Anonyme [1649], LA FARCE DES COVRTISANS DE PLVTON, ET LEVR PELERINAGE EN SON ROYAVME. , françaisRéférence RIM : M0_1372. Cote locale : C_4_11.
SCENE SEPTIESME & derniere. PLVTON, CARRON NIZARAM, YREMÉD, TERVOBAT, DRACIP, TELBVOD. Pluton.
Ah mon cher Nizaram vous auez grosse bande ?
Nirazam.
C’est Monsieur Yreméd & Monsieur Naletac.
Pluton,
Ces deux autres icy auecques leur bissac, Ne sont ils pas aussi de vostre compagnie ?
Nirazam.
Ils ne sont pas des miens, pour tels ie les renie.
Pluton.
C’est la Iean Telbuod, asseurément ce l’est.
Telbuod.
Vous en auez menti, excusez s’il vous plaist.
Nirazam.
Il est dedans la France en bien autre posture,
Pluton.
Ce sont la Teroubat comme ie coniecture, C’est Telbuod & Dracip, ou ie suis abusé.
Naletac.
A quoy bon, chacun d’eux seroit il desguisé ?
Pluton.
Parce qu’ils sçauent bien que par trop d’auarice, Ils ne mont point rendu vn fidele seruice,
Yreméd.
Si cela est, mon Prince, ils ne sont point capables, D’obtenir aux enfers de charges honorables : Mais ie ne sçaurois croire en ces habillemens Qu’il s’y puisse cacher aucuns des partisans, Au reste sondez les, & vous pourrez apprendre En quatre petits mots ce qu’ils ont dans le ventre.
Pluton.
Viens ça icy bon home, aproche, qui est tu ? Nomme moy ton parrain, & d’où tu es venu.
Teruobat
Moy ? ie suis vn pauure homme à vostre humble seruice, Il faut se consoler, pauureté n’est point vice, On m’appelle la Broche, & mon premier mestier (Que i’exerce à present) c’est celuy de Fripier.
Pluton.
Et toy qui fais icy vne triste grimace, Qui est tu !
Telbuod.
Qui ie suis ? Mon nom est la besace, Normand de Nation, mon mestier maquereau : Mais voyant que chez moy ie n’auois rien de beau Qu’on ne frequentoit plus mon honneste maison, I’ay pris aussi l’estat de vendeur de Chanson.
Pluton.
Et toy dis moy ton nom & ton mestier sans feinte,
Dracip.
Ie suis vn Cordonnier on m’appelle la pointe,
Nirazam.
Voila de plaisans noms.
Naletac.
Aussi bien supposez, Que ces drosles d’habits dont ils sont deguisez.
Pluton.
La broche, est-ce pas vous qui par l obeissance Que vous rendiez iadis à ma toute puissance, Pour auoir de l’argent auez par tant de fois Mis tant & tant d’imposts sur le pauure Bourgeois.
La Broche.
Ouy, ie suis vn Bourgeois, qu’infinité de drosles Ont fait mourir de faim par mille Monopoles.
Cocq à Pluton.
Dis moy donc, n’est tu pas ce fameux partisan Que i’ay tant enrichy des biens du Paysan.
La Broche.
Ouy ie suis paysan, & ne suis gueres riche Iugez si on est gueux quand on fesse la miche.
Pluton.
Cela ne prouue point ta grande pauureté, Ie ne ris pas, dis moy la pure verité.
La Broche.
Ouy, ouy la verité est vne belle chose Ie l’ay veuë autresfois elle est couleur de rose.
Pluton.
Ah ! si i’entre en furie, on en verra beau ieu Ie te feray ietter dans vn horrible feu :
La Broche.
Monsieur ie n’ay pas froid, ne bougez ie vous prie Ie n’en ay pas besoin, ie vous en remercier.
Pluton.
Peste soit du coquin qui si impudemment Quand ie parle se rit de mon commandement, Toy, à ce que tu dis, qui t’appelles la Pointe, Respons mais souuiens toy que si ta contrepointe Tu receuras de moy vn iuste chastiment, A ce que ie diray respons directement.
Pluton.
Marault que veux tu dire auec ta cones quence Quoy ? tu te ris encor de mon interrogance ?
La Pluton.
Sic argumentar is, ad interrogatum, Quoy tu te ris encore ? concedo le totum.
Pluton.
