Anonyme [1652], OBSERVATIONS SVR QVELQVES LETTRES ECRITES AV CARDINAL MAZARIN, ET PAR LE CARDINAL MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_2572. Cote locale : C_12_35a.
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OBSERVATIONS SVR
ces deux Lettres.

I. CE que nous deuons iuger de toutes les
Lettres escrites par le Cardinal Maz. sur
le sujet de son retour en France, est ; que le stile
paroist vne traduction d’Italien en François :
qu’en certains endroits, il est obscur, & lasche
par tout : que c’est vn amas de pensées, & de paroles
mal digerées, & mal ordonnées ; sans preuues,
ny raisonnement. Au fonds, c’est vn déguisement
perpetuel, & grossier de verité : c’est
vn tas d’impostures, sur les choses passées, sur
les presentes, & sur les futures ; auec quelques
protestations trompeuses, & discours semblables
à ceux qu’il tenoit dans son Ministere ; lors
qu’il vouloit piper quelqu’vn à sa mode ; c’est à
dire lourdement. De sorte, que nous pouuons
dire qu’en publiant ses Lettres, par l’impression
baueuse de Sedan, & par la plus nette de Paris ;
il a trauaillé, pour acheuer de se decrediter dans
toute l’Europe, où il les a dispersées en Italien,
qui est entendu par tout. Nous autres François
auons sujet de nous plaindre ; de ce que son gouuernement
nous ayant traittez comme esclaues,
ses escrits nous prennent maintenant pour
des bestes. Ou si nous voulons parler plus doucement,

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nous dirons, que la France, qui est
remplie d’hommes clair-voyants, est estimée
pat cét estranger la terre des aueugles ; ainsi que
l’oracle Pithien appella autrefois celle de Calcedoine.

 

II. Il nous veut persuader en premier lieu,
qu’il est vn habile personnage : en second lieu,
qu’il est fort innocent : en troisiéme lieu, que
son absence nous a iettez dans toute sorte de
confusions : en quatriéme lieu, que si nous souffrons
son restablissement, il fera reuiure l’authorité
Royale, & nous rendra tous heureux ; sans
se mesler de nos affaires. Voila en general
ce que contiennent ses. Lettres escrites au
Roy, à la Reyne, à Monseigneur le Duc d’Orleans,
à Madame, & au Preuost des Marchans de
Paris.

III. Commençons par celle du Roy, ou il debute
par ce galimatias : que les graces, qu’il a receuës
de Sa Maiesté excedent infiniment le prix du peu de recompense,
qui pouuoit estre deüe aux seruices, qu’il a
tasché de rendre à l’Estat. Ce sot texte n’a pas besoin
de glose ; pour faire voir son impertinence. Entrons
dans son discours, qui d’abord nous debite
les sujets, qui l’ont porté à venir secourir le
Roy. Il dit : que son zele pour le seruice de Sa Maiesté
l’a retiré du dessein qu’il auoit de viure en repos ; & de
prier Dieu ; n’ayant pû regarder honteusement ; ou déplorer
dans l’oisiueté d’vne honteuse retraitte, le feu dont

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le Royaume brusle auiourd’huy au dehors, & au dedans ;
sans le venir esteindre auec ses amis. Nous dirons
de cette resolution caualiere ; & charité Chrestienne :
que nous estimerions la repentance de
ce pretendu conuerti, s’il venoit pour esteindre
les feux, que ses imprudences, & ses impietez
ont allumez. Mais nous craignons que les eaux,
qu’il aporte, ne soient semblables à celles, que
les Mareschaux iettent sur leurs charbons, pour
faire monter plus haut les flammes. Ce mauuais
Ecclesiastique, deuiendra ce sale oiseau surnommé
Incendiaire, qui prend les charbons sur l’Autel
de nos Sacrifices, pour reduire en cendres le
Temple, ou il auoit fait son nid ; le nom de cét
Herostrate, ne sera leu dans nos Annales, que
pour estre detesté. Ne considerons pas S. E. auec
les eaux, de ses sueurs, & de ses larmes qu’il nous
promet en hypocrite, qui fait le pleureur : voyons
le plutost auec les nouueaux feux, qu’il vient
adiouster aux anciens : estant certain ; que sa
venuë augmentera les desordres, que sa trop
longue demeure auoit faits, & laissés parmy nous.
Nous les aurions reparez ; si son ambition qui
veut encore regner, & sa fureur, qui desire de se
vanger de ceux, qui ont contribüé à son esloignement,
ne l’eussent porté à faire cent intrigues,
& à inuenter autant de menteries ; pour disposer
la Reyne à le rappeller, contre toutes les regles
de Politique. Nous n’auons besoin, ny de ses

