Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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illegitime que le Cardinal Mazarin tasche d’establir sur les ruïnes de nostre
Maison, ny ce grand amas d’accusations friuolles qu’il nous obiecte,
puisse esbranler vostre fermeté, ou ébloüir vostre sagesse. Mais qu’au
contraire i’ay tout suiet d’esperer, qu’ayant reconnû sa malice & nostre
innocence, vous ne souffririez pas que ce Ministre estranger, né subjet du
Roy d’Espagne, & declaré par vos Arrests Perturbateur du repos public,
abuse plus long-temps, contre les loix du Royaume, de la puissance odieuse
qu’il a vsurpée, ny qu’il s’en serue dauantage à opprimer les Princes du
Sang, seulement pour satisfaire à sa haine.

 

Auant toutes choses, Ie proteste que le nom de leurs Majestez, que le
Cardinal Mazarin pretend d’employer pour autoriser sa Lettre, me sera
tousiours en vne extréme veneration, & que ie demeureray eternellement
dans le profond respect que ie dois auoir pour vn Monarque dont
ie suis née subiette, & pour vne grande Reyne, femme & mere de deux
puissans Rois, appellée à la conduite de nostre Empire. I’auouë mesmes
que si ie croyois que leurs Maiestez n’eussent pas esté surprises, lors
qu’on a arresté Messieurs mes freres & Monsieur mon mary, quelque
iniurieuse que soit leur detention, ie ne m’en serois pas plainte, & que
j’aurois attendu sans murmurer, qu’il eust plû à leur clemence mettre fin
à nostre mal-heur. Mais comme ie sçay asseurément qu’en cette action le
Cardinal Mazarin a trompé la facilité de la Reine, & que la bonté & la
ieunesse du Roy ont esté circonuenuës : Ie pense que ie ne sçaurois rendre
vn plus grand seruice à leurs Majestez, qu’en leur decouurant de quelle
sorte ce Ministre destiné au trouble & à la ruine de leur Estat, prophane
leur nom auguste & sacré pour authoriser sa vengeance. Et comme par
vne audace digne de punition, il veut faire passer pour criminels des
Princes qui ont rendus des seruices si importants, seulement parce qu’ils
l’ont empesché de pousser sa famille aux plus grandes charges du Royaume,
d’establir par ses alliances vne puissance intolerable ; & en suite de
s’vnir de faction, & d’éleuer la fortune d’vne maison Estrangere, dont
l’authorité & les pretensions ont esté de tout temps suspectes & dangereuses
à la Couronne. Et cela en vne conjonction de temps, durant lesquels,
la conscience & la nature obligent les Princes du Sang à veiller soigneusement,
à ce que l’Estat ne reçoiue aucun dommage.

C’est donc seulement à la Lettre du Cardinal Mazarin que ie responds,
& ie confesse d’abord que ie me treuue surprise, lors que ie viens à considerer
que pendant la minorité du Roy, en vne saison où la concorde est si
mal establie dans le Royaume, où le feu des guerres Ciuiles fume encore,
& n’est pas bien esteint, se r’allume en beaucoup de lieux où les peuples
sont ruinez, les Villes pauures, les esprits dans l’aigreur & la défiance,
desireux de choses nouuelles, où l’on ne doit point entreprendre l’action
de la moindre vigueur, sans l’auoir soigneusement concertée, auec

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Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.