Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.
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Si le conseil qu’on appelle d’Enhaut peut casser l’Arrest
du Parlement donné contre le Mazarin.

Pour appuyer l’Arrest que le Mazarin a fait donner au
Conseil d’Enhaut tenu à Poictiers le 18. Ianvier 1652.
Pour casser celuy du Parlement, du 29. Decembre 1651.
l’autheur des Sentimens que nous improuuons, dit en la page
26. de son escrit, que les Arrests qui proscriuent le Mazarin portent
que ce n’est qu’en consequence de la volonté du Roy, qui est tesmoigner
qu’ils n’ont de force que ce qu’il plaist à sa Maiesté leur en donner ;
& que le Souuerain changeant de resolution & de volonté, ceux qui
n’ont agy que pour luy obeïr, doiuent aussi changer en mesme temps que
luy, &c.

Ce Sophisme est puerile & ridicule, & Messieurs les Gens du
Roy qui sont plus croyables & plus intelligens mille fois que ces
petits chicaneurs, ont si solidement & si puissamment fait connoistre
ce que c’est que de la volonté du Roy en ce rencontre,
que ce seroit plustost affoiblir leur resonnement que le fortifier,
voulant adiouster d’autres raisons que celles que nous venons
de tirer de leurs conclusions, & de leurs remonstrances imprimées
& publiées par ordre de la Cour.

Ce n’est pas d’auiourd’huy que le Mazarin tasche d’establir le
pyrrhonisme en France, aussi bien que l’infidelité, & qu’il enseigne
à tous ses Sectateurs, & au jeune Roy qu’il obsede & qu’il

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corrompt ; qu’il ne faut pas qu’vn Prince, & vn Ministre d’Estat
soient tellement esclaues de leurs paroles, qu’ils ne s’en
puissent desdire & les reuoquer honteusement, quand le mensonge
leur est plus vtile & plus auantageux que la verité ; qui
est vouloir anneantir & violer les liens de la Societé humaine, &
tout ce qu’il y a de saint & de sacré parmy les hommes. Les Souuerains
que nous reuerons comme les images de Dieu en terre,
n’ont rien qui les approche de plus prés de cette ressemblance
glorieuse, que le credit & la fermeté de leurs paroles quand ils
en vsent comme ils doiuent ; & comme ils y sont obligés ; Et tout
ainsi que le Tout-puissant a fait les hommes & tout le monde
par sa seule parole, il faut aussi que ses Lieutenans visibles les
gouuernent par la leur, & qu’ils en soient aussi ialoux que celuy
qui leur apprend, que le ciel & la terre periront & changeront
vn iour, mais que sa parole sera eternelle, & tousiours veritable.

 

Fides dictis,
promissisque
nulla, nisi
quatenus
expediat ;
Tacit. Annal.
l. 12. c. 2.

Cœlum &
terra transibunt,
verba
autem mea
non præteribunt.
S.
Math. c. 24.
vers. 35.

Examinons maintenant si le Conseil d’Enhaut peut casser
l’Arrest du Parlement dont on se plaint, s’il a la moindre marque
d’authorité qui puisse donner quelque couleur à cette haute
entreprise, & si trois ou quatre particuliers qui le composent,
& qui n’y ont autre entrée, autre seance, autre suffrage, autre
pouuoir, autre prouision, autre examen, ny autre droit d’y demeurer,
que l’adueu & le consentement du Mazarin qui est
l’obiet de leur politique, & le fond de leur iurisprudence, peuuent
donner atteinte & renuerser, comme ils s’imaginent, des
Declarations verifiées, & des Arrests Souuerains donnez en
connoissance de cause, & sur les conclusions vniformes par tout
de Messieurs les Gens du Roy.

Qui estoit Procureur general ou particulier, dans ce pretendu
Conseil d’Enhaut, pour requerir ou empescher l’execution
de cét Arrest & de cette Declaration verifiée, & depuis peu
contestée ? quel desordre, & quel desreglement dans l’Estat, si
trois ou quatre particuliers empruntez & corrompus, pouuoient
de leur authorité priuée casser & renuerser sans partie,
sans Officiers, & sans connoissance de cause, ce que les Iuges
vniques & Souuerains de cette Monarchie en cét endroit, ont
decidé & ordonné apres cent assemblées considerables, & autant
de deliberations importantes qui ne produisent que des
Loix & des Oracles irreuocables. Par tout où la Tyrannie n’est

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point reconnuë, la foy publique, & les Ordonnances generales
& receuës, ont tousiours preualu aux infidelitez & aux parjures
des particuliers ; & toute la France sçait & confesse, que
ce qui est vne fois iugé Souuerainement ne peut plus se reuoquer,
& particulierement lors que les mesmes causes subsistent
& demeurent en leur entier ; autrement quelle asseurance dans
les familles, quel ordre dans la Police, quelle seureté dans les
biens & dans la vie des hommes, & quelle marque certaine de
la volonté du Souuerain, & de l’authorité de ceux qui le representent ?
A quoy bon tant de verifications, tant de grands
seaux, tant de patentes, tant de signatures du Roy, tant de
Secretaires d’Estat, & tant de Greffiers de Parlemens ? Si toutes
les Iustices du monde ne peuuent pas oster la force qui se
trouue dans vn contract passé en bonne forme par vn simple
Notaire & deuant deux tesmoins de neant ; où sera celle qui
cassera & reuoquera sans ordre & sans raison celuy que le Souuerain
fait solemnellement auec son Estat, qu’il signe auec le
Secretaire de ses commandemens, que son Parlement enregistre
& confirme, & duquel tous ses sujets sont tesmoins irreprochables.