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conseils imprudens, ny des foibles adsistances,
qu’il ammeine ; & sçauons, qu’il ne vient pas
pour le soulagement de nos peines ; mais pour
la punition de ses pechez ; & des nostres.
Il vient mourir en France, bourreau
de la Iustice de Dieu, & ses armoiries marquent
le mestier, qu’il y vient exercer. Et
afin que tout le monde voye la verité, au trauers
du déguisement de ses Lettres estudiées, &
mal conceuës : Nous publierons quelques secrets
connus par peu de personnes, & qui doiuent
estre sçeus ; non seulement par tous les
François ; Mais par leurs voisins ; où le Cardinal
Mazarin n’aura pas manqué d’enuoyer les copies
de ses Lettres ; sur tout en Italie ; où il fera retentir
durant six semaines, son glorieux retour
en France : le faisant passer, pour vne victoire
emportée sur ses ennemis, ou pour vne entreprise
heroїque, faite pour le salut de ce Royaume
ingrat, qui apres l’auoir honteusement banny,
a esté contraint d’implorer le secours de
ses aduis, & de sa puissance. Sans doute quelque
discoureur de cette celebre Academie, delli enrabiati,
ou infuriati, qui s’assemble dans la Casa
Mancini à Rome, aura fait cette exclamation. Vedete
signori, l’Eminentissima virtu, di questo Eminentissimo ;
digna, no solamente de principe della sancta. Chiesa,
ma de summo & Pontefece. Ce qui aura esté poussé
auec vn ton animé, par l’esperance d’vne pension,

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semblable à celle qu’on a promis à ce venerable
habitant de Rhetel, qui consola fort Son
Eminence lors que dernierement en son passage,
il le qualifia liberateur, & restaurateur de la France :
ce qui fut receu auec applaudissement par
tous les caualliers, qui l’escortent, & qui flattent
ses foles passions, auec des sottes paroles ;
comme il flatte leurs pretentions, auec des promesses
trompeuses. Tous ces artifices n’empescheront
pas ; que nous n’aduancions quelques
veritez, desquelles tous les bons esprits tireront
les responses, qu’ils feront dans leur ame aux
Lettres escrites par le Cardinal Mazarin, qui
pretend les employer pour vn Manifeste, qui
contient les veritables motifs de son retour.

 

Armories
du Cardinal,
celles
des boureaux
de
l’ancienne
de Rome.

I. Il est certain que le Cardinal Mazarin, qui
preuint au Havre l’arriuée de ceux, que le Roy
enuoyoit auec ses Lettres patentes, & ordres exprez,
pour la deliurance de Monsieur le Prince,
de Monsieur le Prince de Conty, de Monsieur de
Longueuille, deliura au sieur de Bar gouuerneur
de la place, vne Lettre secrete de la Reyne
pour lors Regente ; par laquelle Sa Majesté defferant
aux prieres du Cardinal Mazarin ; leuoit
les conditions portées par les patentes du Roy,
auquel on auoit conseillé de differer iusques à Sa
Majorité, le restablissement des Princes dans
leurs gouuernemens de Prouinces, & places, &
dans les commandemens des troupes leuées sous

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leurs noms. Ces restrictions estant ostées par
Monsieur le Cardinal ; pour obliger particulierement
Monsieur le Prince, à proteger, & à remettre
dans la Cour, celuy qui se vantoit de luy
auoir procuré cette satisfaction.

 

II. Monsieur le Prince, ayant iugé ; qu’il n’estoit
point expediant, ny pour sa reputation, ny
pour le bien public ; que le Cardinal demeura
dauantage en France, seconda le glorieux dessein
de Monseigneur le Duc d’Orleans, & ils
obtindrent auec le Parlement, la Declaration
du Roy, qui a exclus de son Royaume pour iamais
le Cardinal Mazarin, pour les causes contenuës
en ladite Declaration.