Tu te gausses de moy auec ton ie l’accorde ? Tu ne te tairas point si ie ne prens la corde ?
La pointe.
Concedo.
Pluton.
Ce pendart me feroit enrager.
La pointe.
Transeat.
Pluton.
Ah ! tantost ie te feray changer, Mais voyons celuy-cy, il pourra nous apprendre Ce que de ces deux-là, ie n’ay point sçeu entendre La bezace, du moins c’est la ton sobriquet, Car ie veois Telbuod sous ton plaisant roquet Dis moy en bonne foy, mais dis sans raillerie, N’est ce point toy qui as par mille volleries Fait mourir le soldat, ruïné le bourgeois Espuisé tout l’argent du pauure villageois ?
La Bezace.
Dedans vn seul cayer, Monsieur, l’y en a quatre à quatre Et ie les vends vn sol sans rien du tout rabattre.
Pluton.
Quel rustau est cela ? tu n’as point de raison, Respons, sans me parler de ta vieille hanson.
La Bezace.
Vous sçauez mieux que moy point d’argẽt point de suisse Sans payer ma chanson, croyez vous que ie puisse
Pluton.
Ie n’ay iamais connu vn pareil impudent.
La bezace.
Oüy Monsieur i en connois, mais ie vous dis de belles Et ie vous en promets deux qui seront pucelles.
Pluton.
Voyla de vrays maraults qui sans doute ont iuré De se mocquer d’vn Roy qui doit estre adoré ; Ie ne sçaurois souffrir de ceux-là l’impudence Qui par des [1 mot ill.] mesprisent ma puissance Caron prenez les moy, & que de grands tourmens Leurs seruent auiourd’huy de iustes chastimens.
Caron.
Hé, la Pointe viens çà, la Broche & la Bezace Approchez-vous Vrayement vous auez bonne grace De vous railler ainsi de mon Prince Pluton.
La Broche.
La Bezace à bien dit, qu’il n’y faisoit pas bon, Qu’on nous maltraitteroit au Royaume des Diables.
Pluton.
Les mespris faits des Roys ne sont point pardonnables Qu’ils soient suppliciez comme ils ont meritez.
La Bezace.
Voudriez vous bien nous voir si rudiment traittez ? Pourueu que vous ayez deux ou trois pucelages N’excuserez vous point.
Pluton.
Non, vos maquerelages N’auront point dessus moy vn assez grand pouuoir Pour pardonner à vn qui manque à son deuoir. Pour mon autorité qu’ils ont tant mesprisée Ie veux qu’ils soient punis de toute leur risée Oüy, vous ressentirez les plus rudes tourmens Que l’on ait esprouuée de tout mes iugemens I aimeray contre vous toutes mes trois furies Pour seruir de bourreaux à tant de railleries.
La Broche.
Vous prendriez trop de peine, & i’aymerois bien mieux Vous dire nos desseins qui sont mysterieux Que de vouloir souffrir qu’on me mist à la gesne.
La Pointe.
Voulez vous oublier toute l’ancienne haine Qu’auez eu autrefois contre trois Partisans ?
Pluton.
N’auois-ie pas bien dit que c’estoient mes galans ? Quoy ? vous croyez tromper, voleurs, fourbes, infames, Vn qui est esclairé de mille & mille flames. Vous auez donc douté de l’infiny pouuoir Qu’vn grand Prince & vn Dieu des enfers doit auoir, Apprenez que ie vois clairement qui vous estes, Et ie me vengeray de tout ce que vous faites, Ie veux dés maintenant pour vostre chastiment Que Caron vous repasse en terre promptement.
La Broche.
Ah ! donnez-nous plustost des peines eternelles Que de nous…
Pluton.
Non, ie veux qu’en terres naturelles Vous me satisfassiez pour vos crimes passez ; En retournant aux lieux dont vous estes chassez.
Nirazam.
Grand Roy, excusés les pour l’insigne seruice Qu’en France ils ont rendu à ma grande auarice, Ie croy que le sujet de leur desguisement N’estoit que pour entrer chez vous plus aisément, Et c’est pour vous seruir & vous estre agreables Qu’ils ont ainsi cherché des masques fauorables ; Enfin ils n’ont iamais conceu d’autre dessein Au mesme instant qu’ils sont sortis de S. Germain, Que pour vous demander vn pardon de leurs crimes, Et se rendre à vos pieds volontaires victimes, S’asseurans toutesfois que vostre Maiesté, Exerceroit sur eux quelque traict de bonté.