 

Cela estant, qui peut s’imaginer que ce grand Senat ordinaire
& reglé puisse estre reformé par ce pretendu Conseil, & que
des gens qui ne font aucun corps dans l’Estat, & qui se sont formez
eux-mesmes par la corruption du siecle, ayent le pouuoir
de casser ses Arrests ? Il n’y a pas vn François qui ne scache que
le Conseil n’a aucun caractere public, & qu’il y a tres-peu de
temps que le Roy donne des lettres à ceux qui le composent au
lieu des simples breuets qu’ils auoient auparauant. Toutes nos
Ordonnances attestent, & sa façon d’agir nous fait assez connoistre
qu’il n’a aucun territoire, ny aucune iurisdiction contentieuse.
Tellement que c’est plustost vne marque de son entreprise,
qu’vn effet de sa Iustice de casser cét Arrest, puis qu’il
n’a aucun droit n’y aucun pouuoir de ce faire, & qu’il veut par là
que la propre ruine de l’authorité de sa Maiesté, soit vne preuue
de la sienne particuliere, contre toute sorte de iustice & de
raison.

Quelqu’vn dira peut-estre, comme remarque l’excellent autheur
des maximes veritables du gouuernement de la France,

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que le Roy estant present à la deliberation, & que cela se faisant
dans le Conseil d’Enhaut, il n’y a point d’authorité au dessus
de la sienne.

 

Premierement, respond ce rare esprit, ce Conseil d’Enhaut
est vn mot nouueau, que les derniers Ministres ont inuenté
pour appuyer leur Tyrannie. Il n’y a pas dix ans qu’il estoit dans
l’idée, c’est vne inuention de la derniere Regence, on ne sçauoit
auparauant que c’estoit que ce Conseil emprunté, l’estranger
qui la baptisé de ce nom superbe, a voulu corrompre la façon
de parler de nos Peres, aussi bien que leurs mœurs & leur
discipline.

Et quoy qu’on en puisse dire, soit que le Roy se trouue en ce
Conseil, soit qu’il n’y soit pas present, il est certain neantmoins
qu’il n’y assiste pas pour y destruire les Loix de son Royaume,
puisque sa Souueraineté consiste particulierement à les
maintenir & obseruer ; c’est son serment, c’est le premier acte
de sa Royauté, c’est l’action la plus considerable de son Sacre, &
le contract le plus solemnel qu’il face auec son peuple, quia retinenda
sapienter reperta, & semper placita ; Ce qui a fait dire à vn de
nos plus sçauans François, que comme il n’y a que Dieu qui soit
Tout puissant, & que la puissance des hommes ne peut estre absoluë
tout à fait, il y a trois sortes de Loix qui bornent la puissance
du Souuerain sans interesser la Souueraineté ; à sçauoir
les Loix de Dieu, pource que le Prince n’est pas moins Souuerain
pour estre sujet à Dieu ; Les regles de iustice naturelles &
non positiues, pour ce que c’est le propre de la Seigneurie publique
d’estre exercée par iustice, & non pas à discretion ; & finalement
les Loix fondamentales de l’Estat, parce que le Prince
doit vser de sa Souueraineté selon la propre nature nature en la forme,
& aux conditions qu’elle est establie ; qui est l’aduis que Ioseph
donne au Roy qu’il instruit, disant que ; Rex quisquis fuerit,
plus Deo & legibus, quam suæ sapientiæ tribuat, nihilque præter Senatus
sententiam faciat. Voila pour quoy tout ce qui se traitte dans
son Conseil secret ne peut pas destruire l’ordre estably de tout
temps dans le Royaume, ny esbranler les colomnes les plus
fortes, & les plus necessaires de son Empire ; Nulla enim necessitas
quantacunque sit, obtendi potest, vt Imperator sub hoc pretextu leges
Imperii, præsertim fundamentales, subuertere illi liberum sit.

Tacit. annal.
lib. 3.

L’oyseau des
Seigneurs.
ch. 2. n. 9.

Ioseph. antiq.
Iudai.
lib. 4.

Hippolit. à
lapide, de
ratio. status,
part. 2. cap.
8. sect. 4.

