Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.
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Que l’Authorité Royale est temperée,
& comment.

LE meilleur conseil qui soit dans vostre escrit, est le beau
sermon que vous faites depuis la page 37. iusques à la 47.
pour nous persuader qu’il ne faut point se rebeller contre
son Roy.

Cette doctrine est trop sainte & trop Chrestienne pour n’en
estre pas d’accord auec vous, encore qu’elle soit tres-inutile en
cet endroit, puis qu’il ne faut pas se tourmenter comme vous
faites, pour prouuer vne chose que personne ne conteste. Si
vous-mesme & vostre Mazarin donniez quelque creance aux
Peres que vous nous alleguez, vous appaiseriez tres-asseurément
tous les maux que vous causez, & rameneriez le Roy dedans
sa capitale, aupres des Princes de son Sang, & dans son
Parlement pour estouffer les desordres que son absence, & que
la presence de vostre Cardinal apportent.

Et pour vous rappeller de tous les erreurs où vous estes, &
leuer les soupçons que vos Sectateurs, & les simples qui vous
croiront, pourroient auoir contre le Parlement de Paris que
vous traittez de rebelle, il faut que ie vous face connoistre ce

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que peut l’authorité Royale, & ce qui est du deuoir du Parlement
qui l’a conserue, lors qu’il s’agit de destromper vn Roy, &
de luy maintenir son Estat quand il est dans son panchant.

 

Vous auez assez de lumiere naturelle, & assez de connoissance
de la Politique humaine, pour ne sçauoir pas que de toutes
les Monarchies de la terre, il n’y a que celle du Turc qui soit
Despotique, c’est à dire, independante, & de Maistre à Esclaue.
Toutes les autres que nous voyons sont temperées par vne
espece d’Aristocratie qui les maintient & qui les conserue, sans
pouuoir soustenir qu’elles en soient moins Monarchies, n’y
moins Souuerains pour cela. Tacite qui est vn des premiers, &
des plus intelligens qui ait jamais parlé de nos mœurs, descriuant
le gouuernement des anciens Germains dont nous sommes
descendus, dit qu’ils faisoient leurs Roys de la maison la
plus noble & la plus illustre, mais qu’ils n’auoient pas la puissance
de faire tout ce qu’il leur plaisoit. Regibus non est infinita,
aut libera potestas ; & s’expliquant dauantage au Chapitre suiuant
il adioûte, que les Princes deliberent seuls des petites affaires,
mais des grandes & de celles de consequence, tous en general,
ou ils parlent selon que leur aage le porte, ou qu’ils sont bien disans,
puis que leur authorité prouient plustost de leurs persuasions
& de la force de leurs raisons, que non pas de leur pouuoir,
ny de leur puissance de commander. Rex vel princeps, prout
atas cuique, prout facundia est, audiuntur authoritate suadendi magis
quam iubendi potestate.

Despotis. id
est, superbus,
imperiosus ; & selon
Platon,
imperiosissimus
pro suo
arbitrio dominati.

Tacit. de
morib. germa.
cap. 1. 2.

Dieu mesme de qui tout le monde releue & qui ne peut faillir,
n’agit & ne gouuerne les choses interieures que pour leur
propre vtilité, & iamais pour la sienne, c’est pourquoy ce seroit
vne espece de prodige que ceux qui n’ont point d’autre droit
pour estre obeïs, que d’estre les images viuantes de ce Roy des
Roys, se voulussent persuader qu’ils sont plus que luy, & qu’il
n’y a rien qui ne soit fait pour eux, & par ainsi qu’ils se peuuent
iouër impunément de la vie & du sang des peuples, & que toute
ame est tributaire à leurs passions desreglées, veu principalement
qu’il n’y a point d’Empire qui n’ait commencé par l’Election,
comme l’Histoire ancienne & la nostre mesme l’enseigne,
ce qui montre clairement que ce ne sont pas les Rois
qui ont fait les peuples, mais les suiets qui ont fait les Souuerains.

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C’est vostre mesme Espagnol Soto qui le dit, enseignant,
que ; Regalem potestatem, populi naturali perfusi lumine erexerunt, ce
qui fait que l’obligation reciproque de l’vn à l’autre est si estroitte,
que si la Republique appartient à Cæsar, Cæsar appartient
beaucoup plus à la Republique. Le saint Esprit mesme disant
qu’il les tire & les choisit du milieu de ses freres ; Regem é medio
fratrum tuorum ; & non pas du milieu de ses esclaues pour en faire
vn Tyran inconstant & desreglé.

 

Soto, de justit.
& iure
lib. 4. quæst.
4. art. I.
Regum. lib.

Il est vray que les Roys sont absolus & tout-puissans dãs leurs
Estats, mais il est vray aussi que les bons ayment mieux que l’on
dise qu’ils sont au dessus de leurs passions, qu’au dessus des Loix ;
sçachans bien que s’il est auantageux de pouuoir tout faire, il est
encore plus glorieux de ne vouloir que ce qui est iuste & raisonnable,
parce dit Platon, que ; Tyrannicum est dicere principem
legibus esse solutum ; ce qui est confirmé par Seneque, qui sçauoit
mieux que personne ce que peut & ce que doit vn Souuerain,
disant que, principi cui omnia licent, propter hoc ipsum, multa non licent,
qui est l’vnique moyen de regner auec toute sorte de
puissance & d’amour, parce qu’il n’y a point d’esprit si rebelle
qui ne reuere vne authorité qui fait que la raison commande, &
chacun regarde auec amour le pouuoir qui ne s’esleue au dessus
de luy que pour le couurir, & pour le deffendre.

Plato, de repub.
lib. I.

