Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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moindres actions, & iusques aux plus indifferentes paroles : Et d’ailleurs
Madame ma mere, & Madame ma belle-sœur, estant exposées à
l’insolence & au pouuoir de nos Ennemis, c’estoit de moy seule qu’ils
pouuoient attendre ce foible secours ; Et toutefois dans vne necessité si absoluë
de parler, j’aduouë que beaucoup de choses me font de la peine,
l’estat où ie me trouue accablée de douleur, affligée de tous les outrages
de l’ingratitude, battuë d’vne suitte de disgraces inoüyes & sans exemples,
la tristesse, l’exil, les infortunes ne laissent pas assez de force ny de
liberté d’esprit, pour apporter l’application qui semble necessaire à destruire
vne inuectiue ; mais vne injustice composée auec soin long-temps
auant la detention des Princes (comme les autheurs font gloire de l’auouër)
afin sans doute que n’ayant point de fautes essentielles ny veritables
à reprocher, ils trouuassent dans les artifices de l’eloquence dequoy
excuser leur crime, & qu’auec l’aide des fausses couleurs d’vn art
deceuant, ils pussent surprendre les foibles, & tromper les mal-instruits,
estant certain que par vn defaut de la nature humaine, nous nous portons
aisément à croire le mal sans l’examiner ; & qu’en cette sorte d’affaire
principalement, peu de personnes se mettent en peine de chercher la verité,
si elle ne se monstre elle mesme. Adjoustez à ces obstacles qu’estant
obligé dans la suite de mon discours, de parler de ces Illustres affligez, &
de mettre au iour les impostures de ceux qui les veulent perdre. I’y sens
de la repugnance, tant à cause de mon humeur & de la bien-seance de mon
sexe, qui ne me permettent pas de me porter qu’auec regret à blasmer
personne : qu’à cause de ma modestie qui m’a tousiours conseillée d’aller
fort retenuë sur les loüanges de nostre Maison. Toutes ces difficultez
cessent pourtant, lors que ie viens à considerer, qu’afin de destruire l’adresse
de la calomnie, ie n’ay qu’à luy opposer la verité simple, & que
pour iustifier entierement Messieurs mes freres & Monsieur mon mary,
il ne faut qu’vne relation naïfue & sincere de leur conduite. Ie pense mesme
que sans faire tort à ma moderation, ie pourray ne leur refuser pas
vne partie des tesmoignages d’honneur que les mouuemens publics des
Histoires de l’Europe leur donnent si liberalement. Et qu’ainsi l’on ne
sçauroit trouuer estrange, si pour repousser des injures sans fondement,
ie laisse aux veritables crimes de nos ennemis les noms qu’ils meritent,
esperant toutefois y apporter tant de reserue, qu’il sera aisé de remarquer
que si ie parle auec vn peu de chaleur ; la necessité de la matiere, plustost
qu’vne affection aueugle, ou vne iuste indignation m’y auroit portée.
Mais ce qui me confirme tout à fait à entreprendre cette Apologie, c’est
MESSIEVRS, que m’adressant au plus auguste Senat, qui iuge aujourd’huy
les hommes, duquel les mœurs sont incorruptibles, & dont la
[1 mot ill.] diuinement éclairée ne sçauroit se tromper à démesler l’imposture
l’auec la verité ; non seulement ie suis hors de crainte que l’authorité
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Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.