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Le conseil a ses matieres, le Parlement a les siennes ; on
peut traitter dans le Conseil des recompenses, des honneurs,
& des dignitez ; on y peut encore deliberer (quand la guerre
a esté concluë & declarée comme dessus) de donner bataille,
ou de ne la pas donner, d’assieger vne ville plustost qu’vne autre,
parce qu’il y auroit de l’inconuenient de faire tout cela
dans le public, outre qu’on ne blesse point pour lors ny les loix,
ny la police generale de l’Estat.

Mais dés le moment qu’il s’agit de quelque chose où le
peuple a interest, ce n’est pas dans le Conseil qu’elle doit estre
resoluë, puis que le Roy ne peut contracter auec son peuple
que dans son Parlement, ny rien destruire de ce qu’il a fait que
dans le mesme lieu, parce que ces matieres sont publiques &
contentieuses. C’est là que tout se doit examiner auec liberté
de suffrages, le Roy y a son lict de Iustice, comme il auoit son
Tribunal esleué dans l’Assemblée generale des Francs & de ses
Barons. Le Parlement represente cette assemblée, c’est la mesme
authorité. Aussi ne trouue-on point de lettres de son Institution,
parce qu’estant la representation de la Monarchie toute
entiere qui s’assembloit tous les ans ; In campo Martio ; dans
la premiere Race, ou de l’assemblée des Grands du Royaume
dans la seconde, & fort auant dans la troisiesme ; il est aussi
ancien que la Couronne, & son commencement est celuy de
la France.

Ce n’est pas donner atteinte à la Souueraineté du Roy, de
deffendre les Loix fondamentales de sa Monarchie ; Chaque
Estat a sa police, & ce qu’il y a de plus remarquable dans le nostre,
c’est qu’il est tout naturel ; c’est à dire que toutes choses s’y
font par le consentement du Souuerain auec ses sujets, & des
sujets auec le Souuerain, par vne harmonie, & vne correspondance
reciproque. La Souueraineté de nos Rois est de faire
Iustice, & toute sorte de bien ; ils sont les veritables Images de
la Diuinité qui ne peut iamais faire de mal ; Leur Souueraineté
est absoluë lors qu’il s’agit de l’execution de la Loy, & non
pas de la destruire ; Est enim bonus Princeps, Minister & Vicarius
Dei in terris, vt iuxta Norman legis Dei & alias suæ Reipublicæ leges
honestas, regat subditorum mores ; Officium vero eius est, legum custodia,
& executio seuera.

Dauid Chythreus
de
hist. in præfat.

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Puis que c’est vne verité constante, comme nous venons de
prouuer, que toutes les grandes affaires du Royaume se traittent
& se sont tousiours traittées dans le Parlement ; Que c’est
le lieu seul où le Roy fait les Loix, & contracte auec son peuple ;
il est certain que par vn Arrest mandié du Conseil, on ne
peut pas destruire la Declaration qu’il a faite contre le Mazarin,
non plus que l’Arrest de sa verification, & celuy qui met
sa teste a pris, pour l’auoir enfrainte & violée.

Sa Majesté a donné plusieurs fois sa parole Royale que ce
Cardinal criminel ne pourroit estre restably pour quelque cause,
pretexte, & occasion que ce fut ; La Declaration enuoyée
& verifiée au Parlement le porte formellement, c’est vn contract
solemnel, & qui est le fondement d’vn nombre infiny
d’Arrests ; cette patente n’est point vne Loy nouuelle, c’est
vne maxime ancienne dans le Royaume, & la premiere de tous
les Estats, de ne laisser iamais le gouuernement entre les mains
des Estrangers, & principalement de ceux qui ont pris leur
naissance & leur origine dans vne terre ennemie ; l’Edict de
Loudun y est formel, & l’Arrest rendu contre le Mareschal
d’Ancre, donné à la Requeste du Procureur general du Roy,
confirme cét vsage.

Pour donc casser l’Arrest du 29. Decembre 1651. & cette police
naturelle & ciuile qui se trouue confirmée par la Declaration
verifiée contre le Mazarin, & par tant de paroles Royales
si souuent reïterées ; il faloit que le Roy vint au Parlement,
qu’il apportast luy-mesme, ou qu’il enuoyast vne Declaration
contraire, laquelle fut verifiée auec liberté de suffrages ; &
qu’il y fit voir & à toute la France, que la Loy qui deffend aux
Estrangers l’entrée dans le Ministere, & dans les charges publiques,
est vne Loy injuste ; qu’vn Estranger & bien souuent
vn ennemy de l’Estat, est preferable à vn Regnicole, à vn François
naturel, aux Princes de son Sang, à tous ses Parlemens, à
tous ses Officiers, à tous les Ordres du Royaume, & à tous les
peuples qui s’en plaignent, & qui luy ont tant de fois demandé
justice contre luy.

