Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : A_5_23.
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à ma proposition, que toute la corruption qui arriue dans
l’administration de l’Estat, ne prouient que de la lasche tolerance
des Parlemens ; & que les Rois, & les peuples leur peuuent demander
raison d’vne iustice si mal administrée.

 

Ie sçay bien que vous me direz que vous estes trop prés du Soleil
pour ne cligner pas les yeux, qu’il se trouue trop peu d’aiglons
parmy vous qui puissent en supporter les rayons, que la violence
d’vn costé, & la diuision de vostre Compagnie de l’autre, vous a forcez
de faire des choses que vous sçauiez estre contre la Iustice, qu’il
y a peu de Catons en ce siecle qui aillent au Palais au trauers des picques,
& qui fassent trembler les armes sans armes, comme fit l’Ancien
d’Vtique celles de son Collegue qui le vouloit empescher de
parler pour le bien public. Voilà, ce me semble, ce que vous pouuez
repliquer à ceux qui vous accusent de trop de conniuence. Mais parlons,
ie vous supplie, serieusement, est-ce là faire l’office de Iuges,
& de Iuges Souuerains ? Si vous n’estes establis que pour faire la volonté
du Roy à l’aueugle, à la bonne heure ; mais en ce cas là il n’a
que faire de vous, & les peuples encore moins ; ce Conseil d’en haut
fuffit, puis qu’aussi bien l’on n’a point d’autre raison, sinon que, sic
volo sic iubeo, sit pro ratione voluntas. Qu’est-il besoin que des peuples
viennent de si loin vers vous, si vostre pouuoir ne s’estend qu’à faire
iustice entre Pierre & Iacques ? ils trouueront la mesme chose auprés
d’eux en leurs Presidiaux & Seneschaussées ; & s’il n’y auoit que
cela, l’on pourroit dire qu’il n’y auroit rien de si inutile que les
Cours de Parlement. Mais i’ay d’autres sentimens pour vos Compagnies,
& vous mesmes en deuez auoir de bien plus grands, parce
que vous en connoissez mieux le merite.

Response du
Parlement.

Response à la
Response.

Tellement que si vous m’accordez que vous auez droict, comme
il est vray, de vous opposer hautement à la vexation des peuples, &
de casser les faux Arrests du Conseil d’en haut, quand ils choquent
vostre liberté, & celle des peuples ; vous m’accorderez aussi que
vous estes obligez de le faire genereusement, ou qu’il faut abandonner
vos Charges.

Ce n’est pas en l’administration de la Iustice qu’il faut chercher
à plaire aux Roys, si ce n’est en la rendant bonne : ce n’est pas là où
il faut pallier la verité, la Iustice est trop auguste d’elle mesme, &
donne trop dauantages à vn homme de cœur pour en estre trahie,
& si la flatterie est pardonnable à des Courtisans, elle est criminelle
dans des Iuges qui ne sont Iuges que pour la punir, puis qu’elle
est la mere de l’iniustice. L’Eschole de la Cour est bien differente

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