Anonyme [1652], DE LA NATVRE ET QVALITÉ DV PARLEMENT DE PARIS, ET Qu’il ne peut estre interdit ny transferé hors de la Capitale du Royaume, pour quelque cause ny pretexte que ce soit. , françaisRéférence RIM : M0_857. Cote locale : B_15_32.
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SECTION VII. Et derniere.

Que ceux qui fomentent & qui fauorisent des Conseils si tyranniques
& si pernicieux à l’Estat, sont criminels de leze-Majesté
Diuine & humaine.

Ceux qui conseillent à nostre jeune Roy, & qui surprennent
la Reine sa Mere pour luy persuader plus
facilement de tirer son Parlement de Paris, & de laisser
cette grande Ville, ou plustost ce monde racourcy, sans
Iustice, sans Gouuerneurs, sans Police, & sans Magistrats ;
Ce sont gens qui tres-assurément sont payez pour mettre fin
à la Monarchie Françoise, ou des desesperez qui ont juré sa
ruine parce qu’elle s’oppose à leur tyrannie, & qu’elle ne
peut plus souffrir la domination de tant d’Estrangers, qui repugnent
à son humeur, & qui blessent les Loix fondamentales
de l’Estat qui deffendent de les admettre, & de les reconnoistre.
Ces malheureux Ministres, dis-je, qui n’ont plus
d’autre pensée que d’eclypser le Parlement de Paris, afin que
leurs crimes & leurs maluersations n’en soient plus éclairées
& descouuertes, sont d’vn sentiment bien contraire à celuy
du grand Charles-Quint, qui donnant vn dernier conseil à
son fils Philippe II. pour regner saintemẽt & heureusement,
luy ordonne, que ne pouuant estre par toutes les Villes, ny
les Prouinces les plus importantes de ses Estats, il fit en sorte
qu’il y fut tousiours veu par son authorité & sa Iustice, la
déposant entre les mains de personnes de si grande integrité
& vertu, que ses sujets n’eussent occasion de regretter son
absence & son esloignement.

Tous nos Souuerains remplis de sagesse & d’experience ont
suiuy cét aduis, leurs Ministres les plus violens n’ont iamais

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osé tenter le contraire, & faut qu’apres treize cens ans, &
soixante cinq Rois Majeurs & agissans d’eux-mesmes, vn
Italien proscript, & vn Cardinal sans Lettres & sans Religion,
seconde de cinq ou six Estrangers tous ennemis de la
Nation Françoise, entreprenne pour vne seconde fois de
renuerser le lict de Iustice de nos Rois, & d’interdire les Senateurs
qui le conseruent depuis tant de temps, à cause qu’ils
luy ont fait son procez par ordre de sa Majesté, & qu’ils ne
veulent pas violer leurs consciences, ny les Loix fondamentales
de l’Estat pour se sousmettre à vn criminel qui les oppresse,
& qui ruine toute la France.

 

Pour se charger du Gouuernement d’vn grand Royaume,
il en faut connoistre les Loix & les Coustumes, & si nos Ministres
pretendus les sçauent, ils y trouueront leur condamnation.
Monsieur l’Aduocat General Talon leur ayant fait
entendre dans vne de ses Harangues au mois de Septembre
1648. Que c’est seruir contre soy-mesme, & perdre le titre de Citoyen,
que d’aller contre les Loix fondamentales de l’Estat ; Ce qui est conforme
à ce qu’vn de nos plus fameux Politiques escrit que ;
Vbi leges Regnorum sunt fundamentales & certæ, & consuetudines
antique, crimen Majestatis esse opinor contra illas disputare ; C’est
Gregoire en sa Republique, liu. 7. chap. 10. num. I. vn Chancelier
sans reproche ayant donné cét aduertissement il y a
tres long-temps que ; Confundi sine dubio desiderauerunt omnia,
qui tentauerunt legibus inimica ; Cassiod. epist. lib. 5. epist. 32.