III. Le Cardinal Mazarin s’estant arresté à
Burle ; pres de Cologne ; voulant se vanger de Son
Altesse Royalle, & des Parlements, employa
toute sorte d’artifices, & de moyens, pour attirer
à soy Monsieur le Prince ; luy faisant offrir par la
Reyne, & par d’autres personnes, qui parloient
de la part de Sa Majesté ; vne entiere confiance,
& tout ce qu’il pouuoit desirer dans le Royaume,
ou pour soy, ou pour les siens, pourueu qu’il
voulut estre amy du Cardinal Mazarin, & appuyer
son retour.

IV. Monsieur le Prince ayant reiecté ces
prieres, & ces offres ; iusques à blasmer les entremeteurs ;
ils pousserent tous la Reyne à
prendre la resolution, de perdre celuy, qu’on

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ne pouuoit gaigner, & à le faire remettre dans la
prison, d’où il venoit de sortir. Mais ce Prince
genereux, & aduisé ne pouuoit oublier le traittement
tres-rudre qu’il y auoit receu, & estoit
assuré, que s’il y sentroit, il n’en sortiroit iamais.
Ces menées que nous auons dites, estant decouuertes,
par ceux mesmes qui s’en mesloient, ou
qu’on pratiquoit, il se mit sur ses gardes, & fit
ses plaintes qui furent estimées iustes, par Monseigneur
le Duc d’Orleans, & par Messieurs du
Parlement.

 

V. L’heureuse Majorité du Roy estant arriuée ;
Monsieur le Prince s’abrlenta de la ceremonie,
sur l’aduis qu’il eut qu’on vouloit troubler
cette feste, en arrestant sa personne ; comme
on auoit terny la ioye publique pour vne de ses
victoires, en emprisonnant deux Officiers du
Parlement. Il est certain que Monseigneur le
Duc d’Orleans eut accommodé toutes choses,
& que sur sa parole Monsieur le Prince seroit retourné
à la Cour, si la Reyne eut voulu accorder
les trois iours qui luy furent instamment demandez
par Son Altesse Royalle, qui se retrancha
apres iusques à vingt-quatre heures, qui
estoient necessaires pour rassurer les esprits, &
adiuster les affaires : mais le Cardinal qui auoit
enuoyé les ordres de tout ce qu’on deuoit faire ;
ayant veu que l’artifice n’auoit point reüssi, se
despoüilla de la peau de renard, pour prendre

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celle de Lion, & entreprit de perdre par la force,
ceux qu’il n’auoit sçeu corrompre par l’interest,
ny surprendre par la finesse.

 

VI. Il fit pousser M. le Prince : & le contraignit
de se retirer premierement en Berry, & apres en
Guyenne : fit partir le Roy pour le poursuiure, &
enuoya les meilleures troupes qui gardoient nos
frontieres ; pour accabler celuy, qu’il tenoit pour
son plus grand ennemy ; parce qu’il n’auoit point
voulu estre son amy ; ny se laisser prendre Le
principal dessein du Cardinal, estoit de faire seruir
à son rappel la guerre ciuile ; qu’il iettoit dans
la France ; s’estant imaginé, qu’elle seroit obligée
d’auoir recours à ses aduis, & adsistences
ou pour le moins ; que ce desordre seruiroit de
pretexte à la Reyne, pour faire reuenir celuy,
auquel seul elle se pouuoit confier ; tout autre
Conseil luy estant rendu suspect.

VII. Le Cardinal s’est approché peu à peu de
nos frontieres ; où il a dressé ses preparatifs ; pour
rentrer auec quelque esclat : ce qui fait voir,
que le project estoit formé de longue main. La
Reyne a taché de le cacher : mais nous laissons
à iuger, si Sa Majesté a bien fait de le descouurir,
au mesme temps ; que le Roy escriuoit au
Parlement de Paris ; que son intention estoit de faire
obseruer ses Declarations ; qui esloignoient pour iamais
de son Royaume le Cardinal Mazarin, qui
en cét instant estoit appellé, par les ordres expres

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de sa Maiesté. Dieu confondra ceux qui ont
abusé de ce nom auguste ; pour le faire seruir
dans vn iour à deux choses contraires ; & ont
donné ces maudites instructions à vn ieune Monarque.

 

VIII. Le Cardinal s’est ietté en France auec
enuiron quatre mille hommes, en partie tirez
des troupes du Roy, & en partie ramassez par
quelques gouuerneurs des places de Picardie, &
de Champagne : Ces Messieurs ayant suiuy les interests
de celuy, qui les auoit logez dans des postes,
où ils font leurs affaires.

