Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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personne de ce Prince. Et il y a apparence qu’il eust pû donner les mains à
la ruïne du Cardinal Mazarin, & l’abandonner à la satisfaction publique,
si la Reine vsant en cette extremité du pouuoir absolu qu’elle a sur ses volontez,
ne l’eust obligé à sauuer encor cét ingrat. Il écriuit donc aux Allemans,
il leur enuoya tout son argent, & il engagea pour les satisfaire
jusques aux moindres pierreries de Madame ma belle sœur ; son credit
changea en vn moment la face des choses. Dés que ses lettres furent arriuées,
ces gens touchez de l’excellence de sa vertu, & du souuenir des
grandes actions qu’ils auoient acheuées sous luy, suiuirent son party,
& s’acheminans au secours de la Cour firent conclure la paix, & former
la Declaration que le Cardinal Mazarin a depuis injustement violée.
Maintenant si c’est la ce qu’on nomme corrompre les armées,
Monsieur le Prince ne se deffend pas de cette accusation ; il pretend au contraire
que quant à nos troupes, il ne pouuoit mieux seruir l’Estat qu’en les
remettant sous la discipline, qu’en diminuant & reduisant presque à rien
les frais de la guerre. Et quant aux Estrangeres, il pense qu’agissant comme
il a fait, il ne pouuoit pas donner vne marque plus essentielle d’obeïssance
à la Reine, & conclut auec raison, que la premiere de ces choses va à
sa gloire, & que pour l’autre il merite quelque gratitude de la part de sa
Majesté.

 

Que si le Cardinal Mazarin auoit eu vn peu de iugement, au mesme
temps qu’il reprochoit à Monsieur mon frere ces corruptions, il deuoit se
souuenir du voyage qu’il fit l’année passée vers les troupes Allemandes, &
du refus qu’il fit d’accorder à leurs instantes prieres Monsieur de Turenne,
aimant mieux tesmoigner à ce Prince son ressentiment du seruice qu’il
auoit rendu à Paris, & priuer l’Estat des principales forces de cette armée,
qui demeuroit fort affoiblie & quasi sans action, par la perte d’vn Chef si
considerable, & qui auoit acquis tant d’estime parmy ces troupes : Il deuoit
se remettre en memoire les artifices qu’il pratiqua pour les acquerir, bien
differends à la verité de la maniere d’agir que nous venons de vous dire.
Nous pensions MESSIEVRS, que ce voyage qu’il auoit publié comme
le plus grand dessein qu’il eust iamais entrepris, estonneroit le monde par
son succez : nous nous souuenions que le Cardinal de Richelieu lors qu’il
auoit marché vers l’Italie auoit pris Pignerole, & surmonté les obstacles
que la nature & la force assembloient sur les Alpes pour luy enfermer le
passage ; nous l’auions veu dompter la Rochelle lors qu’il s’estoit tourné
du costé de l’Ocean : s’estoit il auancé vers la Flandre, Arras estoit venu
en nostre pouuoir. Perpignan & le Roussillon s’estoient soûmis aux armes
du Roy lors qu’il les auoit accompagnées vers les frontieres d’Espagne,
toutes ses demarches s’estoient trouuées suiuies d’illustres euenemens.
Nous n’en attendions pas de moindres de son successeur, qui auoit esté
sous luy, qui auoit appris d’vn si bon Maistre ; il nous promettoit mesmes

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Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.