Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : A_5_23.
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de celle du Parlement ; en celle-là on apprend à plastrer addroitement,
& à chercher dequoy plaire aux Roys, & en celle-cy toutes
les pensées doiuent tendre à chastier les fourbes, & à rendre la Iustice :
tellement qu’estant impossible de seruir deux Maistres si
differens, sans haïr l’vn & aymer l’autre, l’on peut dire d’vn Magistrat
qui fait le Courtisan par interest ou par affection, qu’il quitte
son office de Iuge pour estre fourbe, à moins qu’il n’en vse comme
faisoit Callisthenes chez Alexandre. Ce grand Philosophe
voyant que son Maistre se mesconnoissoit, & qu’il se portoit à des
excez de violence & de bouche, mal seans à la reputation qu’il acqueroit
en ses conquestes, l’aduertissoit de ses defauts auec beaucoup
de liberté, ce que le Roy auoit bien peine a souffrir ; tellement
qu’Aristote craignant qu’il ne luy en prit mal, luy d t vn iour, Callisthene,
où il ne faut point approcher des Roys, ou il les faut vn
peu flatter : au contraire, replique Callisthene, ou il n’en faut point
approcher, ou il leur faut dire la verité. Ie pardonnerois à des
Courtisans, quand ils ne seroient pas si rigoureux, mais il n’est
pas supportable de voir des Iuges s’accommoder au temps, &
feindre de s’opposer à l’iniustice quand ils la voyent si manifeste.

 

Charges des
Conseillers.

Ouy, mais le mauuais traitement qu’on fait à ceux qui ont cette
fermeté que ie dis qu’il faut auoir, n’est-il pas suffisant d’estonner
les mieux intentionnez ? il est vray, Messieurs, que vous pouuez
dire ce que disoit autre-fois Ciceron en cas pareil, tenebamut
vndique neque quominus seruiremus, recusauimus ; sed mortem & electionem
quasi maiora timebamus, quæ muliò fuere minora. En effet la
mort & le bannissement de vos freres estoient pour vous faire apprehender
de dire vos sentimens auec liberté : mais vous auez enfin
reconnu que les maux qu’ils ont soufferts, estoient bien moindres
que ceux qu’on vous a fait souffrir depuis, s’il est vray qu’il
n’y a point de tourment plus rigoureux à des hommes de cœur que
de viure sans honneur, ou que de mourir lentement par des apprehensions
continuelles. C’est vne chose faite, resueillez vos esprits
maintenant, & r’animez vos courages, toute la France vous
tend les bras, ne la delaissez pas ; elle fait ses efforts, & foüille le
reste de ses veines pour vous assister ; vnissez vous estroittement, car
l’vnion de vostre Compagnie est plus forte que toutes les armes
que l’on vous sçauroit opposer ; d’où vient que ce n’estoit pas sans
raison que le Senat Romain s’assembloit le plus souuent au temple
de la Concorde & que Q. Marcius estant Censeur, fit mettre
en toutes les Cours des statuës de cette Deésse, auec des Autels,

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