de l’enfant qu’elle portoit, accoucha le Lundy dix-neufiesme
du mois de Iuillet dernier 1649 auec beaucoup de
douleurs & tres-aspres, qui la rendoient extremément
malade pour estre son trauail des plus rudes & long, L’enfant
qu’elle mit au monde est vne fille, laquelle au sortir
du ventre de sa mere, causa vn grand estonnement tant à
la Suge femme qui la receut, qu’à la mere, & à toutes les
femmes de sa cognoissance qui s’y estoient trouuees pour
l’assister & secourir : & cet estonnement non sans cause
dy sujet, car cét enfant nasquit auec deux testes femelles,
separees neantmoins l’vne de l’autre iusques au nombril,
ayant chacune deux yeux, deux oreilles, vn nez & vne
bouche à l’ordinaire des autres enfans, mais il n’y auoit
pour les deux testes qu’vn seul nombril : l’enfant auoit
quatre bras, quatre jambes & deux natures feminines, &
sembloit que ce fussent deux enfans, & neantmoins ce
n’estoit qu’vne fille, ce qui n’empeschoit pas qu’elle ne
criast, mangeast & ne fit veoir les autres actions ordinaires
d’vn enfant que la nature donne en cette aage-là sans
aucune difference pour ce subjet.

Cet enfant ainsi monstrueux rendit le pere & la mere
fort tristes & affligez, & mit tout le bourg (qui en fut
incontinent auerty par le bruit qui en courut) dans vn
ésbahissement general, chacun couroit au logis où il estoit
né, qui estoit trop petit pour tant de monde qui y alloit,
afin de voir cet enfant, & en remarquer les membres extraordinaires,
comme les deux testes, les quatre bras & les
quatre jambes, chacun fremissant à la veuë d’vn rel spectacle
affreux, monstrueux & horrible.