Anonyme [1649], RESPONSE DE MONSEIGNEVR LE PRINCE, A LA REQVESTE & à la Remonstrance qui luy ont esté adressées par le Parlement de Dijon, à son arriuée en Bourgogne. Auec la Declaration qu’il leur a faite de n’estre plus Mazariniste. , françaisRéférence RIM : M0_3403. Cote locale : A_8_53.

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RESPONSE
DE MONSEIGNEVR
LE PRINCE.

A la Requeste & à la Remonstrance qui luy ont
esté adressées par le Parlement de Dijon, à
son arriuée en Bourgogne.

Auec la declaration qu’il leur a faite de n’estre
plus Mazariniste.

MESSIEVRS,

Ie voy bien que le iuste ressentiment que vous
auez des Troubles & des sousleuemens des Peuples,
de qui vous estes les Peres & les Protecteurs ;
vostre deuoir qui est de faire droit aux grands & aux
petits, selon l’equité de leur cause ; l’interest de la France,
comme tuteurs du Roy, & comme mediateurs entre le Prince
& le peuple, & mon bien particulier, comme estant vne
personne qui vous est tres-acquise, sont les legitimes sujets
qui vous obligent à me dresser vos iustes plaintes, & qui vous
portent à me remonstrer le tort que ie fais à mon honneur &
à ma reputation, d’auoir espousé le party & les injustes querelles
d’vn monstre, qui n’a point d’autre dessein que de perdre
nostre patrie. Il est vray, Messieurs, que vous me pouuez
accuser d’auoir esté noircy pendant ces dernieres troubles de
tous les plus detestables crimes de la terre : mais Dieu qui ne
veut pas la mort du pecheur, pourueu qu’il se conuertisse,

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vient depuis peu par sa Diuine Misericorde, de me dessiller les
yeux, & de me retirer du precipice où ie m’estois mis, pour
adherer aux volõtez du plus abominable de tous les hommes.
Ie sçay bien que nostre Souuerain Createur ayme les peuples,
que Iesus-Christ est mort pour eux, & que nous sommes obligez
de l’imiter en toutes choses. Ie sçay bien qu’vn Tyran
comme celuy dont vous me parlez, est ennemy mortel de
toute la Nature raisonnable & intellectuelle : Qu’abusant de
l’authorité du Prince, il charge le peuple (pour le piller) de
subsides & d’exactions immoderées : Qu’il enuoye tout l’or &
l’argent de France à Rome & à Venise : Qu’il administre les
affaires du Royaume par fraude & par auarice : Qu’il ne se
gouuerne que par des flateurs & par des satrapes, & autres telles
especes de vermine : Qui craint que le peuple viue dans vne
parfaite vnion, & qu’il conspire contre luy : C’est ce qui fait
qu’il soudoye les principaux, & qu’il les tient à ses gages, pour
luy donner aduis de toutes leurs entreprises. Enfin il porte
tousiours l’esprit du Roy & de la Reyne à de tres-mauuaises
intentions contre leurs subjets, taschant d’obseder le Prince
apres sa majorité, pour se vanger des affronts qu’il croit auoir
receus de toute la France. Mais ie vous proteste, Messieurs,
d’employer mes soins, mon bras, & ma vie, si la necessité des
affaires le requiert, pour empescher ses horribles desseins, &
pour purger le païs d’vne creature si funeste à l’Estat & plus funeste
à la Patrie. Si mes actions estoient miraculeuses dans
mon enfance, ie veux qu’elles le soient beaucoup plus en l’âge
où ie suis, & pour vostre repos & pour ma gloire. La France
passera dores en auant de l’admiration de mes premiers effets,
à l’idolatrerie des graces que ie luy veux faire. Ce sera d’elles
qu’elle pourra apprendre que ie ne suis pas moins sçauant en
la Politique & en l’Art Militaire, qu’au reste des autres sciences.
Et certes ie tascheray d’agir si bien pour vostre salut, que
tout le monde sera obligé de m’honnorer des beaux Eloges
que ie reçois aujourd’huy, & que ie tiens des liberalitez d’vne
si Auguste Compagnie que la vostre. Si maintenant que ie
suis dans ma plus grande vigueur, ie ne fais voir quelque chose

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de ma generosité, & si ie ne produis des actions encore plus
merueilleuses qu’en mon adolescence, tenez moy pour le plus
lasche de tous les mortels, & pour le plus criminel de tous les
Princes. La bonne esperance que vous auez conçeuë de moy,
ne vous deceura iamais, ou ie mourray à la peine, de vous la
rendre telle que vous l’auez conçeuë. Ce sera par le moyen de
cette passion, que ie me porteray pour vostre bien, à l’entreprise
de toutes les choses les plus hautes & les plus difficiles.
Et c’est par elle que vous deuez esperer pendant que les autres
s’affligent, & que vous deuez tirer le miel de vostre consolation
de l’amertume de vos souffrances. Ie ne dois rien faire ny
contre Dieu, ny contre ma conscience. Quand ie fis alliance
auec vn Cardinal, ie ne croyois par la faire auec vn fourbe ; ie
puis reprendre mon cœur en reprenant mes serments, & les
promesses que ie luy auois faites ; c’est pourquoy n’ayant rien
retenu de ses mauuaises humeurs, ie puis bien respondre aux
belles Leçons que vous venez de me faire.

 

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Anonyme [1649], RESPONSE DE MONSEIGNEVR LE PRINCE, A LA REQVESTE & à la Remonstrance qui luy ont esté adressées par le Parlement de Dijon, à son arriuée en Bourgogne. Auec la Declaration qu’il leur a faite de n’estre plus Mazariniste. , françaisRéférence RIM : M0_3403. Cote locale : A_8_53.