Il falloit que le Roy fit connoistre dans cette Assemblée des
Pairs & de tant de Senateurs irreprochables, que le Cardinal
Mazarin n’a point rompu la paix generale, que ce n’est point

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luy qui a exercé la piraterie sur la mer, qu’il n’a point esté d’intelligence
auec les ennemis pour laisser prendre Courtray, &
le Royaume de Naples qui nous tendoit les bras. Qu’il n’est pas
vray aussi qu’il ait traitté la pluspart des grands du Royaume
de Cromvvels, & de Fairfax. Qu’il ait voulu faire passer dans
l’esprit de sa Majesté, le Parlement de Paris pour le Parlement
d’Angleterre. Que c’est auec raison qu’il fit emprisonner
Monsieur le Duc de Beaufort dés le commencement de son
Ministere. Qu’il n’a point fait aussi empoisonner Monsieur le
President Barillon ; qu’il a pû retenir le Mareschal de la Mothe-Houdancourt
trois ans entiers en prison, & luy fait faire son
procez par des Commissaires tirez d’vn Parlement dont il n’estoit
point iusticiable ; faire arrester Monsieur de Broussel &
Monsieur le President de Blanc-Mesnil au milieu des prieres
publiques, & les enleuer de force comme des criminels ; enuoyer
chez plusieurs autres Officiers du Parlement pour les
faire prendre auec la mesme violence, à cause qu’ils auoient
deffendu l’honneur du Roy, & l’interest de ses sujets. Qu’il
auoit eu raison de faire emprisonner le Mareschal de Rantzau
pour le despouïller de son Gouuernement, & le donner à vne
de ses creatures. Que sans Declaration verifiée, & en vertu de
simples Arrests du Conseil, il auoit contre toutes les formes
du Royaume, pû faire des taxes sur des particuliers, retrancher
les gages, les rentes, & faire toute sorte de leuée sur les Marchandises ;
& que trois cent millions de liures imposées en
deux années de Regence, desquelles on n’a rien donné à personne,
auoient esté neantmoins vtilement employées.

 

C’estoit par cette iustification que le Mazarin deuoit preparer
son retour dans le Royaume d’où il est si iustement banny ;
c’estoit au Parlement, & non pas au Conseil qu’il a basty, qu’il
deuoit s’adresser ; c’est le lict de Iustice du Roy, il n’a point
d’autre Tribunal. Et puisque c’est le lieu mesme où sa Maiesté
l’a declaré criminel, & l’a condamné par vne Declaration authentique
& verifiée ; le Conseil n’a pû & ne peut rien pour luy
touchant son absolution, puisqu’il n’y a personne qui ne sçache
& qui ne demeure d’accord qu’il n’a point de iurisdiction contentieuse,
qu’il n’a aucun pouuoir de condamner ny d’absoudre
personne ; l’Ordonnance de Blois art. 81. y est formelle, ce

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sont les Loix de l’Estat, c’est l’vsage du Royaume, il les faut
obseruer & en demeurer là, autrement nier les principes, &
ramener les choses en leur premiere confusion.

 

Si Monsieur le President de Nesmond a dit en presence du
Roy & de tous ceux qui enuironnent sa Majesté, qu’il n’y auoit
point d’homme de bien dans son Conseil qui pût luy conseiller de retenir
le Mazarin auprés de soy ; ie dis aussi qu’il n’y a point
de bon ny de fidelle François qui puisse trouuer ces veritez
estranges & dangereuses ; puisque pour estre dans vn Estat
Monarchique, elles ne choquent en façon que ce soit l’authorité
Royale, y ayant tres-grande difference entre la personne
du Roy & la Royauté, parce que la personne du Roy n’est que
le Corps de la Royauté, qui veritablement est tousiours sainte
& sacrée ; mais l’ame & la substance de cette mesme authorité
est toute autre chose, sçauoir la Loy, la Iustice, les ordres publics,
la façon du Gouuernement, & la coustume ancienne ;
toutes lesquelles choses ne se trouuent, ne se conseruent, & ne
se pratiquent que dans le lict de Iustice de nos Rois qui est le
Parlement, qui n’est qu’vn auec le Souuerain, puis qu’il luy
communique toutes ses volontez, qui ne peuuent auoir aucune
force, ny aucun effet que celuy qu’il luy donne en les authorisant
& les verifiant ; ce que Louis XI. a bien reconnu
aussi bien que les Empereurs Romains, disant en son Ordonnance
de l’an 1467. que les Officiers de son Parlement, sont
parties essentielles de la chose publique, & membres du corps
dont il est le Chef ; sans que luy ny aucun de tous nos Rois l’ayent
iamais dit du Conseil d’Enhaut, ny du Conseil d’Enbas,
qu’ils sçauoient bien estre sans caractere & sans Magistrature
aucune.

D’où vient donc dira quelqu’vn, que le Conseil d’Estat est
Iuge des Reglemens, & que souuent il decide les contestations
qui sont entre les Parlemens ?

