Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MONSEIGNEVR LE CARDINAL MAZARIN, TIREE D'VNE CONFERENCE ENTRE SON EMINENCE ET Monsieur ****** homme de probité & excellent Casuiste. , françaisRéférence RIM : M0_127. Cote locale : A_2_3.
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Le Casuiste. Mais s’ils quittent la France ?

Le Card. Nostre argent vaut mieux que leur amitié, ie la quitteray bien
aussi, quand il n’y aura plus rien à faire.

Le Casuiste. Ie suis marry pour l’amour de vostre Eminence, que vous auez
tant attaché vostre cœur à ce metail, cela a esté & sera la seule cause de
vostre ruïne.

Le Card. Vous sçauez que l’argent peut tout, de façon que pour se rendre
puissant, & mettre les autres dans l’impuissance, il faut s’enrichir à leurs
despens.

Le Casuiste. Il y a pourtant de la moderation à obseruer. Car si vous tirés
du sang d’vn corps trop attenué, il n’en viendra point, & si vous le ferez
mourir.

Le Card. C’est vne chose si charmante, que de voir remplir ses coffres de
Loüis & de pistoles, qu’on n’a pas toutes ces considerations-là ; & puis ma
recolte deuant finir auec la minorité, il falloit que ie joüasse de mon reste.

Le Casuiste. Vous ne deuiez du moins iamais choquer Messieurs du
Parlement.

Le Card. Oüy, si j’eusse veu qu’ils eussent détaché leur interest de ceux du
peuple : car vous ne deuez pas croire que j’eusse esté si sot que de les choquer,
s’ils eussent voulu authoriser les Partisans. Et c’est ce que vous leur deuez
dire, pour leur tesmoigner que ie leur suis seruiteur, & qu’encore à present
ie les espargneray à pareille condition.

Le Casuiste. Ie crois que ce n’est pas d’auiourd’huy que vous auez tenté leurs
consciences.

Le Card. Sont de belles gens! que pensent-ils faire d’obliger vn Peuple !

Le Casuiste. Sauuer leurs ames & gagner le Paradis.

Le Card. Qui a de l’or, va où il veut.

Le Casuiste. Monseigneur, puisque nous sommes insensiblement tombez
sur les affaires presentes, donnez-moy, ie vous prie, les moyens de iustifier
vos dernieres actions.

Le Card. Dequoy se plaignent ces Messieurs ?

Le Casuiste. Ils appellent la bataille de Lens, la bataille des Partisans. Ils
disent qu’elle fut donnée à contre-temps, que nous n’en auions aucunement
besoin, que nous la deuions perdre par toutes les apparences, que le gain de
la bataille ne nous pouuoit estre auantageux, & que la perte nous pouuoit
ruïner, comme nous auons veu par la suite qui ne nous a rien apporté
de bon. Mais ce qu’ils disent de plus calomnieux, est que vôtre dessein estoit
de la perdre.

Le Card. Si ie l’eusse voulu perdre, ie ne l’aurois pas gagnée. Tellement
que faire bien ou mal, c’est toute la mesme chose. Ie veux essayer si à leur faire
du mal, j’entreray plus auant dans leur amitié & dans leur estime.

Le Casuiste. Ils disent que si vous eussiez eu des Generaux faits à vostre badinage,
comme le feu Cardinal, vous leur eussiez donné ordre de se laisser
battre & de fuir. Mais que vous n’osiez faire ces propositions-là à vn Prince,
qui ne sçait que commander, & deteste des laschetez de cette nature ; Mais

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Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MONSEIGNEVR LE CARDINAL MAZARIN, TIREE D'VNE CONFERENCE ENTRE SON EMINENCE ET Monsieur ****** homme de probité & excellent Casuiste. , françaisRéférence RIM : M0_127. Cote locale : A_2_3.