Anonyme [1649], LES PLAINTES DE LA FRANCE, A MONSEIGNEVR LE PRINCE. , françaisRéférence RIM : M0_2788. Cote locale : C_6_57.
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l’vn & l’autre, veut sur tous deux ensemble mettre la peine
de ces offences, & exercer la vengeance de ces crimes. Fils genereux,
ne fais rien d’indigne de ta mere, & iuge mieux qui de
nous ou de luy doit prendre ou souffrir cette vengeance. Pour
t’arracher du party honteux de ce Tyran qui me persecute, ie ne
te veux point dépeindre vne vie de tout le monde trop connuë.
Songe seulement qu’il nous a voulu diuiser, c’est assez pour le
haïr autant que tu dois, & le punir autant qu’il merite.

 

Esloigne toy donc de ce cruel, dont la rage contagieuse pourroit
soüiller ta renommée de l’infamie & de l’impureté de la sienne.
Peus-tu demeurer vn moment auec le boureau de ta mere, &
regarder sans courroux celuy qui fait mourir celle qui t’a donné la
vie. Detourne sur moy ces regards trop indulgents dont tu le fauorise.
Regarde les profondes playes que i’ay receuës de sa haine
& de sa malice. Voy couler mon sang de toutes parts. Regarde
mes Campagnes desertes, mes villes ruinées, mes Prouinces desolées.
Escoute les tristes clameurs de mes pauures enfans, qui languissent
sous la tyrannie de ce Barbare. Prends pitié de ta mere &
de tes freres ; au moins si tu n’en as pas de toy-mesme. Esteins
l’embrasement qui pour nous consumer allume ce tison qu’Etna
a ietté du plus bas de ces entailles. Voy de combine d’horreurs
ce demon sorty des cachots de l’abysme veut obscurcir
l’esclat de ta gloire, quant il t’oblige d’entretenir ces flammes
qui me deuorent. Vange-toy mon fils d’vn attentat si detestable.
Vange-moy d’vne barbarie si estrange. Vange nous tous deux de
ces crimes qui nous offencent doublement l’vn & l’autre, qui blessent
la mere en son fils, le fils en sa mere, & tous deux encore en
leurs propres personnes.

Tu vois combien d’Hercules attaquent ce monstre ; & combien
de mes enfans à l’enuy recherchent la gloire que ie te souhaitte.
Pourquoy parmy tant de genereux demeures-tu stupide ? & pourquoy
souffres-tu que i’attende d’ailleurs vn coup glorieux que ie
te demande, & que tu me dois ? Reueille-toy mon bras : viens au
secours de ma teste. Heros inuincible, ne fais point rougir la Flandre
& l’Allemagne du souuenir de tes victoires, par la honte de
mes déroutes. Toy qui as battu mes ennemis iusques chez eux, ne

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Anonyme [1649], LES PLAINTES DE LA FRANCE, A MONSEIGNEVR LE PRINCE. , françaisRéférence RIM : M0_2788. Cote locale : C_6_57.