Aristandre [signé] [1649], LETTRE D’ARISTANDRE A CLEOBVLE, Où les Conjectures Politiques sur ce qui se passe à Saint Germain. , françaisRéférence RIM : M0_1836. Cote locale : C_3_83.
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grandeur énorme de cette Ville, comme si elle seruoit
de contrepoix à l’autorité Royalle : car ses Citoyens accoustumez
aux douceurs & aux delices de la Paix, &
dont le mestier n’est point de faire la guerre, ne demandent,
comme on disoit autresfois de la grande Rome,
que Panem & Circenses, pourueu que les viures soient à
bon marché, & qu’on entretienne le peuple de ieux &
de spectacles, il luy est indifferent qui gouuerne ; plus il
y a de monde, plus il est aisé de l’affamer.

 

Il importe mesmes à la Reyne si, elle y pense bien,
que le party du Parlement subsiste ; car où seroit son refuge
si les fauoris du Roy son fils venoient vn iour à la
pousser comme on a fait la feuë Reyne Mere, ce qui
peut arriuer si toute la puissance est resignee entre les
mains du premier homme qui aura les bonnes graces
du prince, & si le violent ministere d’vn particulier
pouuoit vne fois abolir les Loix fondamentales du
Royaume.

On dira peut-estre que la Reyne Regente est interessee
à soustenir le Ministre, & qu’il seroit d’vne perilleuse
consequence que le Parlement s’attribuat l’authorité
de deposer à sa volonté qui luy plairoit. Ce ne
seroit plus regner que foiblement & par despendance,
ce seroit violer les premiers droits de la Monarchie.

Cette raison est considerable, & si le Cardinal aymoit
l’Estat & la Reyne, il preuiendroit par sa retraite les
plaintes & l’indignation des Prouinces, la misere & la
desolation de tout l’Estat. Quand tout vn Royaume
scandalisé de la violence, de l’auarice & de l’oppression
d’vn Ministre n’en peut plus suporter le gouuernement,
il est de la prudence Royale d’escouter les cris des Peuples
vnis, & de ne pas hazarder tout pour vn seul homme
que ses déportemens ont rendu odieux à tout le
monde, vn Roy Majeur deuroit mesme y defferer & reconnoistre
que par la mesme Loy que les Sujets doiuẽt
l’obeyssance à leur Prince, le Prince doit la protection

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Aristandre [signé] [1649], LETTRE D’ARISTANDRE A CLEOBVLE, Où les Conjectures Politiques sur ce qui se passe à Saint Germain. , françaisRéférence RIM : M0_1836. Cote locale : C_3_83.