La response est bien facile, dit l’excellent esprit des Maximes
veritables cy-dessus alleguées ; c’est que les Parlemens
ayans esté multipliez par la suite des temps, & pour fournir au
grand nombre d’affaires qui s’augmentent tous les iours, il a
bien fallu vn tiers pour le iuger, & regler les differens qu’ils
ont les vns auec les autres. Autrefois le grand Conseil fut estably

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pour cela, ce que le Conseil a vsurpé comme beaucoup
d’autres choses, encore que cet employ ne soit point vne marque
de iurisdiction ny de superiorité, parce que les Reglemens
ne regardent iamais les affaires publiques, mais les moindres
de toutes les particulieres.

 

Et on void bien que ces Messieurs qui ont dressé ce pretendu
Arrest du Conseil qui casse celuy du Parlement, n’ont pas coustume
d’en donner, puis qu’il est injurieux à sa Majesté, contraire
à son authorité & honteux en sa forme ; en ce qu’on fait
dire au Roy qu’il fait reuenir ce Cardinal en France, pour amener
vn grand Corps de trouppes leuées à ses despens pour seruir
sa Majesté dans l’occasion des presens mouuemens, dont sa
seule presence est la cause. Nous auons fait voir l’impertinence
& la sottise de ce discours cy-deuant.

On adjouste en suite, que l’Arrest du Parlement blesse le
College des Cardinaux, & le Chef de l’Eglise dont ils sont les
principaux Membres, &c. Nous auons si amplement iustifié le
contraire de cette proposition erronée & criminelle, dans vne
section precedente & particuliere pour cela, que ce seroit abuser
de la patience du lecteur de rebattre ce mesme erreur, & le
refuter dauantage ; estant vne ignorance, où plustost vne malice
insuportable à des gens qui se disent Ministres d’Estat, &
qui se font reformateurs des Parlemens, d’oser mettre en
auant que les Cardinaux & les Euesques de France ne sont
point justiciables du Roy ny de ses Officiers, puis si le Roy n’est
point leur Iuge, il ne peut pas estre leur Souuerain, & faut
que ces Messieurs luy soint esgaux, voire Superieurs en quelque
façon, puis qu’ils auront pouuoir de l’offencer, sans qu’il
ait droit de les punir, & qu’il sera sujet à leurs censures, pendant
qu’ils seront exempts de sa justice.

L’Autheur de ces Maximes dangereuses deuoit bien se souuenir
que le Pape d’aujourd’huy ayant faite vne Bulle le 19.
Fevrier 1646. laquelle fut publiée le lendemain, & affichée :
aux portes de Saint Pierre de la Chancellerie, & dans le champ
de Flora de la Ville de Rome, auec ordre à tous les Cardinaux
de se rendre à Rome dans six mois apres la publication d’icelle,
à peine d’interdit, & d’estre priuez de tous leurs reuenus sans
aucune reserue pour leur nourriture & entretien, & enfin despoüillez

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de tout ce qu’ils possedent, &c. Sans qu’ils se puissent
exempter de ces peines, sous pretexte d’estre employez au seruice
de quelque Prince, Estat où Royaume que ce soit.

 

Le Pape non content de cette Bulle rigoureuse, donna charge
à Monsieur le Nonce de faire des plaintes au Roy, & à la
Reine Regente sa Mere contre les Cardinaux Barberins qui
s’estoient mis en la protection de sa Majesté, & Monsieur le
Chancelier ayant esté mandé au Palais Royal pour estre present
à cette Remonstrance qui se fit le 26. Octobre 1646. Mondit
Sieur le Nonce ayant acheué son discours, & repeté ces
deux freres qui s’estoient refugiés en France, Monsieur le
Chancelier prenant la parole au nom du Roy, luy fit entendre
que le Conseil de sa Majesté s’opposoit formellement à l’execution
de cette Bulle, soustenant fortement que les Cardinaux
qui estoient en France, & sous la protection du Roy seulement,
n’estoient pas justiciables de sa saincteté. Apres quoy
on ordonna à Messieurs les Gens du Roy du Parlement de Paris
d’interjetter appel comme d’abus de cette Bulle, sur cette
seule consideration que les Cardinaux Mazarin, & Barberins
qui estoient pour lors en France, ne pouuoient par les Loix du
Royaume estre justiciables de sa saincteté. Apres cela qui ne
s’estonnera de voir ces Satires de Cour souffler le chaud & le
froid d’vne mesme bouche, & l’insolence où ils sont de ne
vouloir despendre ny de Dieu, ny du Pape, ny du Roy.

Sous pretexte que vous auez la personne d’vn Roy de treize
ans & demy que vous auez enleué aux Princes de son Sang, à
son Parlement, à la capitale de son Royaume, & à tous les bons
François, pour le mener par le né comme vn jeune Ours de
Prouince en Prouince, & le rendre esclaue d’vn Estranger qui
trompe la Mere, & qui se jouë du Fils, vous vous persuadez
que vous auez l’authorité Royale auprés de vous ; vous vous
trompés, le Roy n’est point libre, vous n’en possedés que l’ombre
ou le corps, la Royauté n’y est point tres-asseurément ; elle
est dans son lict de Iustice & dans l’ordre public, comme ie
viens de remarquer, & dans le Parlement qui est le lieu seul &
ordinaire où il exerce tous les Droits de son Empire ; Majestatis
iura penes Imperium, non penes Imperatorem sunt ; Simulachra Imperij
relinquuntur Imperatori, vis tamen Imperij, ac iura Majestatis, in ordinum
potestate manent.