Estant certain que ceux qui taschent de diuiser le Chef
d’auec ses Membres, & de des-vnir le Roy d’auec son Parlement,
faire diuorce entre luy & son lict de Iustice, & peruertir
l’ordre des choses & les fondemens de la Monarchie,
sont mauuais François, & des sujets coupables, aussi bien
qu’infidelles ; Ce n’est point aimer le Roy ny son peuple, que
d’entretenir la haine & la diuision entre-eux ; Parmy des
Chrestiens, & dans le Royaume du fils aisné de l’Eglise, vn
vray Seigneur n’est pas Seigneur, mais Pere & protecteur ;
Le nom de Seigneur est vn mot de puissance & de rigueur,
mais celuy de Pere est vn nom d’amour & de pieté. Auguste

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au lieu de la qualité de Seigneur, prist celle de Pere de la Patrie,
nostre Louys XII. en fit autant, ce qui rend sa memoire
aimable & venerable dedans nos souuenirs. Les Romains
n’ont iamais triomphé dans les batailles ciuiles, quoy que victorieux ;
Ces victoires ont plus de honte que de gloire, & plus
de larmes que de plaisirs. Ce ne sont point victoires, ce sont
fratricides & cruautez abominables ; Hortense se glorifioit de
n’auoir iamais esté soüillé du sang de ses Citoyens. Cesar en
la bataille de Pharsale, se resouuenant de sa clemence ordinaire,
commanda à ses soldats de pardonner aux Citoyens, &
de tuer tous les Estrangers. Brutus en ses Epistres dit, qu’il
est beaucoup plus honneste & plus expedient d’empescher le
cours des guerres Ciuiles, que d’exercer sa colere sur des Citoyens
vaincus. L’on tenoit à Rome, qu’il estoit plus profitable
à la Republique de garder vn Citoyen, que de tuer cent
ennemis ; & ne s’y trouuent point de recompenses si grandes
ny si honorables, que celles qui se donnoient pour vn Citoyen
sauué & conserué ; Parce qu’outre la Couronne qui portoit
auec elle les fleurs d’vn renom immortel, celuy qui auoit gardé
vn Citoyen, venant au Senat y auoit seance ; S’il venoit au
Theatre, il y auoit place, & chacun se leuoit deuant luy pour
faire honneur, & outre cela il estoit exempt de tailles & de
contributions, auec son Pere, & son Ayeul paternel pour cette
seule consideration. Le Donjon mesme du Palais de l’Empereur,
qui estoit l’appartement où il logeoit, estoit couronné
de branche de Chesne ; Obciues seruatos ; Pour donner a entendre
que les Rois doiuent estre Pasteurs & conseruateurs
de leurs peuples & de leurs sujets. Estant certain qu’on ne
sçauroit tirer aucun auantage de ses propres ruines, & qu’il
est monstrueux en toute sorte de façon, qu’vn jeune Roy
commence à marquer la premiere année de son Regne, & de
sa Majorité, par le carnage & le massacre de ses propres suiets,
sans qu’on puisse les accuser d’autre chose sinon qu’ils sont
nés François & innocens ; Cædibus suorum surgit Rex Imperaturus,
& à suppliciis Regnum auspicatur, eam tantum ob causam, quia
sui sunt ; disoit Firmicus.

 

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Et ne faut pas dire que le Roy ne doit rien relascher en
faueur de ses sujets, & qu’il faut qu’il tranche du Souuerain
par tout ; Ces maximes sont tyranniques, & ces conseils n’ont
rien d’humain, ny de Royal, les plus prudens & les plus religieux
Politiques ayans tousiours aduoüé que ce n’est point
desroger à la Souueraineté que de traitter auec des sujets qui
nous implorent, & qui meurent d’amour pour nous ; Vn sçauant
Politique du dernier siecle, traittant cette question, qui
n’est que le pretexte des Ministres qui ne veulẽt point de paix ;
Assero, dit-il, nullam Principi iniuriam fieri, si ad officium compellatur.
Il n’y a point de chemin qui ne soit honneste & honorable
quand il nous porte à la Iustice ; Le bon sang qui s’eschauffe
en s’esmouuant, se remet facilement en son premier temperament
quand le sujet de ce desreglement cesse. Seneque parlant
de la bonté d’Auguste qui pardõna à tous ceux qui auoiẽt
porté les armes contre luy, dit, s’il ne leur eut pardonné, à qui eutil
commandé ? Et par cette douceur il se concilia toutes les plus
nobles familles de Rome, lesquelles il eut perduës par la rigueur
de ses armes & de son authorité ; Estant certain que les
membres renoüez tiennent ordinairement plus fort que les
autres, parce que la nature desirant reparer vne rupture, y
apporte tant de secours & tant de soulagement, qu’il s’y fait
ordinairement vn gros cal qui fortifie la partie beaucoup dauantage
qu’elle n’estoit auparauant. Les orfevres font toûjours
leur souldure meilleure & plus ferme, que n’est pas l’ouurage
& la besongne principale.

