Anonyme [1649], RESPONSE DE MONSEIGNEVR LE PRINCE, A LA REQVESTE & à la Remonstrance qui luy ont esté adressées par le Parlement de Dijon, à son arriuée en Bourgogne. Auec la Declaration qu’il leur a faite de n’estre plus Mazariniste. , françaisRéférence RIM : M0_3403. Cote locale : A_8_53.
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LEÇON I.

La premiere Leçon que vous me donnez contient l’honneur,
la reuerence, & le respect que l’on doit aux Roys ; puis
que l’authorité Royale est d’institution diuine : Que ces caracteres
de la Majesté de Dieu qu’ils portent auec tant d’éclat,
exige decessairement de leurs Sujets, de leurs vassaux, & des
Princes inferieurs, des respects conformes à cette grandeur,
& que mes dernieres actions font voir clairement que i’ay
manqué à l’honneur que ie luy deuois rendre.

A cela ie respons, que vous m’obligez extrement de
me representer des choses où ie vous auouë que ie ne songeois
point du tout ; mais que vous deuez croire aussi que ie n’ignorois
pas en façon quelconque. Ie sçay bien que Dieu a constitué
vn Roy sage sur le peuple qu’il aime ; qu’il se faut donner
garde de son indignation ; qu’on le doit honorer, prier
pour luy, & luy estre sujet : Mais vous deuez sçauoir aussi, que
[1 lettre ill.]e commandement n’est pas fait seulement en faueur du Souuerain,
& que c’est vne sousmission que l’on doit à toutes

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sortes de Princes, comme le dit fort bien sainct Paul en sa premiere
Epistre escriuant à Timothée. De sorte que si mes dernieres
actions font voir que i’ay manqué en ce poinct ; celles
que vous faites à present monstrent bien que vous estes coulpable
du mesme crime, veu que vous me traittez de petit
Escholier, & que vous me faites des leçons si peu respectueuses :
Neantmoins si vous vous repentez de la faute que vous
venez de faire, d’aussi bon cœur que ie me repens de celle que
i’ay faite, les affaires du Roy n’iront pas mal d’ores en auant, &
le Tyran de l’Estat & de la Patrie, pourra bien chercher son
salut en sa perte.

 

La seconde leçon me semble aussi raisonnable que la premiere,
attendu qu’elle contient l’obeïssance que l’on doit au
Roy, confomément aux loix de Dieu & de son Eglise ; quoy
que l’Ecclesiastique veüille qu’il fasse tout ce qui luy plaira,
aussi bien que Samuël, en son huictiéme chapitre ; mais ie veux
croire que cela ne se doit entendre que par force ou par violence,
plustost que par Iustice : Car il n’y a point d’apparence
que la parole eternelle veüille que l’authorité de l’homme sur
l’homme, soit plus grande que celle du Createur sur la creature,
ainsi que sainct Pierre nous l’apprend fort bien luy mesme :
De sorte que le Peuple de Paris demeure par ce moyen-là
exempt du crime de desobeïssance, puis qu’il s’est tousiours
parfaitement bien sousmis aux volontez du Roy, selon les decrets
de celuy qui peut toutes choses.

La troisiesme leçon m’apprend que l’obeïssance & le respect
que nous deuons aux Roys, n’obligent pas les peuples
à rendre au Conseil, aux Ministres, & aux Fauoris, ce qu’ils
ne doiuent qu’au Prince. Il est bien difficile au Seruiteur de
pounoir passer long-temps pour le Maistre, & la personne de
l’vn ne sçauroit estre la personne de l’autre. Ainsi les Parisiens
n’ayans iamais fermé l’oreille qu’aux ordres d’vn Cardinal qui
tranche du Souuerain, & qui contrefait le Sejanus, ne sçauroient
en façon quelconque passer pour desobeïssans, dans
l’esprit de ceux qui sçauent distinguer les matieres comme
moy, & qui iugent équitablement selon la verité des choses.
Tout Sujet qui se veut approprier, comme luy, l’authorité du

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Souuerain, est criminel de leze Majesté en quelque sens qu’on
le puisse prendre. Lucibel & plusieurs de ses compagnons furent
eternellement damnez pour vn crime de mesme nature.
Mal aisément peut-on attenter à des puissances ordonnées de
Dieu, sans attenter à sa saincte & sacrée personne.

 

Ie veux bien encore que les mesmes considerations n’obligent
pas les Sujets à rendre égale obligation à la personne des
Regens, qu’à la personne du Prince, qui est hors de tutelle.
Leur condition, quelque sublime qu’elle puisse estre, est tousjours
de beaucoup inferieure à la dignité Royale, ie l’aduouë ;
& si vous m’auez veu autrefois vn peu plus passionné qu’il ne
falloit pour vn party, que i’ay découuert du depuis n’estre pas
le plus iuste, ie vous prie de croire que vous me verrez d’ores
en auant mille fois plus zelé pour le vostre, que ie tiens estre
celuy de Dieu, du Roy, & du Peuple.

Il est vray que ny les Regens ny les Fauoris n’estans pas Souuerains,
ne peuuent pas durant la Regence faire aucune nouuelle
loy : Car la puissance de ce faire n’est que la vertu d’vne
authorité absoluë, qui est affectée en la seule persõne du Prince.
Que si i’ay souffert qu’on ait crée de nouueaux Offices
pendant la minorité du Roy, ie ne suis pas le seul qui ay contribué
à cette tyrannie ; tous les Princes, tous les Parlements,
dont vous estes du nombre, & particulieremẽt celuy de Paris,
n’en seront pas moins responsables que moy ; puis qu’il vous
faut rendre Leçon pour Leçon, & Remonstrance pour Remonstrance.
Ainsi également criminels des voleries des Ministres
d’Estat, & de ce nombre infiny de sangsuës, trauaillons
également à leur perte.

La bonne opinion que i’ay conceuë du zele & de l’affection
que les François ont pour leur Roy, & l’equité de leur cause,
me fait estroitement embrasser leur party, & me fait croire
qu’ils sont prests à faire des miracles pour le seruice de leur
Prince. Nous en auons de grands exemples dans toutes les
guerres qui se sont passées depuis longues années, & toute la
suite de cette troisiesme Leçon est si belle, que vous m’obligez
infiniment de me la faire bien longue. L’expression d’vne
obeïssance si parfaite, ne me sçauroit iamais estre desagreable.

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Et ces comparaisons sont si pressantes qu’elles excitent dans
mon esprit, des moyens conforme à la créance que vous m’auez
donnée.

 

Ie n’ay pas encore oublié les dernieres paroles que feu mon
pere, d’heureuse memoire, me dit, auant que Dieu luy eut fait
part de sa beatitude. Et vous sçauez bien ce que i’ay fait pour
la France, dans toutes les precedentes occasions qui se sont
offertes. Ainsi desabusé par cette derniere action, ie vous
promets de mourir à la peine, ou de continuer à bien faire.
Enfin ie feray si bien d’ores en auant, que i’obligeray la France
à me considerer, le Peuple à me cherir, la Noblesse à me
Ioüer, & tout l’Vniuers à s’entretenir de ma gloire.

FIN.

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Anonyme [1649], RESPONSE DE MONSEIGNEVR LE PRINCE, A LA REQVESTE & à la Remonstrance qui luy ont esté adressées par le Parlement de Dijon, à son arriuée en Bourgogne. Auec la Declaration qu’il leur a faite de n’estre plus Mazariniste. , françaisRéférence RIM : M0_3403. Cote locale : A_8_53.