prend vne parfaite connoissance des inclinations
& des mœurs des hommes les plus cachez. Ainsi
rien ne nous est plus ordinaire, & ne nous doit
estre plus pardonnable, que cette espece d’erreur,
qui m’a esté commune auec plusieurs
grands hommes de l’Antiquité : mais comme
nous sommes capables de discernement & de
reflection, rien ne nous doit estre plus honteux
& plus reprochable, qu’aprés auoir reconneu
nostre méconte par l’experience, d’auoir
encore la mesme estime & les mesmes sentimens
pour les personnes, qui onr abusé si lâchement
de nostre foiblesse & de nostre credulité.
Que si vous auiez quelque connoissance
de l’Histoire, qui vous donneroit des preceptes,
& des exemples, qu’il vous faut necessairement
sçauoir & suiure, pour estre sage, &;
bien gouuerner vostre Estat, vous sçauriez que
tous ces grands Princes, ausquels il est arriué, cõme
à moy, de se tromper dans la connoissance
des hommes, qu’ils ont employez en des affaires
importantes pour leur seruice, les ont punis
seuerement, aussi-tost qu’ils ont fait les preuues
de leur perfidie & de leur insolence dans ce
ministere. Plutarque vous diroit que Marc Antoine,
celuy qui disputa l’Empire de tout le monde
auec Auguste, estoit le plus facile à tromper
du monde, mais aussi le plus prompt & le plus
exact à punir, quand il auoit vne fois découuert

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