Le feu Roy Louys XIII. l’a fait trente fois auec son Altesse
Royale, le Duc de Boüillon, & tant d’autres qui seroient
trop long de rapporter. Il y a peu de Villes considerables dans
le Royaume, auec lesquelles le plus grand & le plus prudent
de nos Rois Henry IV. n’ait traitté particulierement. Le Pere
Ioseph de Morlay Capucin, ou selon d’autres le Pere Vialart,
maintenant Euesque de qui a donné l’Histoire
du Ministere du Cardinal de Richelieu, rapportant les articles
de paix accordez aux Rochelois au mois de Fevrier 1626.
dit dans la Reslexion Politique qu’il fait sur iceux, tom. I.

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page 179. 180. de l’impression de Paris, in folio 1650. Qu’encore
que la reuolte des sujets force le Prince a en faire vn chastiment
exemplaire, si est-ce que la prudence l’oblige à dissimuler, & mesme à
leur donner la paix, lors qu’il y a sujet de craindre vn plus grand mal
d’vne nouuelle reuolte, dont les flammes s’vnissans auec celles de la premiere,
soient capables de mettre tout son Estat en combustion. Ce ne sera
point foiblesse de cœur, mais la necessité à qui les Dieux mesmes obeissent,
disoit vn ancien, qui le fera fleschir. Ce n’est pas vn deffaut de
craindre lors qu’il y en a sujet, mais grande prudence, & vne vertu sans
laquelle on ne peut joüir long-temps d’vne heureuse prosperité dans les
armes. Puis finissant cette reflexion il adjoûte ; Qu’vn Sage Ministre
(duquel il nous trace le portrait) doit bien plustost porter
son Maistre à s’accommoder dans ces occurrences, qu’à mettre l’Estat
dans vn peril eminent, en s’opiniastrant dans la resolution de chastier par
les armes des reuoltez qui sont sur le poinct d’auoir vn puissant secours,
auec lequel ils mettront en balance le succez de la guerre. Voila l’aduis
Chrestien de l’vn ou de l’autre de ces bons Peres Politiques.

 

Si l’infidele qui pour s’exempter de la foy qu’il doit à son
employ, dit qu’il ne faut pas qu’vn Ministre d’Estat soit esclaue
de ses paroles, auoit entretenu le traitté que le Roy fit auec le
Parlement & la Ville de Paris, à saint Germain en Laye, au
mois de Mars 1649. pour faire cesser des mouuemens beaucoup
moins dangereux que ceux que nous voyons, & dont il
est cause, il n’en faudroit point d’autres aujourd’huy, parce
que toutes choses seroient calmes, & que nous joüirions du
repos & de la tranquillité que sa mauuaise conduite, & son
gouuernement tyrannique nous desrobent & nous rauissent ;
C’est pourquoy, puis qu’il en faut vn second plus ferme & plus
cimenté, & que les peuples ne demandent que le retour du
Roy dedans sa Capitale, & les moyens de luy pouuoir rendre
leurs respects & leurs obeissances, il y a bien de la surprise &
bien de la malice de le tant differer, & de vouloir qu’il soit tel
que le Mazarin qui est la pierre d’achoppement le dressera, &
qu’il soit verifié par les faux freres du Parlemẽt de Paris qu’il
entretient à Pontoise expressément pour cela, comme ils ont

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desia fait son abolition & son Amnistie, apres l’auoir jugé &
condamné en connoissance de cause toutes les Chambres assemblées
à Paris, au lieu de leurs Majeurs.