Les remonstrances que le Parlement fit au Roy deffunct en
vn pareil aage que celuy de nostre Roy, & dans vn temps pareil
à celuy que nous voyons, le 21. May 1615. confirment cette
maxime & ce temperament, puis qu’elles portent ces termes
genereux & veritables ; Nous osons dire à vostre Majesté, que
c’est vn mauuais Conseil qu’on luy donne de commencer l’année
de sa Maiorité, par tant de commandemens de puissance
absoluë, & l’accoustumer à des actions dont les bons Roys, comme
vous, SIRE, n’vsent iamais que fort rarement, estant certain
que les vrayes maximes des Estats sont, que plus vne puissance
est grande & absoluë, on doit la mesnager auec plus de
retenuë & moderation pour la faire longuement durer.

Monsieur Seruin voulant instruire ce mesme Roy, & luy
faire connoistre ce qu’il estoit & ce qu’il pouuoit, luy dit en la
premiere harangue qui luy fut faite lors que le Parlement le
declara Majeur le 2. Octobre 1614. seant en son lict de Iustice :

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Nous croyons, sire, que vostre Maiesté ne tiendra point pour gens veritables
ceux qui luy diront, que vostre puissance est si absoluë, que vous
estes pardessus les Loix, & que vostre seule volonté doit estre tenüe pour
regle. Il est vray que la puissance Royale, & la vostre mesmement entre
tous les Rois Chrestiens, est absolüe ; mais les sages Rois ont accoustumé
de dire, & de faire paroistre par bons effets, que le moins vouloir, est plus
pouuoir, & que c’est vne. Loy digne du Prince, de se declarer lié aux
Loix. Et vn peu apres : C’est à vous, Sire, à faire obseruer vos Ordonnances,
car ce n’est rien si elles ne sont executées, n’y ayant point de difference
entre les Loix nulles, & les incertaines.

 

Seruin dans
sesplaidoyers
part. 2.

Les peuples voisins loüoient autrefois le gouuernement de
la France, parce que la puissance Royale, disoient-ils, y est
temperée par l’authorité des Parlemens, lesquels encore bien
qu’ils tirent leur pouuoir de celuy que la Royauté leur communique,
comme les astres empruntent leur lumiere de celle
du Soleil ; neantmoins on peut dire que de mesme que les astres
ont vne lumiere qui leur est propre à cause que c’est vne qualité
du Ciel ; les Parlemens aussi, & entr’-autres celuy de Paris,
a vne authorité non participée selon les Loix fondamentales
de la Monarchie ; soit parce qu’il a vn establissement aussi ancien
que celuy de la Royauté, & qu’il tient la place du Conseil
des Princes & Barons, qui de tout temps estoient prés la personne
des Rois, comme nez auec l’Estat ; soit enfin que les Souuerains
luy ayent confié comme en depost le soin & la conseruation
des Loix, ausquelles ils ont bien voulu s’assujettir eux-mesmes,
à l’exemple de Dieu, qui dans la conduite de l’Vniuers,
suiuant la pensée d’vn Pere de l’Eglise, a commandé vne
seule fois pour obeïr tousiours, comme nous le voyons ferme
& constant en l’execution de sa parole qui ne change point.
C’est pourquoy le Parlement deuant apporter le temperament
necessaire aux entreprises continuelles des Ministres & des fauoris
qui abusent de la puissance Royale, & estant le seul qui
peut & doit empescher les factions naissantes, & le bouleuersement
de l’Estat ; il est de son deuoir, & particulierement pendant
la captiuité, & le bas aage d’vn Roy qui ne fait que sortir
de minorité, de ne point souffrir qu’il s’esleue quelqu’vn
qui puisse gourmander le Royaume, & tiranniser les sujets.

L’histoire Romaine nous apprend que la puissance de ses

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Empereurs ne seroit iamais montée au comble de violence où
elle a esté, si la lascheté du Senat n’eut fortifié par sa nonchalance
& son trop de complaisance, le progrés de leur tyrannie,
Le Parlement qui est aussi ancien que la Monarchie doit prendre
garde à cela, puisqu’il n’est estably que pour cela, & qu’il
est le depositaire des Loix fondamentales de l’Estat, qui l’obligent
en sa conscience, & par le deuoir de sa charge, de renoncer
plustost à sa dignité, comme il a voulu faire autrefois, que
de souffrir que les Loix soient violées par qui que ce soit.

 

Vos mussantes,
& retractantes,
verbis
& vatũ
Carminibus
pacẽ optatis
magis, quam
defenditis ;
neque intelligitis,
mollitia
decretorũ
vobis dignitatem,
illi
metũ detrahi.
Quibus
illa placeat,
in armis sũt,
vos in metu.
Quousque
cunctando
Rempub. intutam
patiemini ?
& verbis
arma tẽtabitis ?
si
tanta torpedo
animos
oppressit, vt
obliti scelerũ
Cinnæ, quid
opus decretis ? Oratio. Philip.
in Senat.
apud Salust.

Il est vray, ie le confesse, qu’il n’appartient pas à des personnes
priuées d’examiner la conduite des Souuerains, mais pour
ceux que la necessité de leur employ engage de veiller à la
seureté des peuples, & au bon gouuernement de l’Estat, il faut
qu’ils se souuiennent qu’ils répondront deuant Dieu & deuant
les hommes de la negligence qu’ils y apportent, & que toutes
les oppressions qui s’authoriseront par leur conniuence & leur
lerance criminelle leur seront à blasme, & quelque iour imputées.

