Anonyme [1649], SOMMAIRE DE LA DOCTRINE CVRIEVSE DV CARDINAL MAZARIN. PAR LVY DECLAREE EN VNE LETTRE qu’il escrit à vn sien Confident, pour se purger de l’Arrest du Parlement, & des Faicts dont il est accusé. Ensemble la response à icelle, par laquelle il est dissuadé de se representer au Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_3683. Cote locale : E_1_81.
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Leopold, au siege de la ville d’Ypre, qui ne se peut garder toutefois & quantes que
l’Espagnol se trouuera en estat de l’assieger, & que pour luy en donner plus de moyen,
i’ay empesché qu’elle ne fust fortifiée ? Si en cette mesme année apres auoir laissé
perir l’armée par les incommoditez qu’elle souffrit, & la necessité des viures & d’argent,
qui firent passer plusieurs de nos soldats dans les armées ennemies, ie ne suscitay
pas la battaille de Lens, en laquelle, sans vne grace particuliere du Ciel, l’armée
du Roy deuoit indubitablement succomber ? Si pour priuer la France de ses meilleurs
chefs, ie ne leur ay fait hazarder plusieurs batailles eu Catalogne & aux Pays-Bas,
esquels ils deuoient perir, cessant leur courage & bonne conduite ? Si pour faciliter
la mesme prise de Courtray, ie n’en fis pas sortir auparauant le siege par vn ordre secret
le sieur de Paluau gouuerneur, auec vne partie de la garnison, sous pretexte de
donner secours à Monsieur le Prince au siege d’Ypre ? Si par le mesme moyen ie n’ay
pas liuré Mardic en le degarnissant du monde ? Si dans le quartier d’hyuer de 46. ie
n’empeschay pas, sous pretexte de la paix qui se traittoit, que les recruës fussent leuées :
ce qui fut cause qu’au commencement de la campagne suiuante le Roy n’eut aucune
armée considerable au champ : de sorte que l’Archiduc eut moyen de prendre
tel aduantage qu’il voulut ? Et si enfin apres auoir fait bruit par les Generaux, l’armée
estant en campagne pour fauoriser le siege de Landrecis, ie ne fis point venir deuers
moy les sieurs Gassion & de Ranssau Generaux, sous pretexte de les accommoder
de quelque differend qu’ils auoient ensemble, afin pendant leur absence de donner
le loisir aux ennemis de former le siege, ainsi qu’ils firent ? Si depuis ces deux Generaux
ayans resolu de secourir cette ville, comme il leur estoit aisé de faire, ie ne les
en empeschay pas par ordre que ie leur enuoyé de ne rien hazarder ? Si pour faire perdre
l’armée du Roy, conduite par Monsieur le Prince deuant Leyrida, ie n’aduertis
pas les Ministres d’Espagne de ce siege, de sorte que s’y estans preparez, Monsieur
le Prince trouua autant de monde dans la ville pour la deffendre, qu’il en auoit conduit
pour l’attaquer ? Si lors qu’au commencement des campagnes les armées du
Roy ont esté victorieuses, & se sont trouuées en estat de conquerir des Prouinces entieres,
ie ne les ay pas laissé perir par les necessitez que ie leur ay fait souffrir ? Et enfin
si pour tous ces seruices que i’ay rendus à l’Espagne, ie n’ay pas receu des pensions de
luy, & souffert que d’autres subjets du Roy en receussent, ayant esté aduerty qu’il y
auoit dans Paris vn Agent du Roy d’Espagne, lequel payoit les gages des pensionnaires
qu’il auoit en France, sans que ie m’en sois mis en peine & aduerty le Conseil ?

 

28. Int.

Que la response à tous les chefs de cest article despend de la plus sublime Politique,
qui a mesme esté incognuë au diuin Machiauel, & que peu de personnes pourront
comprendre, à moins que de penetrer bien auant dans les secrets de cest art ;
Que neantmoins pour en rendre quelque raison, puis qu’il semble que l’on veuille
particulierement insister sur ce poinct, qui de verité paroist le plus specieux de tous
ceux qui iusques à present m’ont esté proposez, ie diray ce qui eût esté tres vtile à
l’Estat de ne pas diuulguer, que le meilleur moyen que i’aye inuenté pour la conseruation
de l’Estat, depuis que i’exerce le ministere, a esté de pratiquer ces intelligences
auec l’Ennemy, par le moyen dequoy en luy laissant aller quelquesfois de
petits aduantages, afin de paroistre affectionné à son seruice, rien des secrets du
Conseil d’Espagne ne m’estoit caché. Dont i’ay tiré de tres-grands profits pour
faire reussir les affaires de la France & obtenir les grandes victoires, desquelles elle
s’est veuë victorieuse, depuis que i’ay entrepris sa conduite, & que ie me suis seruy
de ces artifices : dont ayant tousiours trouué quelque pretexte d’excuse vers le Roy
d’Espagne pour entretenir cette pratique, & qui ayant esté communiquée à mes
ennemis, par vne ame infidelle que i’emploiois à cette negociation sans luy en dire

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Anonyme [1649], SOMMAIRE DE LA DOCTRINE CVRIEVSE DV CARDINAL MAZARIN. PAR LVY DECLAREE EN VNE LETTRE qu’il escrit à vn sien Confident, pour se purger de l’Arrest du Parlement, & des Faicts dont il est accusé. Ensemble la response à icelle, par laquelle il est dissuadé de se representer au Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_3683. Cote locale : E_1_81.