 

Que si nos Rois & nos Parlemens souffrent qu’on rende la
Iustice de la sorte, & qu’on prostituë si laschement & si honteusement
leur authorité Souueraine ; Adieu la Majesté de
ce grand Senat, adieu le lict de Iustice qu’il conserue, adieu
le nom de Cour des Dues & Pairs, adieu l’honneur de la France,
adieu la gloire de l’Europe, adieu les fondemens de l’Estat,
adieu tout ce qu’il y a de sainct & de sacré dans le Royaume ;
Cecidit Corona capitis nostri ; dit Ieremie en ses Lamentations,
cap. 5. vers. 16. il n’y a plus rien de beau pour nous, nostre
Couronne est flestrie, elle tombe piece à piece, & s’en va de
dessus nostre teste, puis que douze Conseillers acheptez à pris
d’argent par vn fauory qui voudra tout violer, le suiuront où
il ordonnera, se rendront esclaues ambulatoires, donneront
des Arrests plustost dressez que deliberez, & verifieront tels
Edicts, & telles Declarations qu’il luy plaira, sans pouuoir,
sans Caractere, sans estre dedans le lieu de leurs Maieurs où
ils prennent leur force & leur vigueur, & contre les Loix fondamentales
de l’Estat ; Qui est mettre la Monarchie en proye,
les suiets à l’abandon, leurs biens au pillage, & les plus gens
de bien à la mercy d’vne poignée de traistres & de perfides,
qui par ainsi feront la loy à tout le reste du Royaume, & fouleront
aux pieds toutes les Compagnies Souueraines qui le
maintiennent & qui le conseruent.

Cette malheureuse entreprise, & cette defection honteuse,
est d’vne consequence bien plus perilleuse & plus dangereuse
mille fois, que l’establissement des Commissaires que
l’on a tant & si long-temps combattu, puis que ces noms redoutables
se changeans en celuy de Parlement, & de Parlement
de Paris, qui est le Iuge vnique & naturel des Princes
du Sang, des Ducs & Pairs, des Officiers de la Couronne, &
de tous les grands du Royaume ; Il n’y a plus de seureté ny
pour leurs vies ny pour leurs personnes ; Ils feront les esclaues
d’vn Fauory, & les victimes d’vn Parlement ambulatoire qui

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ne sera à luy que pour les perdre, & les destruire quand il luy
seront contraires, ou qu’ils luy donneront quelque ombrage
& quelque mescontentement.

 

C’est pourquoy il faut que le Roy mieux conseillé, les Princes
du Sang plus aduisez, les Ducs & Pairs plus vigoureux, le
Parlement de Paris & tous les autres qui ne font qu’vn Corps
auec luy plus seueres & plus ialoux de leur splendeur & du salut
des peuples qu’ils protegent, fassent vn dernier effort pour
d’vn commun consentement, effacer & supprimer, non seulement
le nom de cette Synagogue criminelle, mais encore
tout ce qui s’y est fait & ordonné sous le nom abominable de
Parlement de Pontoise ; Et que tous ces grands Princes, &
vertueux Magistrats, renoncent plustost à leurs charges, & à
leurs propres vies, que de souffrir iamais qu’aucun acte, ny
aucune Ordonnance qu’elle elle soit de cette Cohuë detestable,
subsiste ny ait aucun effet, s’ils ne veulent signer leur propre
ruine, & consentir qu’il y ait vn Parlement ambulatoire à
la suite d’vn Tyran & d’vn Fauory, lequel sera superieur & reformateur
de tous les autres reguliers & sedentaires qui sont
de dans la France ; Parce que si on reconnoist vn seul acte, ou
vn seul Arrest de ce receptacle de pariures, c’est aduoüer &
confesser qu’ils ont pû en donner ; Et s’ils ont pû en donner vn
auec effet, l’exemple & la possession est pour eux, & pour celuy
qui les employe, qui est assez pour vn premier coup, &
pour ietter les fondemens d’vne entreprise de cette consequence ;
Puis qu’vne autrefois on en donnera deux, & puis
trois & quatre, & bien-tost apres on fera vn nouueau Parlement
suiuant la Cour, qui sera Maistre de tous les autres, &
qui verifiera tout ce qu’on luy portera, & sacrifiera tous ceux
qu’on luy liurera, pourueu que le Fauory qui le maintiendra
& qui l’employera le paye bien en pensions, ou en benefices
O tempora, ö mores ! O pauure France que ton aueuglement est
grand, & que tu vas insensiblement à ta ruine & à ta perte si
tu souffre plus long-temps qu’on trauaille ainsi hautement &
tyranniquement à te rendre esclaue d’vn Ministre insolent,
qui n’aura plus que des bourreaux pour t’affliger, quand ces