N’estant pas besoin de faire sonner si haut l’authorité d’vn
Roy Majeur auant l’aage de quatorze ans, pour soustenir qu’il
ne veut point d’autres bornes, ny d’autres loix que sa volonté,
comme il tesmoigne dans ses Edicts & ses Patentes, qui s’acheuent
& finissent tousiours par ces mots de Souuerain ; CAR TEL
EST NOSTRE PLAISIR. Nous sçauons que cette clause s’y
trouue, & que ces mots s’y lisent, mais nous n’ignorons pas
aussi, que c’est apres auoir fait vne ample deduction des causes
& des motifs qui l’ont porté à faire cette Ordonnance, & qu’il
est fait mention des Princes & des grands personnages de l’aduis
desquels il s’est seruy pour la resoudre, & la faire garder
comme vne Loy ; Outre que toutes ces clauses pompeuses, &
ces paroles remplies de faste n’ont aucune force, ny aucun effet
qu’apres que le Parlement les a verifiées & registrées. Vn grand
Magistrat de nos iours, n’a point apprehendé de dire & de
prononcer dans vne de ses doctes & genereuses Harangues de
l’an 1648. en presence de son Altesse Royale ; Que nos Rois
n’auoient retenu ces mots dans leurs Edicts ; CAR TEL EST
NOSTRE PLAISIR ; Que pour rendre leur domination plus
venerable & plus mystérieuse, & non pas pour ne point obeïr

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à la raison, & ne prendre conseil de personne. Les Remonstrances
que le Parlement a presentées à sa Majesté estant à
Sully, portent que, Henry le Grand son ayeul, estant pressé
de faire vn Edict nouueau dans le Parlement, ayant appris par
la bouche de Monsieur de Harlay premier President, que ce
qu’il desiroit contre les Loix ne pouuoit passer qu’en employant
sa puissance absoluë, ce Prince juste & clement, dit ces
paroles dignes de luy. A Dieu ne plaise que ie me serue iamais
de cette authorité Souueraine qui se destruit souuent en la
voulant establir, & à laquelle ie sçais que les peuples donnent
vn mauuais nom. Louys XI. le plus violent & le plus imperieux
de tous nos Rois, n’en fit pas moins apres auoir entendu Monsieur
le premier President de la Vacquerie, qui luy porta sa teste
auec tout le Parlement en robbe Rouge, pour luy declarer
que luy & la Compagnie aimoient mieux vne mort glorieuse,
qu’vne vie esclaue & chargée de honte, & que le deuoir de
leurs consciences leur estoit plus cher & plus precieux, que
l’obeïssance injuste & criminelle qu’il desiroit d’eux.

 

Harangue
de Monsieur
Nicolaï, premier
President
de la
Chambre des
Cõptes, dans
l’histoire du
temps, fol.
269.

Si donc les Rois les plus absolus, & les plus experimentez
dans les affaires sont obligez de prendre conseil, & de deferer
aux bons aduis qu’on leur donne dans les choses importantes ;
Sera-ce vn ignorant, vn trompeur, vn impie, vn perfide, vn
pirate, vn voleur public, vn estranger, vn criminel, & vn proscrit
comme est le Mazarin, qui aura la Sur-Intendance de l’Education
d’vn jeune Roy, & qui sera le maistre de son esprit & de ses
volontez pour l’esloigner des Princes de son Sang, & de son
lict de Iustice, & pour abuser de son nom & de son authorité
plus librement. Et parce que les Princes du Sang, & tous les
Parlemens du Royaume s’y opposent, comme ils y sont obligez
deuant Dieu & deuant les hommes, cét insolent fait escrire
qu’ils sont des rebelles & des seditieux, ne sçachant pas ce que
c’est d’aimer vn Roy, & de conseruer vn grand Estat qu’il prostituë
à sa haine & à son ambition ; & qu’vne des lumieres de
l’Eglise plus esclatante & plus croyable que luy a dit en semblable
rencontre, qu’on peut legitimement s’opposer aux entreprises
& aux desseins des Tirans, quand ils sont cruels & temeraires,
sans que cét obstacle & cette resistance puisse estre
qualifiée du nom de sedition, mais le remede d’icelle ; Illis nomen

-- 150 --

factionis accommodandum est, qui in odium bonorum & proborum
conspirant, & cum boni, cum pij congregantur, non est factio dicenda,
sed cura ; Saluste ayant dit long-temps auparauant, que ; Maiestatis
erat populi Romani prohibere iniuriam, neque pati cuiusquam
Regnum per scelus crescere. Et Cesar haranguant dans le Senat
luy disoit ; Hoc vobis prouidendum est, patres conscripti, ne plus apud
vos valeat P. Lentuli, & cæterorum scelus, quam vestra dignitas.

 

Nam impunè
quælibet
facere, id est
Regem esse.
Salust. de
bello Iugurt.

Tertul. in
Apologet.
cap. 39.

Salust. de
bello Iugur.

Salust. de
coniurat.
Catil.

C’est pourquoy on peut dire des Assemblées, & des resolutions
necessaires qui se font à Paris, ce que le Roy Theodoric
disoit de celles de Rome ; que cette Capitale n’estoit pas capable
de faire aucune sedition, ny de rien entreprendre contre la
gloire & la grandeur de sa reputation ; mais bien d’empescher
que des Estrangers mal instruits & mal affectionnez, & des Ministres
infidelles & mal intentionnez fissent aucun preiudice
aux Lois fondamentales de l’Estat, en desrogeant à leur ancienne
liberté ; c’est vn Chancelier non suspect & sans reproche
qui luy donne cet Eloge en ces termes ; Vrbis Romanæ celebris
opinio, suo conseruanda est nihilo minus instituto ; nec vitia peregrina
capit, quæ semper se de morum probitate iactauit ; leuitatem quippe
seditionum, & ambire propriæ ciuitatis incendium, non est velle Romanum.

Cassiod. variar.
lib. 4.
epist. 43.

