Anonyme [1649], RECIT VERITABLE DES DISCOVRS tenus entre les trois Figures qui sont sur le Pont au Change, sur les affaires de ce temps. , françaisRéférence RIM : M0_3030. Cote locale : C_9_13.
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conseils de ceux qui vous ont conduit imperceptiblement dans les precipices
& dangers dans lesquels tout l’Estat va tomber, si l’on ne luy donne
secours pour le releuer au plustost. Lors que i’eus recogneu les defauts du
feu Cardinal de Richelieu trop tard pour mes sujets, puisque c’estoit apres
sa mort & apres les auoir fait long-temps souffrir, ie tasché d’y remedier,
mais Dieu me voulant retirer hors du monde pour me faire rendre compte
de mon gouuernement, I’esperé que la Pieté que vous m’auiez toujours
fait paroistre pendant le ministere du Cardinal de Richelieu, & que toute
la France admiroit, ne seroit point diminuée par l’authorité que ie vous
laissois entre les mains ; Et ie pensé que vous feriez tout vostre possible
pour retirer le pauure Peuple dont ie vous laissois la Regence, des miseres
& des necessitez où mon Indulgence les auoit laissé tomber, cognoissant
les desordres que causent l’ambition, & l’auarice d’vn Ministre qui gouuerne
seul soubs le nom de l’authorité Royale. Ie vous laissé cinq Conseillers,
par l’aduis desquels ie vous prié de conduire cette grande Monarchie
afin que les vns & les autres fussent temperez ensemblement pour le bien
de cét Estat. Mais vn seul, tres pernicieux, preuallut sur beaucoup d’autres.
Et le Gouuernement demeura entre les mains du Cardinal Mazarin,
homme que ie n’auois jamais recogneu si meschant, que toutes ses actions
faites depuis, me l’ont fait cognoistre. Et comme si vous eussiez esté preuenuë
ou obsedée par quelque charme, vous luy laissastes le Gouuernement
à l’exclusion des autres que ie vous auois nommé par ma derniere volonté.
L’emprisonnement de mon Cousin de Beaufort, l’exil des Euesques de
Beauuais & de Lisieux, ne pouuoient-ils pas vous donner des marques assurées,
que cét ambitieux vouloit se rendre maistre absolu de vos volontez
aussi bien que de l’Estat ? Toutes les autres actions qu’il a faites depuis en
assez bon nombre, pour meriter vn supplice & vn chastiment exemplaire,
La necessité mise par toutes les Prouinces, l’indigence dans les coffres du
Roy, l’atentat mesme commis en sa personne depuis vn mois & demy, ne
peuuent elles rompre ce bandeau qui vous empesche de voir ouuertement
sa malice ? Ie ne puis croire qu’on ne vous cache ce qui se passe, & que toute
la France a les armes à la main, que tous vos sujets se vont couper la
gorge les vns les autres, si vous ne les desarmez en leur donnant la paix,
qu’ils desirent depuis si long-temps, & dont ils ont tant de besoin. Iamais
vn Conseil semblable à celuy qu’il vous a donné, de vouloir affamer vne
ville florissante & peuplée comme Paris, dont les necessitez du Roy sont
plus soulagées que de tout le reste du Royaume, n’auroit peu m’esbloüir
à ce point, que pour satisfaire à ma colere contre quelque particulier, ie
m’en pusse & voulusse seruir, c’est auoir entierement quitté les volontez
que les Souuerains sont obligez d’auoir pour la conseruation de leurs peuples,
que de les opprimer, de permettre les voleries, les brigandages, les
incendies, les massacres, les violements mesme des Religieuses, c’est auoir
mis bas les sentimens du Christianisme. Ie ne suis pas icy fort sur ma derniere
volonté, dont vous auez fait si peu de conte : Ie ne m’arrete point à
beaucoup de particularitez pour lesquelles vous serez tres-rudement reprise
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Anonyme [1649], RECIT VERITABLE DES DISCOVRS tenus entre les trois Figures qui sont sur le Pont au Change, sur les affaires de ce temps. , françaisRéférence RIM : M0_3030. Cote locale : C_9_13.