Hippolit. à
lapide, de
ratio. Status
part. I. cap.
4. sect. I. &
part. 2. cap.
6. sect. I.

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C’est pour quoy il faut conclure sans iniustice & sans nouueauté,
que l’Arrest pretendu de cassation du 18. Ianuier 1652.
n’est qu’vne suite des entreprises du Conseil, qui n’a iamais esté
fait pour regler la police du Royaume, ny iuger les criminels
de leze Majesté, comme chacun sçait ; mais seulement pour
donner de simples aduis à la suite du Roy, l’authorité legitime
& veritable de sa Majesté n’estant que dans la volonté du Roy
expliquée & verifiée dans son Parlement, qui est-le lieu de son
throsne & de son Tribunal, dont les Princes du Sang, les Ducs
& Paris, & les principaux Officiers de la Couronne font partie
seulement, sans qu’aucun du Conseil d’Enhaut y ait ny voix
ny seance en qualité de Ministre, ou de Conseiller d’Estat simplement.

Les raisons solides & veritables manquant à nostre Panegiriste
Mazarin, il vient aux ridicules & aux impertinentes, &
taschant de rendre suspects & odieux Messieurs du Parlement,
il dit en la page 28. & 29. de son plaidoyer, Que tant qu’ils n’ont
esté que spectateurs des souffrances du peuple, ils n’ont dit mot ; mais que
venant au retranchement de leurs gages, ils se sont esleuez, troublez, &
irritez, & pour se vanger ont voulu prendre connoissance des affaires
d’Estat, sans considerer que les ministres subalternes estoient cause de
cola, & non son Eminence ; Ces subtils, & ces clair-voyans, (parlant
du Parlement par mespris & par derision à son ordinaire) n’ayans
ouuerts les yeux aux desordres de l’Estat, que lors que l’on a parlé
de leur faire ouurir leurs coffres, & leurs thresors, &c.

Aduocat de la tyrannie, vous accusez auec trop d’insolence
& trop d’impunité des Magistrats sans reproche, & parce qu’ils
vous condamnent en la personne de celuy qui vous corrompt,
vous n’en pouuez bien dire, ny bien escrire ; mais vos iniures
sont si ridicules, & vos inuectiues si peu raisonnables, qu’elles
se ruinent & se destruisent elles-mesmes ; & particulierement
quand vous dites, que ces graues Senateurs ne se sont esleuez, que lors
qu’on a parlé de retrancher leurs gages, comme si toute la France ne
sçauoit pas qu’ils n’en ont point, parce que de cinq cent liures
qu’ils deuroient toucher pour des charges de quarante mille
escus, il en faut pres de quatre cens à la Polette, & cent vingt-cinq
pour le quart de retranchement que vostre Mazarin, &
ses predecesseurs leur desrobent tous les ans pour assouuir leur

-- 140 --

auarice insatiable, & enrichir leurs valets, & leurs maigres parens
au poinct prodigieux où nous les voyons, à la honte & à la
confusion de tant de gens de bien & d’honneur qu’on laisse
abbatre & mespriser pour metamorphoser en vne nuict des petits
Bourgeois ou des pauures Cadets, en Princes, en Ducs &
Pairs, en Officiers de la Couronne, en Gouuerneurs de Prouinces,
& en Seigneurs de sept & huict cens mille liures de
rente, tirées du sang & de la sueur de sept ou huit cent mille
bons sujets qu’il faut mettre à la besace, & faire coucher dans
les ruës & dans les escuries, pour loger ces voleurs publics, &
ces sangsuës du peuple dans des palais dorés qui font honte à
nos Eglises, & faire manger leurs palfreniers & leurs marmittons
dedans de la vaisselle d’or & d’argent qui meubleroit toute
vne ville.