Vn sçauant Politique de nos jours dans son traité ; De Iure
Magistratus in subditos, sur la question qu’il fait ; an subditi cum
principibus possint pacisci ; il prouue & conclut que les sujets ne
font aucune iniure au Roy, & qu’ils ne peuuent estre accusez
de rebellion quand ils s’opposent hautement aux choses qui
vont à la ruine de l’Estat ; Assero nullam Principi iniuriam fieri, si
ad officium compellatur, & vbi nullus amplius rationi locus super est,
vlterius etiam aduersus eum fiat progressus. A plus forte raison quand
ils ont droit & pouuoir de ce faire, comme les Princes du sang,
& le Parlement qui sont les tuteurs naturels du Roy, les conseruateurs
de la Couronne, les protecteurs de l’Estat, les peres
du peuple, & les seuls qui sont responsables de l’obseruation &
de l’execution des Loix fondamentales & politiques du
Royaume. Machiauelle qui est plus intelligent, & moins meschant
mille fois que son compatriot, enseigne, Qu’il n’y a rien
de plus necessaire en vn Royaume que de renouueller les Loix anciennes,
& les ramener vers leur principe, pour luy rendre la reputation qu’il

-- 151 --

auoit au commencement de sa fondation, & s’estudier à ce qu’il ait bonnes
Ordonnances, & gens de bien qui les fassent obseruer, comme fait
ce grand Senat qui s’est tousiours opposé aux nouueautez, &
sacrifié ses biens, sa vie, & sa liberté pour empescher la ruine &
le violement des Loix anciennes de la Monarchie Françoise.

 

Capite 9.

Machiau. en
ses disc. liu.
3. chap. I.

Ces resistances, & ces sortes de desobeïssances qui ne viennent
que d’vn excez d’amour & de fidelité, ont tousiours esté
si cheries & si bien receuës des Princes & des Souuerains qui
en ont connû le zele & le motif, que non seulement ils en reueroient
les Autheurs, mais vouloient encore que le peuple en
fit autant à leur imitation, tesmoin l’Empereur Charles-Quint,
qui entr’-autres parties excellentes qui l’ont rendu si recommandable,
auoit celle-cy de particuliere, de procurer en tous
rencontres que ses Magistrats fussent reuerés & obeïs, portant
ses sujets à ce deuoir par son exemple, & les respectant luy-mesme,
& deferant à leurs bons conseils & bons aduis. Trajan
connut tres-bien l’auantage de cette façon d’agir, Pline le jeune
son Panegiriste remarquant, que luy seul entre tous les Empereurs
sceut faire paroistre sa grandeur & son authorité, sans
diminution de celle du Senat, luy donnant toute telle authorité
en sa presence qu’en son absence ; encore que le propre des
moindres estoiles soit de ne paroistre pas, mais de perdre & cacher
leur lumiere à la veuë & au rencontre des plus esclatantes ;
Hæc natura sideribus, vt parua & exilia, validiorum exortus obscuret,
similiter Imperatoris aduentu legatorem dignitas inumbratur ; tu
tamen maior omnibus quidem eras, sed sine diminutione maior, eandem
authoritatem presente ie quisque quam absente retinebat, quin etiam plerisque
ex eo reuerentia accesserat quod tu quoque illos reuerebare.

Marquez,
homme d’Estat
Chrestien,
liu I.
chap. 18. sur
la fin.

Plin. in Paneg
Trajan.

Les Empereurs Theodose & Valentinian se sont rendus venerables
dans la Iustice, & l’affection des peuples, declarans
par vn Edict particulier que c’est vne chose digne d’vn Roy, &
qu’il n’y auoit rien de si glorieux à vn Souuerain, que de se
sousmettre aux Loix & aux Ordonnances de son Empire, puis
qu’il n’a ny puissance ny authorité que des Loix ; Digna vox est
Maiestate Regnantis, legibus alligatum se principem profiteri ; adeo de
authoritate iuris nostra pendet authoritas, & reuera Maius Imperio est,
submittere legibus principatum.

Cod. de legib.
& constit.
princip.
leg. digna
vox.

Theopompe Roy de Lacedemone, ayant accrû la puissance

-- 152 --

du Senat & fait eriger cinq Ephores en titre d’Offices, comme
Tribuns populaires, sa femme luy reprocha qu’il auoit beaucoup
diminué sa puissance ; aussi, dit il, ie l’ay bien plus assurée
pour l’aduenir, car il est bien difficile qu’vn-bastiment esleué
trop haut ne se ruine bien-tost.

 

C’est pourquoy le plus excellent de nos Politiques rapportant
cette histoire, & soustenant cette verité, dit, Qu’il n’y a
chose qui ait plus destruit de Republiques, que de despouiller le Senat &
les Magistrats de leur puissance ordinaire & legitime, pour attribuër tout
à ceux qui ont la Souueraineté : car d’autant que la puissance Souueraine
est moindre, d’autant elle est plus asseurée, estant tres-certain que l’Estat
ne peut faillir de prosperer, quand le Souuerain retient les poincts qui concernent
sa Maiesté, que le Senat garde son authorité, que les Magistrats
exercent leur puissance, & que la iustice a son cours ordinaire, autrement
si ceux-là qui ont la Souueraineté veulent entreprendre sur la charge du
Senat & des Magistrats, ils sont en danger de perdre la leur. Et ceux-là
s’abusent bien qui pensent rehausser la puissance du Souuerain, quand ils
luy montrent ses griffes, & qu’ils luy font entendre que son vouloir, sa
mine, son regard, doit estre comme vn Edict, vn Arrest, vne Loy, afin
qu’il n’y ait personne des suiets qui entreprenne aucune connoissance qui
ne soit par luy renuersée, ou changée ; comme faisoit le Tyran Caligula,
qui ne vouloit pas mesme que les Iurisconsultes donnassent leur aduis,
quand il dit ; faciam vt nihil respondeant, nisi, Eccum, id est,
æquum.

Bodin, de la
Repub. l. 4.
chap. 6.

Suetonius
in Caligula.