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Iuges & tes protecteurs seront sans pouuoir & sans authorité.
Le lict de nos Rois ne se partage point, il est vierge aussi bien
que la Iustice qu’il represente, il ne peut sortir de la Capitale,
ny du Temple qui luy est desdié que pour estre prostitué par
tout ailleurs où il seroit transferé, c’est vn sacrilege & vn adultere
Politique qui ne peut causer que de la confusion dans le
gouuernement de la chose publique, & parmy la tranquillité
de ses enfans ; Et pourueu que la plus saine & la plus grande
partie de ses surveillans & de ses conseruateurs ne le quittent
& ne l’abandonnent point, il n’est au pouuoir de qui que ce
soit d’en transferer le siege, non plus que l’authorité, ny d’en
interdire le pouuoir, ny les fonctions qu’en ruinant la Capitale,
qu’en destruisant son Palais, qu’en abolissant sa memoire,
& qu’en renonceant à la Royauté de laquelle il est l’appuy,
la baze, & le fondement, sans que personne ait jamais
reuoqué en doute cette verité ancienne, qu’vn Estranger
ignorant qui ne sçait point nos Loix, non plus que la façon de
nous gouuerner ; y ayant mille fanfarons à la Cour qui feroient
mieux que luy ce qu’il fait dedans le cabinet, & vne infinité
de fideles & prudens François plus capables vn million
de fois que ce farceur d’Italie, de rendre la gloire à cét Estat,
de le conseruer contre ses ennemis, & de le maintenir en l’opulence
& la splendeur où il seroit, si ses propres enfans le
gouuernoient ; Ne sçachant aucun Estat dans le monde, ny
aucune famille vn peu considerable, qui ait vn Estranger inconnu
pour guide & pour conducteur Souuerain.

 

Puis donc qu’il n’est pas nouueau qu’vn Roy se racommode
auec ses suiets, & qu’il est plus obligé de les deffendre & de
les proteger qu’vn Tyran descouuert qui les oppresse & qui
les tourmente ; Que peut-on moins auiourd’huy dans le penchant
de la Royauté, & dans vne conioncture qui n’a point
d’exemple, que d’obliger ce proscrit à garder son ban sans espoir
de retour, de ramener le Roy dedans sa Capitale, de reünir
les Princes du Sang Royal, de les admettre dans les Conseils
au lieu de tant d’Estrangers suspects qui les occupent,
de donner la paix au Royaume puis que nos propres ennemis

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la demandent, de restablir les Loix fondamentales de
l’Estat que l’on tasche de renuerser depuis tant de temps, de
permettre qu’on rende la Iustice aux bons & aux meschans,
& de reparer l’iniure faite au lict de Iustice de nos Rois, en
cassant & supprimant tout ce qui s’est fait à Pontoise sous le
nom de Parlement, & reuoquant tous les Edicts & toutes les
Declarations qui y ont esté expediées pour ce suiet, auec les
actes & tout ce qui s’en est ensuiuy, comme contraires aux
Loix fondamentales de l’Estat, iniurieuses à l’authorité du
Roy, & faites par surprise & par attentat.

 

Si par l’article 1. & 2. du traitté du mois de Mars sus-allegué,
& verifié en Parlement le I. Avril ensuiuant, il est porté
en termes expres, que ; Demeureront en leurs entiers les Arrests
qui ont esté rendus tant en matiere ciuile que criminelle, entre les particuliers
presens, ou auec nostre Procureur general, pour affaires particulieres,
&c. Demeureront aussi nuls, & comme non aduenus tous les
Arrests donnez en nostre Conseil, & les Declarations publiées en iceluy,
& les Lettres de Cachet expediées sur le sujet des presens mouuemens,
depuis le 6. Ianuier dernier, iusques au iour de la presente Declaration.