 

Si Messieurs du Parlement sont à blasmer pour ce qui est de
leurs gages & de leurs appoinctemens, c’est de se contenter
comme ils font du peu qu’ils en ont, & de souffrir que des partisans
& des maltotiers leur retiennent tous les ans pour festiner
& dormir la grasse matinée auec les femmes & les filles de
condition qu’ils desbauchent & qu’ils entretiennent auec tant
de profusion ; pendant que ces bons Senateurs quittent leurs
femmes & leurs enfans pour venir au Palais deuant le iour, &
qu’ils negligent leurs propres affaires pour trauailler à celles
de ceux qui leur demandent iustice, & qui n’ont autre bien que
celuy qu’ils leur conseruent. Ceux qui sçauront ce que c’est
du Parlement que vous accusez auec tant d’iniures, connoistront
assez que les Conseillers qui le composent n’acheptent
point leurs charges, ny pour les gages, ny pour les profits qui
en reuiennent, mais seulement pour auoir occasion de seruir le
Roy, & de soulager son peuple & ses suiets en les protegeans
contre les Ministres qui en sont les ennemis declarez, & en
leur faisant Iustice contre les Partisans. Le moindre valet du
Mazarin gaigne plus en trois mois, que le plus employé de tous
ces Messieurs en dix ans ; & s’il faut chercher des thresors on
en trouuera plus chez le dernier de cinq cens mal-totiers
qui sont assez connus, que chez tout le Parlement ensemble,
où il n’y pas vn Conseiller qui ne soit plus pauure &
plus incommodé, que lors qu’il achepta sa charge, ce qui ne se

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dira pas de ceux qui composent le Conseil d’Enhaut, & celuy
des Finances, dont la pluspart ont estez valets, ou de petits
commis à pied, qui ont trois & quatre carosses maintenant,
auec des deux & trois cent mille liures de rente, n’y ayant personne
qui ne voye encore auiourd’huy qu’il n’y a plus de place
dans le Conseil du Roy, dans le Conseil Priué, dans le Conseil
d’Estat, ny dans celuy des Finances qui sont le sang du peuple,
que pour les esclaues & les creatures du Mazarin, ou d’vn autre
Fauory comme luy ; sans qu’on y appelle iamais aucun du Parlement,
parce qu’ils sont incorruptibles, qu’ils ne connoissent
point l’injustice, & qu’ils empescheroient les voleries & les brigandages
qui s’y commettent tous les iours.

 

Combien d’Abbayes & d’Eueschez void t’on donner aux
Conseillers Clercs qui rendent la justice de dans ce grand Senat
auec tant d’integrité & tant de preuues de leur vertu & de leur
suffisance ? Pour paruenir à ces dignitez, il faut renoncer à l’honneur,
& pourueu qu’on puisse estre Maistre de Chambre, Aumosnier,
Chappelain, espion, ou macquereau du Mazarin, la
Mittre & la Crosse sont asseurées, encore qu’on soit sans doctrine,
sans naissance & sans probité, comme nous voyons presque
en tous ceux que cet ennemy des gens de bien a Prelatisé, à la
honte de l’Eglise, & au mespris du Sacerdoce.

Le Panegiriste Mazarin s’estonne, & s’escrie par forme de reproche,
en la page 29. & 30. de ses lamentations douloureuses,
que pendant le dernier siege de cette grande ville de Paris, on a veu son
Altesse Royale & Monsieur le Prince armez, & coniurez tres estroittement
pour la conseruation de ce Prelat, &c.

On void bien que cet Escriuain à gage est vn pecheur endurcy
qui condamne la resipiscence, & vn Conseiller aueuglé qui
ne veut pas qu’on reuienne de l’erreur dans lequel on est, ny
qu’on prefere la justice & la prudence aux desordres & aux violences
que l’on connoit. Quand ces deux grands Princes ont
suiuy la Reyne auec le Mazarin, ils ont crû que c’estoit la querelle
de sa Maiesté, & non pas les interests de ce proscrit qu’ils
auoient à combattre ; & si depuis ils ont descouuert les fourberies
de ce traistre, & les desseins qu’il auoit de les rendre Ministres
de ses passions pour ruïner plus facilement ceux qui s’opposoient
à ses Tyrannies ; n’ont-ils pas raison, non seulement de

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l’abandonner, mais encore de le chastier en faisant executer la
Declaration du Roy, qui le chasse de ses Conseils, & qui le
bannit de ses Estats sans espoir d’y pouuoir iamais rentrer.

 

Si apres tant de condamnations, & tant de connoissances
qu’ils ont des crimes & du mauuais gouuernement de ce perfide
qu’ils doiuent connoistre mieux que personne, ils venoient encore
à le proteger contre la volonté du Roy, le bien de son Estat,
leurs propres Conseils, les Arrests de tous les Parlemens, &
contre les vœux & les prieres de toute la France ; que deuiendroit
leur honneur & leur reputation ? Quel estime pourroit-on
faire de leur probité & de leur vertu ? Quel amour, & quelle
affection pourroient-ils desirer des peuples en les abandonnant
de la sorte ? Qui vangeroit l’emprisonnement rigoureux
de Monsieur le Prince, & qui empescheroit le second que ce
Tyran luy prepare s’il peut le surprendre encore vne fois ? C’est
pourquoy mieux conseillez & plus instruits des maluersations,
& des mauuais desseins de cet ingrat qui ayant emprisonné l’vn,
faisoit tout sans l’autre ; sans vser de la vengeance, & du pouuoir
qu’ils ont en main pour rabattre l’insolence d’vn petit
Italien qui les gourmande & qui leur fait la loy ; ils laissent faire
la iustice, & s’acquittans de leur deuoir, ils se rangent de son
party pour ne pas proteger dauantage vn meschant & vn temeraire
qui n’a rien de recommandable que sa qualité de Cardinal,
làquelle estant en luy vn present de la fortune, & non pas vne
recompence de la vertu, est vn ornement deshonoré par celuy
qui en est reuestu ; comme a tres-bien representé le Parlement
de Paris dans ses remonstrances par escrit, mises entre les mains
du Roy à Sully.