Claude Seyssel Euesque de Marseille, & Ambassadeur à Rome
pour le Roy Louïs XII. & François I. son Successeur, dans
son Traité de la grande Monarchie de France qu’il presente à
ce dernier, auec protestation dans son Epistre Liminaire, qui
est le prologue au Lecteur, qu’il n’escrit rien qu’il ne puisse prouuer
par raison politique, par authoritez approuuées, & par exemples d’histoire
authentique ; dit en la premiere partie de ce Liure approuué &
recherché, que les Parlemens de France ont esté principalement instituez
à cette fin de refrener la puissance absolue dont voudroient vser les
Roys. Et au Chapitre suiuant, apres auoir montré que l’authorité
& puissance du Roy est reglée & refrenée en France par
trois freins, qui sont la Religion, la iustice & la Police ; parlant
du dernier il dit, que le tiers frein qu’ont nos Roys est celuy de la Police,
c’est à sçauoir de plusieurs Ordonnances qui ont esté faites par les Rois

-- 153 --

mesmes, & puis apres confirmées & approuuées de temps en temps, lesquelles
tendent à la conseruation du Royaume en general & en particulier,
& ont esté gardées par tel & si long-temps que les Princes n’entreprennent
point d’y deroger, & quand ils le voudroient faire, l’on n’obeyt pas à leur
commandement. Adioustant au Chapitre 12. qui suit, qu’il y a plusieurs
autres Loix & Ordonnances concernans le bien public du Royaume,
qui sont en obseruance, dont ie ne veux parler pour éuiter prolixité, &
m’est assez d’auoir declaré les trois freins susdits, & restreintifs de la
puissance absoluë des Roys, laquelle n’en est moindre pour cela, mais d’autant
plus digne, qu’elle est mieux reglée ; Et si elle estoit plus ample &
plus absoluë, elle en seroit pire & plus imparfaite, tout ainsi que la puissance
de Dieu n’est point iugée moindre, d’autant qu’il ne peut pecher ny
mal faire, mais est d’autant plus parfaite, & sont les Roys d’autant plus
à louër & priser de ce qu’ils veulent en si grande authorité & puissance,
estre suiets à leurs propres Loix, & viure selon icelles, que s’ils pouuoient
à leur volonté vser de puissance absolue, & si fait cette leur bonté & tolerance,
que leur authorité Monarchique estant reglée par les moyens que
dessus, participe aucunement de l’Aristocratique, qui la rend plus parfaite,
& plus accomplie, & encore plus ferme, & perdurable.

 

Seyssel de la
Monarchie
de France,
part. I. chap.

Cét Autheur celebre qui estoit Euesque, & depuis Archeuesque
sans reproche, Ambassadeur sous deux Rois, & leur
Ministre principal, suffiroit seul pour conuaincre d’erreur vn
escriuain anonime, qui cache son nom aussi bien que la verité,
& qui croit deuoir estre moins blasmé, pour estre moins connu.
Neantmoins pour luy monstrer que les plus gens de bien ;
& que les plus considerez de nostre France ne sont point de
son aduis, & le condamnent en toutes ses maximes tres-fausses
& tres-corrompuës ; Monsieur le President de Thou, dans
l’Epistre qu’il escrit au Roy touchant le sujet de son Histoire,
l’exhortant à la Iustice, il luy dit sur la fin ; Rendez l’authorité aux
Loix & à vos Parlemens, tenant pour certain que les Villes & citez
n’ont ame, vie, & mouuement que Par les Loix, & ne peuuent non plus
que nos corps qui n’auroient point d’ames, vser de leurs membres, de
leurs forces & de leur sang, si elles n’obeissent aux Loix ; Or les Iuges &
les Magistrats sont les Ministres & les interpretes des Loix, desquelles
enfin nous deuons tous estre serfs, pour pouuoir estre tous libres.

Monsieur le
President de
Thou.

Vincentius Lupanus, en son Traitté des Officiers & Magistrats
de France, parlant du Pouuoir & de l’authorité du Parlement

-- 154 --

dit, que ; Parlamenti tanta est apud Francos authorit as, vt
propè Senatus Romani speciem habeat, Regesque bellum suscepturi authorem
fieri curiam velint, & in eius acta referri omnia ad Rempublicam
pertinentia ; Apud quam Edicta recitantur, quorum nulla ratio
prius habetur quam in supremo illo consessu promulgata sint.

 

Lupan. de
Magist. &
præf. Franc.
lib. 2. cap. de
Parlement.

Antoine Matarel Procureur General de la Reine, escriuant
contre François Hotman, & l’accusant de ce qu’il abaisse trop
dans sa Franco-Gallie, l’authorité Souueraine de nos Rois, en
luy despeignant quelle elle est, & comme elle s’exerce sur les
sujets, dit ; Dicam tamen quod ipse Hotomanus de industria prætermisit,
Reges nostros non omnia ex arbitrio facere ; Adjoûtant au fueillet
suiuant que ; Senatus quod Parlamentum vocant, est quid tertium
& arbitrum inter Principem & populum.

Matarel. in
Hotoma.
Franco-gal.
cap. 10.

Le docte Blacvod Conseiller au Presidial de Poictiers, & si
zelé pour la Royauté, dans son Apologie pour les Rois dit,
que ; Galliæ Reges, ne quid auarè, ne superbè, ne quid Tyrannicè committerent,
si quid grauioris momenti Edicto indigeret, eius authorem ac
fundum fieri Parisiensem senatum voluerunt ; Neque satis esse duxerunt
aulicorum procerum suffragio rem probari, nisi in Augusto illo Tribunali
promulgaretur. Cui non modo supplendæ legis aut corrigendæ, sed &
rejiciendæ potestatem contulerunt, si quid Reipublicæ damno, sancitum
esse videretur. Qua re Majestatem suam augustiorem fore temperamento
supremæ ditionis, ne dum ex ea quidquam derogatum iri iudicabant.

Blacvodeus
in Apolog.
pro Regibus,
cap. 35.