IX. Le Parlement de Paris, ayant apris que
le Cardinal Mazarin estoit en France ; contre les
Declaratiõs du Roy, qui luy en deffendoient l’entrée ;
A donné Arrest par lequel cinquante mille
escus sont promis à celuy, ou à ceux qui le representeront
vif ou mort ; & a ordonné à toutes les
communes de luy courir sus ; comme à vn ennemy
du public. Les autres Parlemens ont prononcé,
ou prononceront le mesme. Ainsi tout le
Royaume sera armé par authorité de Iustice,
contre celuy, qui est tenu pour autheur de nos
maux ; & il pourra estre tüé non seulement auec
impunité ; mais auec recompense, & comme
quelques Theologiens tiennent, auec merite :
lors qu’il fait toutes les actions d’vn tyran étranger,
vsurpateur de l’authorité Royale, inuaseur
du Royaume, toutes les meilleures places estant

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à sa deuotion, & trois fois rauisseur de la personne
de nostre Roy : la moindre de ses qualitez ;
estant capable d’embarrasser les plus scrupuleux
Casuistes. Apres auoir sçeu sa condamnation,
& que le prix de sa grande Bibliotheque
estoit conuerty en prix de sa vie, il ne
laisse pas de venir chercher sa mort parmy nous,
& de ietter dans les desplaisirs, & dans les perils
ceux qui l’appellent, ou qui fauorisent son retour :
en quoy on void ; non seulement son imprudence :
mais le peu d’affection qu’il a pour
ceux, qui luy témoignent ou bienvieillance, ou
amitié. Nous voyons bien qu’il veut imiter le
scelerat Tigellin, qui n’opposoit à la hayne publique,
que les bonnes graces de son Maistre, ne
se souciant d’aucune chose ; pourueu qu’il mit
ses crimes à couuert de la punition. Ces lumieres
historique estoient necessaires : pour esclaircir
quelques tenebres ; qu’on remarque dans les
Lettres du Cardinal Mazarin.

 

I. Pour faire voir dans celle ; qu’il a addressée
au Roy ; premierement que Son Eminence, sauf
correction a tort de dire ; qu’il n’auroit iamais eu
intention de retourner en France : si les dangers où il la voit,
n’eussent touché son cœur, pour le faire resoudre à venir
au secours du Roy auec ses amis : Sur quoy il est expediant
de faire trois reflexions, que nous tirerons
de nos instructions precedentes. Premierement
que le Cardinal a fait naistre l’occasion, qui

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luy fournit de masque pour déguiser son retour.
Secondement qu’il appelle ses amis, & ses troupes,
les Mareschaux de France, les gouuerneurs
des places du Roy, & les gens de guerre, soldoyez
par Sa Maiesté, & tirez des garnisons, où ils
estoient necessaires. Troisiément qu’il a la
presumption de croire : que sa personne, &
trois ou quatre mille hommes, qui dans six semaines
seront reduits à la moitié, peuuent dompter
la France, qui est toute sousleuée pour s’opposer
au restablissemẽt d’vn proscrit, cõtre lequel
tout le sang Royal est armé, & doit faire armer,
tout ce qu’il y a de sãg genereux ds le Royaume.

 

II. Ie demanderois volontiers à des hommes
plus sages, que le Cardinal Mazarin, s’ils le tiennent
pour bien aduisé, de se fier à trois ou quatre
mille soldats, qui luy sont inconnus, & de se ietter
dans les foules de la Cour ; lors qu’il a suiet de
se deffier de ses valets de chambre, de ses Officiers
de bouche, & de ses estaffiers : pouuant
auoir apris ; qu’apres vne semblable condamnation
l’admiral de Colligny, descouurit le
mauuais dessein d’vn sien domestique qui l’auoit
seruy trente deux ans, & estoit nay son suiet.
C’est le malheur de ceux, qui sont condamnez, à
mourir plusieurs fois, par vne crainte continuelle,
& d’attendre tousiours ce qu’ils ont merité
Ce qui est à craindre pour nous, est ; que la peur
du Cardinal Mazarin ne le iette dans la cruauté,

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ou tombent en fin toutes les ames laches.

