Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 10 --

à vouloir mettre en ce compte les biens de l’Eglise, ne se ressouuenant pas,
que la conscience seule les doit donner, & offensant en cela celle de sa Majesté
qu’il mesure par la sienne ? luy qui n’en fait nulle de trafiquer des choses
sacrées, & qui n’en distribue quasi iamais sans sallir par quelque commerce
illicite la pureté de nostre Religion, & la reputation de l’Eglise Gallicane.
Et certes quand il n’y auroit que ces considerations, ie n’ay garde
de reconnoistre cette Lettre pour celle du Roy, & ie dois trop de respect à
mon Souuerain, pour luy attribuer les deffauts de son Ministre.

 

Or ayant entrepris de deffendre les Princes de toutes les choses qu’on
leur impute, ie ne refuse pas d’examiner celles mesmes qui sont indifferentes,
& ie suis preste d’entrer en compte des graces qu’on veut qu’ils
ayent si abondamment receuës, quoy qu’à dire vray, ie m’y porte auec
déplaisir, non que j’apprehende qu’ils ne les ayent pas assez meritées,
mais c’est qu’ayant fait gloire jusques icy d’en publier la grandeur, il me
fasche d’estre contrainte les examinant auec vne iuste balance, de diminuer
beaucoup du prix que ie leur auois donné. I’auouë pourtant qu’à
considerer seulement les mains d’où nous les tenons, le respect de leurs
Majestez me les doit faire éleuer au dessus de la plus grande reconnoissance.
Mais puisque ie suis forcée par les mesmes consequences qu’en
veut tirer le Cardinal Mazarin, de les mesurer par ce qu’elles sont, & non
pas par l’endroit d’où elles viennent : leurs Majestez ne trouueront point
mauuais, si conseruant vne entiere gratitude pour ces bien-faits, comme
pour des tesmoignages de leurs bontez : ie ne laisse pas de faire connoistre
qu’ils sont moins des gratifications que des recompenses : que nous auons
tousiours eu, ou quelque droit, ou quelque raison de les pretendre, lors
qu’on nous les a données : & qu’à regarder les choses sans preoccupation
non seulement ils ne sur passent pas : mais, si ie l’oze dire, ne sçauroient
égaler les seruices de Monsieur mon frere. Ces torrens en effet n’ont
point innondé sa Maison, & ny ses parens, ny ses seruiteurs n’ont point
esté éleuez par luy, en des lieux, où leur fortune pust estre regardée auec
enuie. Au contraire, pendant qu’il a passé la fleur de son âge à gaigner
des victoires si necessaires à la France, & que la gloire a presque tousjours
esté le seul fruit que luy & ceux qui l’ont suiuy en ses fameuses expeditions
ont recueilly de leurs perils & de leurs peines ; Tout le monde
a veu le Cardinal Mazarin plongé dans les delices d’vne vie oisiue &
molle, estre l’arbitre de la fortune, & ses creatures enyurées de sa prosperité,
enuahir les richesses & les charges de l’Estat : Aussi à dire le vray, il
reconnoist si clairement luy mesme que les biens qu’on fait à Monsieur
mon frere sont mediocres : que lors qu’il veut luy en reprocher le nombre,
il est contraint d’y joindre ceux que feu Monsieur mon pere auoit
receus, & de porter ses mains sacrileges dans le tombeau de cét illustre
mort, pour en tirer, s’il pouuoit, de quoy persecuter ses enfans. Ie ne refuse

Page précédent(e)

Page suivant(e)


Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.