Tous ces liures, & vne infinité d’autres de cette nature, sont
imprimez auec Eloges, & dédiez à nos Rois mesmes, auec
noms d’Autheurs & d’Imprimeurs, auec Approbation & priuilege
au grand Seau ; Ce qui ne se trouuera pas dans la satire,
& le libelle diffamatoire que nous refutons.

Et puis que le peuple n’a point d’autre Mediateur, ny d’autre
protecteur que le Parlement, il est bien iuste qu’il prenne
connoissance de ses interests, & de ceux de l’Estat puis qu’il le
compose, afin de retarder les ruines & les miseres qui l’accablent,
quand il ne peut les destourner, ny les empescher entierement.
C’est le langage que Monsieur le premier President
de cét Auguste Senat tient à la Reine Regente pour lors, dans
la Harangue qu’il luy fit au mois de Iuin 1648. faisant entendre
à sa Majesté parmy sa Politique, que ; Les Magistrats estoient
les Mediateurs entre les volontez des Princes, & les supplications des

-- 155 --

peuples, ou comme vne barriere entre cette authorité independante, &
cette extreme foiblesse, &c. Ceux qui ont escrit de la Republique
des Laconiens, remarquent que Licurgue en dressant leurs
Loix ; Exorsus est ab ipso capite bene temperando, id est, potestate Regum
moderanda & temperanda, & que pour cét effet ; Senatum Regibus
apposuit vt medius esset inter Regem & populum, & vtrosque citra
limites officii retineret.

 

Histoire du
temps, page
236. in 8.

Emmius de
republ. Laconum.

Apres cela, voyez Panegiriste Mazarin, & fauteur de la
Tyrannie, auec quel front & quelle audace, vous osez iniurier
& blasmer ce College des Dieux, & soustenir comme vous faites
dans tout vostre auorton de liure, & particulierement en
la page 36. 47. & 48. qui est la derniere, qu’vn Illustre Cardinal
n’est pas condamné par le Roy, mais par vn simple Parlement, & par
vne sentence renduë contre l’ordre, sans cause, sans forme, & sans pouuoir ;
Ce qui fait que l’Arrest a si peu de force, & qu’il paroist plustost
vne vengeance d’ennemis irritez, que la resolution d’vn Senat constant,
sage, magnanime, & inesbranlable dans l’amour de la Iustice ; Vt magis
iratorum hominum studium, quam constantis Senatus consilium
esse videatur.

Deus sterit
in Synagega
Deorum ;
Ego dixi,
dij estis, ps.
81. vers. I.
& 6.

Cicer. lib. I.
epist. 7. ad
Lentulum.

Vous auez appellé au commencement de vostre escrit ce
mesme Parlement, Grand Senat, la Cour des Pairs, le lict de Iustice
de nos Rois ; Et puis vous oubliant de vos premiers Eloges, &
vous abandonnant à vostre passion desreglée, vous finissez par
vn mespris criminel, en l’appellant simple Parlement, comme s’il
yen auoit vn plus releué dans le Royaume, & vn Tribunal plus
Auguste, plus Souuerain, & plus remply de majesté. D’adjoûter
que le Mazarin n’est point condamné par le Roy, apres tant
de Declarations, & tant d’Arrests fulminez contre luy, vous
faites injure à sa Maiesté, vous renuersez son lict de Iustice,
vous destruisez son authorité, vous ruinez ses ordonnances, &
vous monstrez que le salut de vostre Illustre Mazarin vous est
plus precieux que celuy d’vn grand Empire, & du Monarque
qui le possede. Il est permis d’aimer, mais il faut que ce soit
auec iustice & raison, les Payens mesmes bornent cette passion
par les Loix de la conscience ; Vsque ad aras. Puis que vous estes
payé pour mentir, vous pouuiez pallier les crimes de vostre
bien-faicteur, sans en charger ses Iuges, & sans les mespriser
pour l’auoir si iuridiquement condamné ; Et pendant que vous

-- 156 --

traittez d’Illustre, & de Sang Royal Vn petit Bourgeois proscrit
& criminel, vous dittes que l’Arrest donné contre luy toutes
les Chambres si souuent assemblées, en presence de son Altesse
Royale, & des Ducs & Pairs, n’est pas la resolution d’vn Senat constant,
sage, magnanime, & inesbranlable dans l’amour de la Iustice.
Et parce que le Mazarin s’en est porté pour appellant par deuant
vous, vous luy donnez le nom de Sentence, Comme si vous
auiez pouuoir de le reformer, & d’absoudre vn homme qui est
encore plus meschant que vous. C’est en venir trop auant, Aduocat
de causes perduës ; vostre zele est bien feruent pour vn
homme qui n’est plus aimé que de vous, supposé que son argent
ne le soit pas encore dauantage. prenez garde à vous, Dieu
qui ne laisse rien d’impuny fera tres-assurément que vous serez
vn iour griefuement chastié, pour auoir deffendu vn Tyran
auec tant de chaleur contre les Princes, & les Senateurs
sans reproche qui l’ont si iustement, & si religieusement condamné.

 

Quand le Roy Prusias vint pour salüer les Senateurs Romains,
& qu’il les traitta de Dieux Sauueurs ; Deos Saluatores, il
voulut tesmoigner par là qu’il sçauoit mieux que vous l’honneur
& le respect que l’on doit à ces graues Magistrats qui representent
Dieu par la Iustice, & le Roy en la rendant sous son
nom, & son authorité.

Tite-Liue.

Vn Italien plus intelligent dans les affaires d’Estat que vous,
ny vostre Mazarin, n’ayant pû celer l’estime qu’il fait du Parlement
que vous abaissez si fort, & voulant tesmoigner aux
siecles à venir combien il est necessaire au Roy, & à son Estat,
en parle ainsi dans trois endroits de ses escrits plus solides, &
moins pernicieux que les vostres.