Que doit-on faire en ce rencontre dont la pensée fait horreur,
pour ce qui est des Arrests, des verifications, & des interdictions
que treize ou quatorze Conseillers fugitifs & suspects,
sans pouuoir, sans adueu, & sans authorité, ont osé
prononcer contre deux cens Senateurs qui blasment leur
conduite, & qui n’ont autre pensée que de rendre la Iustice,
& de contenir les sujets de sa Majesté dans le deuoir & dans
l’obeïssance ; S’ils eussent quitté Paris & le Palais comme ces
faux freres pensionnaires du Mazarin, en quel estat seroit
cette Capitale aujourd’huy ? qui en seroit le Maistre ? qui en
seroit le Roy ? Si Henry IV. a dit mille & mille fois qu’il deuoit
sa Couronne à ces sages Magistrats ; Louis XIV. son petit
fils doit publier le reste de ses iours, que sans eux il n’y auroit
plus de Paris, ny peut-estre de France pour luy.

C’est pourquoy en leur donnant le nom de Peres du peuple,
& de Conseruateurs de la Patrie, il faut authoriser & ratifier

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tout ce qu’ils ont si sagement & si prudemment fait &
ordonné, & casser, annuller & reuoquer ce que le Conseil &
les Conseillers residans à Pontoise ont entrepris contre eux
& contre l’authorité du Roy, suiuant & executant le traitté
du mois de Mars 1649. & celuy du Roy deffunt de l’an 1615.
puisque l’experience nous fait voir de temps en temps, & en
cent sortes de rencontres, que toutes les fois que les Ministres
d’Estat & le Parlement agissent ainsi les vns contre les autres,
le dementi en demeure tousiours à ces Officiers de Cour &
de faueur, & l’honneur & la gloire à ce Senat aussi incorruptible
qu’inesbranlable, parce qu’il ne fait rien que par Iustice,
& n’entre prend quoy que ce soit qui ne tende à la grandeur
de l’Estat, au seruice du Roy, & au soulagement du peuple ;
où le Conseil n’a pour but que ses interests, l’oppression
des suiets, & les moyens de plaire au fauory qui les esleue ou
qui les abaisse comme il veut. Outre que le Parlement estant
vne Iustice reglée qui ne passe iamais ses bornes ny son pouuoir,
& seruant de digue & de rempart contre la violence &
le desbordement des Ministres, il est bien iuste & bien raisonnable
que ses Oracles & ses Arrests donnez en connoissance
de cause, soient plus suiuis & plus considerez, que des coups
de colere & de boutades que l’on change & que l’on reuoque
aussi souuent que l’employ & la commission de ceux qui les
font pour s’enrichir & bastir leur fortune ; & ce conformément
aux Traittez & Reglemens cy-dessus rapportez, & à
l’ancien Iugement du Roy Theodahadus, qui escriuant au
Senat de Rome sur vn different de cette nature, confesse que ;
Non decet Senatum corrigi, qui debet alios paterna exhortatione moderari,
nam ex quibus habebunt genium mores, si parentes publicos,
minores contigerit inueniri. Cassiod. Variar. lib. 10. Epist. 13.

 

Les suites d’vne trop longue Regence, & l’aage trop ieune
de nostre Roy, ne contribuent pas peu aux mal heurs &
aux desreglemens que nous souffrons, pour le trop de facilité
de la premiere, & le trop de complaisance du second pour vn
Ministre ignorant & meschant. Monsieur le President de
Thou parlant dans son Histoire de la perte que François I. fit

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du Duché de Milan, & en accusant Catherine de Medicis sa
Mere, laquelle par sa malice ordinaire auoit diuerty l’argent
que l’on enuoyoit à l’armée d’Italie pour y subsister, qui faute
de cela vint à perir de necessité, dit en peu de paroles, mais
tres-considerables & tres-remarquables ; Adeo feminarum,
vt successionem lege Regni nescit Gallia, sic Imperium & administrationem
semper fatalem experta est.