Pluton.
Iules, i’aurois grand tort de faire resistance A la priere d’vn qui m’a seruy en France Allez, ie vous promets quelque condition ; Puis qu’ils ont merité vostre protection, Et quand vous aurez eu quelque charge honnorable Que si quelqu’vne peut leur estre conuenable Ie la laisse à leur choix, toute ma passion, Cherchera seulement leur satisfaction : Et pour en peu de temps terminer cette affaire, Ie veux en premier lieu tous trois vous satisfaire, Et quand vous aurez eu vostre contentement, Messieurs nos desguisez en auront tout autant, Dictes, Iules, quel rang voulez-vous qu’on vous donne ?
Nirazam.
A vostre volonté la mienne s’abandonne, Vous sçauez mieux que moy si ie suis propre à rien.
Pluton.
Vous n’estes quasi bon qu’à desrober du bien ; Et moy comme ie suis le grand Roy des richesses Ny voleurs ny commis auecques leurs finesses Ne sont pas bons chez moy pour auoir vn estat Qu’il puissent exercer auec vn peu d’esclat, C’est pourquoy sçachant bien que vous n’estes capables, D’auoir des qualitez qui soient considerables, Ie diray ce à quoy chacun me peut seruir
Yremed.
Peu de chose nous peut plainement assouuir, Et sans aller plus loing nostre fortune est faicte Si nous pouuons chez vous auoir quelque retraicte.
Pluton.
Ie commence par vous, & ce n’est pas en vain, Car c’est vous des voleurs, qui estiez souuerain,
Nirazam.
Vous deués vous promettre vn fidele seruice, Car i ay le trou si large & le soufflet si gros Que ie puis aysément du vent qui est enclos R’allumer tout le feu que ce Royaume enserre Et ie reueillerois le feu elementaire S’il se trouuoit esteint par quelque grand malheur, Cependant grand-mercy d’vn si insigne honneur.
Pluton.
Toy qui estant laquais a batu la semelle Tu seras icy bas vn porteur de nouuelle, Me seruiras par tout, & dans le lieu secret Tu prendras ta demeure & le tiendras bien net, Tu portera l’esponge à Dame Proserpine Auecques le carreau de ma grand concubine.
Yreméd
Grand Roy ie me ressens viuement obligé De souffrir que chés vous ie me trouue logé Auec la dignité qui m est plus conuenable, En quoy ie tacheray de vous estre agreable.
Pluton.
Quand à vous Naletac iadis maistre vacher Il vous faut vn estat propre à ce beau mestier : Ie vous donne le soing de mon portier cerbere, Mon dragon, ma vautour, auecques ma vipere, Mes couleures, crapaux, anguilles & serpens Et generalement des bestes de ceans.
Naletac.
Grand Prince des Demons que par vostre sagesse Vous vous accommodés à nostre petitesse.
Pluton.
Il n’en reste donc plus que trios à contenter
La Broche.
Sire, il n’est pas besoing de nous donner d’office Nous ne meritons pas vn si grand benefice.
Pluton.
Tous ceux qui ont seruy le Seigneur Nirazam, Auront dans mon Royaume vn azile certain Et ie leur donneray quelque charge honnorable ; Selon que chacun d’eux s’en trouuera capable. Vous Messires la Broche autrefois Tabouret Vous serés icy bas Maistre de Cabaret Aussi bien aymés vous à faire bonne chere : Et vous prendrés le soing de ma cuisine entiere.
La Bezace.
Il est bien vray grand Roy qu’assez heureuse I’ay esté dans Paris marchand de chair humaine Et ie vous promets bien que dans vostre domaine I’en trafiqueray tant que de monopoleur On me sur nommera le grand appareilleur, Ce pendant toutefois ie vous rend mille graces De nous auoir donné aux enfers bonnes places. vous estes bien heureux que monsieur Nirazam. A faict auec Pluton vn pacte clandestin. Car luy & vous & eux qui ont volé en France Seroient icy venus seulement a patence, Car tous les Parisiens contre vous irtitez, Peut estre vous auroient si rudement traictez Et auroient tellement mis vos membres en pieces Qu’en l’air il eut falu passer vostre viellesse Pour vous mieux soustenir, riez mes bons enfans Vous auez leur argent & vous estes contens.
FIN. |
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