Entre les Royaumes que nous voyons auiourd’huy (Voicy ses propres
termes en François) celuy de France est vn des mieux ordonnez & policez,
dans lequel se trouuent plusieurs bonnes Loix & constitutions, dont
la liberté & assurance du Roy dependent ; La premiere desquelles est le
Parlement, & l’authorité qu’on luy a donnée ; d’autant que les anciens
Fondateurs de ce Royaume, connoissans l’ambition & l’insolence de la
Noblesse, laquelle pour cette cause seule sembloit auoir besoin de quelque
bride qui la refrenat, & voyans de l’autre part, la haine du vulgaire contre
les Nobles, procedant d’vne crainte qu’il a naturellement d’eux, dequoy

-- 157 --

quoy voulans descharger les petits, & n’en donner la peine au Roy pour
l’exempter de la mal-veillance que les grands luy eussent portée soustenant
la populace, & semblablement du peuple, s’il eut fauorisé les grands ;
aduiserent d’establir vn jugement tiers & neutre lequel sans la charge &
blasme du Roy reprimeroit les puissans, & tiendroit la main aux petits,
& ne pouuoit-on trouuer vn remede meilleur & plus expedient pour
maintenir la tranquillité du Roy, & du Royaume.

 

Machiau. en
son Prince.
chap. 19.

Il adioûte dans ses discours politiques sur Tite-Liue, que la
France est vn Royaume qui vit sous les Loix & Ordonnances plus que
nul autre, desquelles les parlemens sont gardiens & entreteneurs, mesmement
celuy de Paris, lesquelles sont renouuellées par luy toutes les fois
qu’il fait vne execution contre vn Prince du Royaume, & qu’il condamne
le Roy en ses Arrests ; & iusques à present il s’est maintenu pour auoir esté
executeur obstiné contre cette Noblesse, & la premiere fois qu’il laissera
quelque impunité, & qu’elles viendront à se multiplier, il auiendra sans
doute, où qu’il les faudra corriger auec vn grand desordre, ou que ce Royaume
viendra à se resoudre. Qui est vn bel aduertissement contre ces
Fauoris qui pour contenter leur ambition, & assouuir leur auarice,
violent toutes sortes de Loix, mesprisent les Ordonnãces,
persecutent les Compagnies Souueraines, proscriuent les gens
de bien, & accablent le peuple de miseres qui ne se peuuent &
doiuent souffrir, non plus que formente ny dissimuler.

Machiau. en
ses disc. liu.
3. chap. 1.

Ce mesme Florentin qui s’est monstré l’admirateur, & non
pas le contempteur des Parlemens, a posé pour fondement ailleurs,
qu’on ne vit en repos & seureté au Royaume de France, sinon au
moyen des Loix qui y sont, lesquelles les Rois sont tenus de garder, &
gardent sainctement.

Machiau. en
ses disc. liu.
1. chap. 16.

Vn grand Aduocat general de France qui ne pouuoit ignorer
le pouuoir de son Seigneur, ny l’vtilité & la maiesté de cét
Auguste Senat, dit, que nos Rois doiuent trois & quatre fois plus au
Parlement de Paris, qu’à tous les autres ordres Politiques, & toutes &
quantes fois que par opinions courtisanes ils se des-vniront des sages conseils
& remonstrances de ce grand Corps, autant de fois perdront-ils beaucoup
du fond & estoc ancien de leurs Maiestez, estans leur fortune liée
auec cette Compagnie.

Pasquier, recherche
de la
France, liu.
3. chap. 16.
sur la fin.

L’vne des plus belles lumieres du Palais, tesmoignant la connoissance
qu’il auoit de la grandeur & de la necessité de ce
corps Illustre & Venerable, dit que le Parlement est sans doute le plus

-- 158 --

fort lien qui soit pour maintenir la Souueraineté, & faut confesser que c’est
luy qui nous a sauuez en France d’estre cantonnez & demembrez, comme
en Italie & en Allemagne, & qui a maintenu le Royaume en son entier.

 

L’oyseau des
Seigneuries,
chap. 5. nu.
60. 61.

C’est assez de ces trois Autheurs celebres, approuuez de tous
les sçauans, & suiuis de tous ceux qui aiment la verité, pour
monstrer le tort qu’a nostre Mazarin sans nom, de l’auilir &
de l’abaisser comme il fait, pour flatter vn infame, & dementir
tant de gens de bien. Si la vertu n’auoit ses ennemis, elle en
seroit moins parfaite ; les rochers sont heurtez des flots & des
tempestes sans changer d’assiette ny de place pour cela, & les
Astres ne sont que plus fermes & plus brillans, parmy les tonnerres
& les broüillards qui les offusquent. Ce n’est pas d’aujourd’huy
que cette Compagnie inesbranlable soustient les
chocqs & les attaques de ses ialoux & de ses mal-veillans Et ce
qui est d’inconceuable & de miraculeux dans sa conduite &
son gouuernement est, que les Rois, les Princes, & tous les plus
puissans qui ont voulu luy donner atteinte, sont ceux-là mesme
qui la recherchent, & qui s’en seruent comme d’vn temple
& d’vn azile quand ils se trouuent en peine, & qu’il faut trouuer
du soulagement. C’est ce que nostre Histoire remarque en
cent endroits de ses Liures, & de ses narrations ; comme nous
ferons voir dans l’autre partie de ce traitté necessaire.

