Anonyme [1649], RECIT VERITABLE DES DISCOVRS tenus entre les trois Figures qui sont sur le Pont au Change, sur les affaires de ce temps. , françaisRéférence RIM : M0_3030. Cote locale : C_9_13.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 3 --

deuant le Tribunal de la diuine Iustice où vous trouuerez que l’on ne
se justifie point, & où la qualité ne fait rien que pour rendre les fautes plus
pesantes, mais ie par le de ce qui se commet aujourd’huy, dont il n’y a qui
que ce soit, qui vous puisse defendre de la peine de ces crimes, puisque celuy
qui permet le crime, n’est pas plus innocent que celuy qui le commet.
Ie parle dy-je de tous ceux que vostre colere se sacrifie, dont le sang repandu
crie vengeance deuant Dieu. Ie parle des embrasements & de toutes
les pilleries qui se font soubs vostre authorité auec grande offence. Et
il n’y a qui que ce soit, qui puisse dire que vous soyez exempte de restituer
tout ce qui se volle à vos sujets, à peine de damnation eternelle. Songez à ce
que vous faites, voyez clairement & sans passion ce qui se fait : Informez-vous
vous-mesme des volontez des vns & des autres, sans souffrir la flaterie
de ceux qui vous obsedent, qui sont pires mille fois que des demons.
Que l’innocence du Roy, vostre Fils & le nostre, ne soit point punie pour
vostre faute, & rentrant enfin dedans vous-mesme, rendez au Roy ce qui
luy appartient, qui sont toutes les acclamations & tous les seruices que son
peuple luy desire ; Rendez, rendez à vos Sujets ce que vous leur deuez,
qui est la paix, la justice & la conseruation de leurs biens ; Rendez-vous à
vous-mesme ce que vous vous deuez, en acquittant vostre conscience, & la
mettant à couuert de tant de crimes, desquels vous rendrez compte tres-exact
& tres-rigoureux deuant Dieu.

 

Ces dernieres paroles furent prononcées d’vne voix vn peu plus aigre &
plus rude que le commencement : Et cette Figure ayant quitté la parole,
celle de la Reyne ne tarda gueres à luy respondre, à peu prés comme ie
vais le reciter.

SIRE, I’aduoüe que c’est vne grande extremité où est reduit tout
cét estat, puisque pour faire regner la Iustice ; Et maintenir l’authorité
Royale ie suis obligée de permettre, & de faire agir les supplices pour punir
des Rebelles, & des Refractaires aux commãdemens du Roy, pour leur monstrer
qu’ils ont tort de mescognoistre leur Souuerain, & cette authorité
absoluë de leurs Monarques : Mais lors que les Sceptres sont dans les mains
des Roys, ils ont aussi bien l’Espée pour punir les Coulpables, comme les
bien-faits, & les graces pour recompenser les Vertueux ; & puis qu’ainsi
est que vous auez semblé me blasmer de ce que i’ay faict, ie veux vous en
rendre conte, & vous faire voir qu’il n’est pas difficile de m’excuser. Apres
que i’eux rendu, & fait rendre les derniers debuoirs à vostre memoire, ie
mis tout mon pouuoir à faire estendre les bornes de ce Royaume, & Dieu
secondant mes vœux, me donna en peu de temps des aduantages tres considerables,
lesquels estant obligé apres Dieu, de referer à la prudence du
Cardinal Mazarin, & à la valeur du Prince de Condé d’auiourd’huy, i’eus
raison ce me semble, de preferer ce Ministre, à tous les autres, que vous m’auiez
laissez, n’en voyant pas vn qui prist tant de peine à me complaire que
luy, & à suiure mes volontez : Vostre exemple m’estoit tousiours deuant
les yeux, & ayant veu que vous auiés laissé le Gouuernement entier, pendant
vostre viuant, au Cardinal de Richelieu, ie n’estimay pas mal faire de

Page précédent(e)

Page suivant(e)


Anonyme [1649], RECIT VERITABLE DES DISCOVRS tenus entre les trois Figures qui sont sur le Pont au Change, sur les affaires de ce temps. , françaisRéférence RIM : M0_3030. Cote locale : C_9_13.