M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.
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sçauoir pousser. Estre courageux, c’est mespriser le danger
quand il se presente & qu’il est necessaire de le vaincre, & non
pas le chercher sans necessité, & brauer toutes sortes de perils
esgalement ; comme l’vn est le deuoir du genereux, l’autre est
la manie du temeraire, & il y a vne si grande difference entre
ces actions, que les dernieres n’establissent pas moins le
vice que les premiers establissent la vertu. A ces marques,
Monsieur, les Anciens distinguoient tres bien les vaillans
hommes d’auec les temeraires, & ils sçauoient par ce moyen
distribuer le prix & la peine à ceux qui les meritoient. Cet
Horatius Cocles, ce braue Borgne, ce Romain inuincible, cet
appuy de la liberté tombante, ce Mars de Rome ; que diray-je
dauantage qui ne soit tousiours moindre que fa gloire ? en se
l’acquerant, ne fit-il pas vne action qui sembloit plus la temerité
que la valeur. Luy seul soustenir l’effort d’vne armée, &
d’vne armée victorieuse qui estoit aux portes de Rome ; luy
seul l’arrester sur vn pont pendant qu’on le rompoit par derriere ;
luy seul s’opposer à tant d’ennemis, & n’auoir d’autre
espoir que celuy que luy donne la riuiere, dans laquelle
voyant le pont rompu il se jette, & se sauuant chargé de ses
armes, sauue Rome auec luy de la puissance des Latins ; tout
cela n’est-ce pas estre plustost desesperé, que vaillant ? d’abord
ce grand exploit montre vn mauuais visage : Il semble qu’il y
ait bien de la fureur & de la rage dans cette resolution : mais
appliquons y nos regles & nous verrons qu’elle estoit toute
pure de grandeur de courage, & de force de vertu. Ce n’estoit
point vne occasion que le braue Cocles eust cherchée, il
eust esté furieux de si precipiter. C’estoit vne rencontre de
la fortune. Quand il auoit pris les armes ce n’auoit pas esté
pour vn si grand dessein. Mais estant armé, se trouuant dans
la necessité de se defendre, & de defendre sa patrie, & voyant
qu’il ny auoit pas moyen de s’en dédire, & que son grand
courage l’auoit porté le plus prés des ennemis, il falloit y
vaincre ou y mourir ; Ce courage digne d’vn Romain,
se surmonta soy-mesme pour vaincre. Ne s’estant donc
point precipité dans ce rencontre, & y ayant de la necessité
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M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.