Nous voyons le comble de la malice, & le surcroit de la rage
& du desespoir prochain de l’Aduocat Mazarin, quand sur la
fin de son plaidoyer, addressant sa parole aux Euesques de
France, il les inuite & les exhorte aux desordres & à la sedition.
Et pour les y porter plus facilement, il dit en là page 47.
& 48. que les Prelats, les Prestres, & tous les Ministres de la parole de
Dieu demeurent muets, froids, & in sensibles, dans vn mal si deplorable ;
Que si les Euesques, ces heritiers Augustes des Apostres, ne sont point touchez,
ce qu’a Dieu ne plaise, du malheur public, & du dechet de l’authorité
Royale qui leur a tousiours esté si chere & si precieuse, &c. Au moins
qu’ils se laissent toucher à leur propre honneur & à l’excellence de leur
propre caractere, qu’on profane & blesse mortellement en la personne d’vn
cardinal de l’Eglise de Rome. L’Arrest d’vn simple Parlement, contre la
personne d’vn Illustre Cardinal, ne sera point capable a’allumer le zele
& l’indignation sainte des Euesques de ce temps ? Et ne comprennent-ils
pas, ne voyent-ils pas qu’ils sont proscrits en quelque sorte auec ce Prelat,

-- 159 --

& exposez auec luy à l’impieté, & à la cruauté des ames les plus desesperées ?
Que tous les cousteaux qui pendent sur la teste du Cardinal, pendent
sur leur teste, & que la licence de le tuer est vne porte ouuerte à la licence
& à l’impunité des assassinats les plus abominables ? Qu’ils pensent donc
serieusement à se ressentir de l’outrage fait à la saincteté de leur Ordre auguste
& inuiolable, à soustenir la cause de leur dignité sacrée & Apostotique,
à proteger courageusement vn accusé, &c.

 

Il ne faut point de Rethorique pour prouuer que ce discours
est tres-criminel, puis qu’il est tres seditieux, & la priere injuste
& inciuile qu’on fait aux Euesques de proteger vn proscrit &
vn coupable condamné, fait bien voir qu’on les prend pour des
fauteurs de crimes de leze Majesté, & des gens qui ayment l’injustice
& l’impunité. Ce ne sont point les Iuges qui punissent
les Ecclesiastiques, qui font deshonneur à la robbe, ce sont
ceux qui faillent & qui se rendent indignes de leur ordre & de
leur caractere qu’il faut charger de ce blasme, autrement Dieu
seroit sujet à la calomnie de cet illustre Panegiriste, parce qu’il
y a des Papes, des Cardinaux, des Euesques, des Abbez, des
Prestres & des Moines dans les enfers. Que vostre Mazarin soit
homme de bien, & tres-asseurément on ne luy fera point son
procez. A vous entendre, il semble que vous vouliez poser en
fait, que pour estre Euesque ou Cardinal, on ne peut plus estre
accusé ny repris de iustice, quelques desordres & quelques
abominations que l’on pourroit commettre ; c’est inuiter tous
les voleurs, tous les meurtriers, & tous les plus detestables de
se faire Prestres, afin qu’en reuerant leur qualité, on ne punisse
point leur crime.

La Iustice est pour tout le monde, & les peines pour toute
sorte de meschans, fussent-ils Papes, Cardinaux, Euesques,
Abbez, Moynes, voire mesme Mazarins, & faut que vous
soyez bien malade vous & vostre client, d’implorer de si petits
Saincts, qui n’oseroient auoir entrepris d’excommunier le
moindre Officier du Royaume, comme vous leur conseillez, &
taschez de leur persuader contre leur pouuoir, & l’vsage de
la France.

L’Eglise ne preste point ses foudres pour proteger les meschãs,
& sauuer les criminels. Et si quelque Euesque de ceux que vous
exhortez estoit assez simple ou assez Mazarin pour l’entreprendre

-- 160 --

afin de vous contenter en cela, nous auons les remedes tout
presens dans nos Libertez de l’Eglise Gallicane, dans nos appels
comme d’abus, & dans nos Parlemens qui sçauent reprimer &
chastier comme perturbateurs du repos public ceux qui s’oublient
& qui sont temeraires comme vous. S’ils ayment leur
honneur, & s’ils font leur deuoir, ils desaduouëront vostre Mazarin,
comme ils firent dans leurs remonstrances au Roy & à la
Reyne Regente, touchant l’emprisonnement de Monsieur le
Prince de Conty ; ils le retrancheront de leur Corps comme vn
membre pourry, & vne Brebis galeuse, suiuant le precepte
Euangelique, & s’il ne vint à resipiscence, fulmineront leurs
anathemes plus iustement que vous ne leur conseillez, contre
cet ennemy des peuples, ce perturbateur du repos public, cet
opprobre de l’Eglise, & ce receptacle de tous les crimes dont
vn maudit de Dieu peut estre remply & composé.

 

Vous auriez bien meilleur grace d’implorer les prieres de ces
Euesques pour la conuersion de vostre pecheur endurcy, &
pour le soulagement du pauure peuple qu’il opprime depuis
tant de temps, que de les exhorter à la sedition, & à se ranger
du costé des coupables, pour lancer leurs excommunications
sur les Iuges qui le condamnent, & sur les gens de bien qu’il afflige
auec tant de Tyrannie. Il faut que vous soyez, ou bien foible,
ou bien deuot, puis que vous n’appellez plus à vostre ayde,
que des Prelats qui ne vous sçauroient assister que de leurs vœux
& de leurs prieres pour vous accorder ce qu’ils doiuent, & vous
donner ce dont vous auez besoin. Ie les en coniure auec vous,
& de les redoubler par tous leurs Dioceses, pour la santé &
prosperité de sa Maiesté, pour le repos & la tranquillité de son
Estat, & pour l’extirpation des esprits malins & corrompus, qui
obsedent & qui ternissent l’innocence & la vertu de nostre jeune
Monarque.

Pyrrhus cum Copiis Italia excedito, vbi excesserit de pace
si volet agito, ni excesserit, arma, & viros, & aciem
expectato. Dionis. Halicar. lib. 8. Et Plutarque
en la vie de Pyrrhus.

FIN.

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Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.