,
L’ombre qu’il faisoit à l’entour,
Ny souffroit pas le moindre iour :
Mais la lueur qu’elle a renduë,
Sa fueille qu’vn Zephir a meuë,
Qui pour estre d’or fait du bruict,
Ioint que ce n’estoit point la nuit,
Qu’Æneas n’estoit pas vn borgne,
Qu’attentiuement il la lorgne,
Tout cela fit qu’il s’approcha,
Qu’il la connut & l’arracha,
Non qu’elle se mit en deffence
Il creut dans son impatience,
Qu’elle pourroit luy resister,
Tellement qu’il la fit haster :
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Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.