 

L’Autheur de la Vie de cette bonne Reine, se plaignant
d’vn mal qui nous cuit si fort auiourd’huy, dit & moy auec
luy, qu’il pourroit monstrer & iustifier par nostre Loy Salique,
que les femmes ont aussi peu de droit de gouuerner ce Royaume,
que d’en pretendre la succession ; Que quand le contraire
s’est fait, ç’a esté par vn abus tout manifeste, dont nous auons
tousiours porté la peine ; L’importance du danger public n’estant
point en ce qu’vne femme est appellée Reine, ou porte
vne Couronne ; Mais en ce que le plus souuent elle gouuerne
tout à l’appetit des passions immoderées qui la peuuent emporter,
& du premier qui a la subtilité de se mettre en ses bonnes
graces, comme nos Historiens les plus approuuez tesmoignent.
C’est pourquoy cette mesme Reine de Medecis desirant
se mesler du gouuernement de l’Estat du temps mesme
que le Roy viuoit, & ayant gagné le Connestable pour le faire
trouuer bon à Henry II. son Mary, qui se voyant importuné
de cela, luy dit ces mesmes termes ; Vous ne connoissez pas bien
le naturel de ma femme, c’est la plus grande brouillonne du monde, elle
gastera tout si on luy donne entrée au Gouuernement. Le feu Roy, que
Dieu absolue, n’en dit gueres moins, quand on se passionna si
fort auprés de luy, pour le supplier de donner la Regence à la
Reine Mere d’auiourd’huy.

Bodin raconte en son Theatre de la Nature, que Louys
XII. faisant mettre dans vne Gallerie du Chasteau de Blois
la teste d’vne Biche qui auoit des ramures comme vn Cerf, dit
en raillant, que la nature au commencement du monde auoit
donné à toutes les autres comme à celle-là le mesme bois
qu’aux Cerfs, mais qu’ayant veu depuis qu’elles en abusoient,
elle le leur auoit osté & retranché.

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Il est vray que le Roy est Majeur, & que la Reine n’est plus
Regente ; mais il est trop vray aussi qu’elle a trop de pouuoir
dans les Conseils, & trop d’authorité dans le Gouuernement
d’vn Estat où elle n’a plus de part, & qui ne se conduit point
en quenouïlle ; on n’a changé que le Bouchon, puisque nous
beuuons tousiours du mesme vin que pendant sa Regence.

Fredegonde, Brunehaut, Plectrude & Iudith allumerent
& entretindrent toutes leurs vies des guerres Ciuiles en ce
Royaume, & mirent en ialousie le pere auec le fils, le frere
auec le frere, pour se maintenir & entretenir leur ambition
de commander dans ces discordes. La Reine Blanche ayant
enuahy la tutelle du Roy saint Louis aagé d’onze à douze
ans, pour empescher que les Estats ne luy ostassent le gouuernement,
mit en guerre les Catholiques contre les Albigeois
declarez heretiques par sentence du Pape, apres quoy
l’on fut tout surpris d’apprendre que tous les grands du
Royaume estoient de cette Secte ou s’entendoient auec eux,
ainsi qu’elle leur vouloit faire croire ; & de fait sous ce pretexte
specieux & plain de religion elle se deffit d’eux adroitement ;
& comme le Roy son fils vint à estre grand, apres
l’auoir tenu bas, & esleué auec beaucoup de crainte & de rigueur,
elle l’enuoya contre les infideles dans la terre Saincte,
pour par ce moyen demeurer tousiours seule dans le
Gouuernement.

Si les Estats de ce Royaume n’eussent remedié de bonne
heure à l’audace effrenée d’Isabeau de Bauiere femme de
Charles VI. & ne l’eussent enuoyée promener à Tours, elle
n’eut pas degeneré du naturel des autres, comme elle monstra
en son commencement, à ce qu’assure Monstrelet. Madame
de Beaujeu ayant eu charge par les Estats de Tours d’auoir
soin de la personne du Roy Charles VIII. son frere,
voulut estre Maistresse du Gouuernement aussi, & pour en
venir plus facilement à bout, elle tira le Roy de Paris, &
l’esloigna des Princes du Sang, & de ses bons & fideles Conseillers
& Magistrats, ce qui ne fit pas peu de bruit, comme
nostre Histoire raconte bien au long.