De plus les Conseils d’Estat ne se connoissans bien que par les
euenemens, ces deux soustiens de la Couronne voyans qu’vn
plus long sejour & vne plus grande tolerance du Mazarin, ne
faisoient qu’aigrir les maux, & redoubler les miseres du Royaume ;
ils ont crû, & tres-prudemment resolu, qu’il valoit mieux
s’en deffaire au commencement d’vn nouueau Regne, & à la
fin d’vne Regence, que d’attendre qu’il ait peruerty & corrompu
l’esprit d’vn jeune Roy, comme il a fait celuy d’vne bonne
Reyne.

Quand ce mesme autheur employe toutes ses couleurs pour

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tascher de persuader au peuple és pages 34. & 35. de son Eloge
Mazarinique, l’image affreuse qu’on luy a despeint de ce Cardinal, n’est
qu’vn fantosme qu’on luy presente pour l’effrayer, & le jetter dedans vne
rebellion insensée, & le precipiter dans vne ruïne infaillible, &c.

 

Il s’imagine fasciner les yeux des François par la beauté de ses
paroles, & leur persuader que les maux, & les miseres qu’ils
souffrent depuis tant d’années, ne sont qu’imaginaires & sans
douleur ; que les ruïnes de tant de familles ne sont que pour leur
faire exercer vne pauureté Euangelique ; que le violement de
tant de femmes, de filles, & de religieuses, ne sont que des excez
d’amour, & des tesmoignages d’vne amitié legitime que les
Satrapes du Mazarin ont pour elles, puis qu’elles sont faites pour
les hommes & non pour les cheuaux ; que le bruslement des Eglises,
& des villages, ne sont que des feux de joye ; que prendre les
chairuës & le bestail des laboureurs, n’est que pour les descharger
d’vn trauail ennuyeux ; & que tyranniser les peuples, & tuër
les plus foibles & les plus innocens, c’est les honorer de la gloire
& de la Couronne du Martyre.

Si auec cette haute Rethorique vous pouuiez rendre les
corps impassibles, & leurs souffrances phantastiques, veritablement
vn peu de Christianisme produiroit beaucoup de vertu &
de patience ; mais puisque vos consolations sont fausses, que
vos promesses sont sans effet, que nos calamitez redoublent tous
les iours, que nos douleurs s’aigrissent de plus en plus, que nous
voyons que les desordres s’augmentent, & que tout va de mal
en pis par la malice & le mauuais gouuernement du Mazarin ; Si
vous n’auez que des paroles pour nous guerir, rengainez ie vous
prie vostre Eloquence, nous connoissons les remedes dont nous
auons besoin, & puis que nous sçauons la cause de nos maux, il
n’y a qu’vn meschant & cruel medecin comme vous qui puisse
nous conseiller de l’entretenir & de la flatter, au lieu de la couper
& d’y mettre le fer. Il seroit à souhaitter pour la consolation
des gens de bien ; que vous ayez à faire à vn Prince comme estoit
Alphonse Roy d’Arragon, qui ayant retiré dãs ses Estats vn Medecin
François qui s’y fit Aduocat voyant que la Medecine ne
luy apportoit aucun profit, & ce auec tant d’heur & tant de
succez, qu’il gagnoit toutes sortes de causes par la subtilité de
ses raisons, ce qui fit que personne n’osoit plus playder contre

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luy ; & fut contraint ce sage Roy de faire publier vn Edit pour luy
deffendre le Barreau, & d’ordonner que ; Omnis lis quam Gallus
patronus susciperet, ipso iure haberetur iniqua & iniusta. On en peut
dire autant & iustement, de celle que vous soustenez, & puisque
vous auez assez de presomption pour playder contre tous les
Parlemens, tous les Iuges & tous les Aduocats du Royaume, &
que vous pretendez faire passer pour innocent celuy qui est dans
l’abomination de tous les hommes, si vous gagnez ce procez,
ie crois qu’on sera contraint de demander à sa Maiesté vn pareil
Edict contre vous, que celuy du Roy d’Arragon, & qu’on vous
donnera tout au moins le premier rang entre ceux qui ont fait
les Apologies de Iuda, d’Appollonius Tyaneus, de Neron, de
Rauaillac, & de cent autres criminels comme ceux-là, & celuy
que vous paranimphez.

 

Santes. in vita
Alphons.
Regis Arrago.
tit. 14.
Panormita.
ibid. lib. 4.
cap. 38.

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Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.