Anonyme [1649], RESPONSE D’ARISTE A CLYTOPHON SVR LA PACIFICATION DES TROVBLES DE PROVENCE. , françaisRéférence RIM : M0_3390. Cote locale : C_3_84.
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que si ceste drogue a esté jugée necessaire pour faire obseruer
vne Loy qui est naturellement grauée dans nos cœurs, la
crainte n’est point inutille quand il s’agit de l’obseruation des.
Loix humaines, pour lesquelles nous n’auons point tant de respect.
Pareillement quant à la clemence, que Dieu la peut faire
à qui bon luy semble, parce qu’il ne craint pas de voir jamais
son Trône ébranlé ; son Sceptre & sa Couronne n’estant point
des pieces detachées de sa nature, elles ne courent pas risque
de luy estre jamais enleuées ; outre qu’il ne pardonne iamais qu’à
ses amis, c’est à dire à ceux qui ont quitté la volonté de luy déplaire :
sa clemence n’est iamais dangereuse, parce qu’elle est
tousiours asséz puissante pour changer le cœur de ses ennemis,
les rendant souples à l’obeïssance. Mais les Rois n’ayant pas le
pouuoir de changer les mauuaises volontez de leurs sujets les
aigrissent bien souuent en leur faisant grace. Il y-a certains
bien-faicts dont nous auons honte naturellement. Il n’y-a point
d’abolition qui ne soit en quelque façon infamante. Tout homme
qui est redeuable de la vie à vn autre, en cette façõ, ne voit jamais
son liberateur sans se souuenir du gibet dont il a esté deliuré : par
cõsequent cette veuëne peut estre que tres-importune, puis qu’elle
est relatiue à la potence : de sorte qu’il ne faut pas douter que s’il
estoit au pouuoir des criminels d’arracher leur grace ou leur abolition
de tous les Greffes où elles se trouuent enregistrées, ils ne le
fissent tres-volontiers : Outre que, adjouste-il, la clemence n’est
qu’vne vertu arbitraire, & nullement de necessité, le Conseil
ne doit iamais l’emporter sur le commandement. Les Rois peuvent
tousjours faire Iustice auec loüange, & quelquesfois ils
ne peuuent pas faire grace sans blesser mortellement leur conscience :
par consequent qu’il faut mettre vne grande difference
entre ce qui est tous jours vertu, & entre ce qui peut degenerer
en peché. Les Rois ne sont esleuez sur le Thrône que pour
faire regner la Iustice. C’est la fin principale de leur vocation :
& la Loy la plus indispensable de toutes celles que
Dieu leur donne. Sa conclusion fut, Que le plus fort ciment pour
asseurer la Couronne sur la teste des Souuerains se faisoit du
sang de ceux qui ont la temerité d’y porter la main pour l’enleuer :
& que plus les personnes qui l’entreprennent sont qualifiez,
moins aussi faut-il les dispenser de la seuerité des Loix.

 

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Anonyme [1649], RESPONSE D’ARISTE A CLYTOPHON SVR LA PACIFICATION DES TROVBLES DE PROVENCE. , françaisRéférence RIM : M0_3390. Cote locale : C_3_84.