Anonyme [1649], LA FARCE DES COVRTISANS DE PLVTON, ET LEVR PELERINAGE EN SON ROYAVME. , françaisRéférence RIM : M0_1372. Cote locale : C_4_11.
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SCENE SIXIESME.
NIRAZAM, YREMÉD, DRACIP,
TERVOBAT, SIOBSED, TELBVOD.
TELBVOD ENTRE, CHANTANT.

Courante nommee la Princesse.

 


CROYEZ vous galands malheureux
Par des yeux languissans, des respects, & des vœux
Tesmoigner l’ardeur de vos feux
Par ma farine,
Ie suis aymé de ma belle voisine,
D’vn peu de lard
Ie mets vn pucelage en grand hazard.

 

C’est la Chanson
du temps.

 


Philis qu’vn Amant est peu fin
De vous offrir des vœux quand vous mourez de faim
Et que vous n’auez pas de paim,
Chere Maistresse :
Ie vous en aporte vn gros de Gonesse
Et pour l’auoir,
Ie ne demande rien qu’vn peu d’espoir.

 

 


Chassez le coquet affamé
Qui croit par vn sonnet ou par vn bout rimé
Se rendre digne d’estre aymé,

-- 19 --


Dans la famine,
Il faut des poix, du lard, de la farine
Pour tout auoir,
Ie ne demande rien qu’vn peu despoir.

 

 


Adieu les bijoux du Palais,
Les chansons, les Romans, les beaux mots, les Poulets,
Adieu la danse & les balets
Pour estre aymable,
Il ne faut plus que tenir bonne table
Vn vray galand
Ne se doit point trouuer sans pain chaland.

 

Nirazam.

 


Peste soit des pendars qui dans nostre assemblée
Viennent entremesler leur chetiue denrée,
Il importe pourtant en ces extremitez
De trouuer vn repaire à nos meschancetez.

 

Yreméd

 


Vous sçauez mieux que moy qu’aucun lieu de la terre,
Ne pourroit iamais estre aux voleurs salutaire,
Vous nous auez rendu tellement odieux
Par vos deportemens & desseins fartieux,
Que si vous n’auez pas aux diables cognoissance
Nous sommes tous perdus sans aucune esperance.

 

Nirazam.

 


I’en ay depuis long-temps au grand diable Pluton,
Et i’espere de luy quelque chose de bon.
Ie faisois auec luy le plus ample trafique
Que iamais fit sorcier auec son art magique,
Pourueu qu’il me donnast grand quantité d’argent
Ie luy ay accordé & presté le serment :
Qu’il auroit les porteurs de cette marchandise :
En suitte de cela aymant ma chalandise,
Il me fit dans la France intendant des voleurs,
Et de là sont venus tant de monopoleurs,
Car s’il me suggeroit par ses grandes largesses
Vn moyen d’amasser de nouuelles richesses

-- 20 --


Aussi-tost ie cherchois deux mille Partisans
Qui voloient hardiment les pauures paysans :
Ainsi pour chaque impost que i’ay mis dans la France
I’ay mis deux mils voleurs en sa pleine puissance,
Et comme compagnons de mes mechancetez,
Asseurez vous d’auoir ce que vous meritez.
Ouy, tenez pour certain quoy que le François fasse
Que parmy les demons vous aurez bonne place,
Et generalement pour vous & vos commis
I’y en-ay retenuë & fait beaucoup d’amis.

 

Teruobat, à Dracip.

 


Ah la bonne rencontre !

 

Dracip.

 


Il faut pourtant nous taire.
Nous irons auec eux.

 

Telbuod.

 


Voila bien nostre affaire.

 

Nirazam.

 


Allons donc au plustost voir messier Caron
Qu’il nous fasse parler à son maistre Pluton,
Puisque communement les cantons de la terre
Sont armez contre nous pour nous faire la guerre.

 

Siobsed.

 


Allez, on vous fera vne Croix sur le dos,
La France apres cela sera plus en repos,
Quand à moy, ie m’en vais auec grande allegresse
Iouir de ce bon-heur aupres de ma maistresse.

 

Il sort.

Teruobat.

 


Suiuons ces autres cy.

 

Nirazam.

 


He Caron ou es tu ?

 

Naletac.

 


Nous n’auons point encor trop long tems attendu
Peut-estre passe il quelqu’vn à l’autre riue.

 

Yreméd.

 


Il nous faut donc icy attendre qu’il arriue.

 

-- 21 --

Dracip.

 


Hé, hé, hé, battelier.

 

Caron, derriere la tapisserie.

 


On y va, on y va.

 

Pluton, derriere, &c.

 


Attens, ie veux passer pour sçauoir qui est là,
Ie crois voir vn grand train, sçachons ce qu’il demande.

 

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