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Ie ne sçache aucune Loy qui oblige vn fils de demeurer
tousiours auec sa mere, apres qu’il est maieur & maistre de
son bien ; au contraire plusieurs Constitutions du Royaume
supposent en ce cas leur separation & y pouruoyent, puisque
les Contracts de mariage des Reines leur assignent expressément
vne demeure à cette fin. L’Escriture Saincte ne dit
point aussi, que les Meres des Rois doiuent gouuerner leurs
Enfans & leurs Estats, quand elles en sont deuenuës les suiettes,
& qu’elles n’ont plus de part ny de droit à la Couronne,
pour estre au rang des personnes priuées. Salomon qu’on
nous propose pour le plus sage des Rois ne se laissa pas gouuerner
par sa mere Bethsabée, au contraire dés qu’il fut assis
sur le Throsne, elle luy fit vne demande auec beaucoup d’affection
pour son frere Adonias, qu’il luy refusa absolument
& la reprit de la luy auoir faite, comme estant preiudiciable
à sa personne, & au bien de son Estat. Alexandre le plus
grand Monarque & le plus aimant sa mere qui fut iamais, allant
pour conquerir la Perse ne laissa pas le gouuernement
de son Estat à cette Reine, mais à Antipater son fidel seruiteur,
quelque antipatie qu’il sceut estre entre luy & elle.

Louis XI. le plus Politique & le plus circumspect de nos
Rois, ordonne à son fils par son Testament, de ne se pas seruir
de sa mere en ses affaires, parce, dit-il, qu’elle estoit
Estrangere. Et de fraische memoire le Duc de Lorraine,
grand pere du Duc Charles d’auiourd’huy, fut tant trauaillé
par sa mere, fille du Roy de Dannemark, qu’il fut contraint
de se separer d’elle, & de l’enuoyer en Italie où elle
mourut vers le commencement de la Ligue.

Belleforest raconte, outre ce que nous venons de rapporter,
que Charles VII. pour lors encore Dauphin, ayant fait
conduire Isabeau de Bauiere sa mere à Blois, & de Blois à
Tours, pour empescher les cabales qu’elle permettoit de
faire aux mescontens sous son nom, la fit despoüiller par le
Connestable d’Armagnac, de tous ses joyaux, & de tout son
argent, iusques à celuy mesme qu’elle auoit mis en depost
dans les Eglises, & ce auec tant de rigueur & de captiuité,

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qu’elle ne pouuoit faire vn pas ny dire vn mot, que par le
congé & le consentement de trois hommes qu’il luy donna
pour la gouuerner.

 

Si Dieu ordonne de quitter son pere & sa mere, pour suiure
& secourir sa femme, le Roy ayant espousé sa Couronne,
ayant son Domaine pour dot, & ses sujets pour enfans qu’il
ne peut des-heriter, il est incomparablement plus obligé
d’abandonner sa mere qui ne leur est plus que marastre, &
particulierement lors qu’elle met la famille en diuision, ou
plustost tout l’Estat qui est l’assemblage de toutes les familles
qui n’en font qu’vne au regard du Roy qui est le Pere commun
de toutes. Saint Augustin dit vne belle parole dans ses
Confessions, liure 9. chap. 7. rendant raison pour quoy saint
Ambroise trouua par reuelation les corps de saint Geruais
& saint Protais ; Ad coërcendam, dit-il, rabiem femineam, sed
Regiam ; pour arrester la fureur d’vne femme, mais d’vne femme
qui estoit Imperatrice, & mere de l’Empereur ; parce que
c’est vne haine, & vne rage sans borne que celle d’vne Reine
qui se croit offensée, & qui se veut vanger. Dieu vueille
donner vn bon Conseil à nostre jeune Monarque, & luy inspirer
les aduis & les vertus necessaires pour bien gouuerner
son peuple, pour restablir la Iustice, & rendre bien-tost le
repos & la tranquillité qu’il doit à ses sujets oppressez, & à
sa Capitale qui est le lieu de son Throsne, l’appuy de son authorité,
& le soustient de toutson Royaume.

Quærite pacem Ciuitatis ad quam transmigrare vos feci ; Et
orate pro ea Dominum, quia in pace illius erit pax vobis ;
nec vos seducant Prophetæ vestri qui sunt in medio vestrum. Ierem. cap. 29. vers. 7. 8.

FIN.

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Anonyme [1652], DE LA NATVRE ET QVALITÉ DV PARLEMENT DE PARIS, ET Qu’il ne peut estre interdit ny transferé hors de la Capitale du Royaume, pour quelque cause ny pretexte que ce soit. , françaisRéférence RIM : M0_857. Cote locale : B_15_32.