 

III. N’auons nous pas occasion de croire ;
que l’aueuglement du Cardinal Mazarin est extreme :
quand il ne void pas ; qu’il ne sçauroit
estouffer la guerre ciuile, qui est en Guyenne,
en la mettant dans toutes les Prouinces du Royaume ?
Que d’irriter contre soy, l’Oncle du Roy,
n’est pas l’expediant, pour se venger facilemẽt des
cousins du Roy ? Que de se faire condãner par les
9. Parlemens de France : c’est à dire par enuiron
mille iuges : n’est pas le moyẽ pour accabler celuy
de Bourdeaux. Disons plutost ; que l’imprudence
du Cardinal Mazarin a retiré du peril ceux
qu’il y auoit iettez : lors qu’il leur a donné la meilleure
partie des forces, & des finances de la Frãce
Que s’ils auoient mauuaise intention (ce qui
n’est pas.) Ils seroient obligez de remercier le
Cardinal du secours qu’il leur a procuré de plusieurs
millions d’hommes : lors qu’il en a amené
quatre mille, pour empescher l’adiustement,
que Monseigneur le Duc d’Orleans alloit faire :
estant certain qu’aprez les promesses du Cardinal,
qui a fait valoir sa venuë comme vne machine
qui alloit renuerser deux Princes du sang
Royal, qui deffendoient leur liberté, & leurs
vies, la Reyne n’a point voulu, que Monseigneur
le Duc d’Orleans s’entremit pour l’accommodement :
ainsi sauf correction, ce que le
Cardinal Mazarin dit dans ses belles Lettres : que

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Monsieur le Prince n’a voulu escouter aucune
proposition, ny accepter l’entremise de Son Altesse
Royale, est vne imposture.

 

V. Nous iugerons par ce veritable recit, si le
Cardinal Mazarin s’est mis en estat d’esteindre
les feux, qui sont allumez en France, & desquels
il parle si souuant dans sa Lettre : s’il ne
vient pas plutost pour y ietter de l’huille, que de
l’eau : & s’il n’est pas vray semblable, que cét
embrasement de la maison Royale ne sera étouffé,
que par la ruine de celuy, qui l’a excité deuant
son despart, & qui l’augmente par son retour,
pour acheuer de nous consommer ; si Dieu
ne l’arreste. Il vient en France pour combattre
nos Princes : mais nous voyons bien que les aduantages,
qu il pourroit emporter sur eux, establiroient
sa tyrannie ; & que les coups d’espées,
qui fraperoient leurs testes, seroient des coups
de marteaux, qui forgeroiẽt les chaisnes des Parlemens,
& des peuples de France.

VI. Mais il nous dit ; que sans ce malheur de nos
troubles, il nous eut apporté le beau present de la
Paix estrãgere ; & que par vn traité honnorable, &
vtile à la France, il auroit terminé glorieusement
les guerres, qui ont duré pres de vingt années,
sans trefue ny suspension d’armes. A la verité s’il
nous eust acquis ce bien ; nous aurions oublié
vne partie des maux ; qu’il nous a faits sentir :
par l’entretien des guerres, qu’il a creu estre vtiles

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à sa conseruation ; pour des considerations, qui
seroient trop longues à desduire. Il suffit pour desenfler
la vanité du Cardinal Mazarin, & pour desabuser
ceux qu’il pourroit surprendre ; de luy dire
sauf le respect de son barretin : Que iamais les Espagnols
n’ont eu la pensée, de traitter de la Paix
auec luy Ils le connoissent, & le tiennent pour
vn homme sans foy ; pour vn eternel negotiateur,
sans conclusion : & pour vn discoureur importun,
sans politique C’est le iugement qu’en
fit par escrit le sieur Friquet ; enuoyé il y a deux
ans par l’Archiduc, auquel le Cardinal auoit demandé
vne personne de creance, pour escouter
quelques propositions qu’il auoit à faire. Il n’est
pas donc vray ; que le conte de Fuensaldaigne
aye iamais eu dessein de conferer auec le Cardinal
Mazarin. Si ce Sage Espagnol, en eust eu la
moindre volonté, il auroit accordé vne entreueuë,
où à Burle, ou à Dinan, à celuy qui en auoit
fait grande instance pour nous lurrer par la ; &
persuader à Rome, qu’il estoit semblable à ceux
qui font quelque ouurage de consequence. Le
témoignage qu’il aporte de Dom Esteuan de Guemarra,
n’est pas considerable. Outre que nous
auons sujet d’en douter : nous sçauons, que c’estoit
vn prisonnier de guerre, qui pour auoir vn
traittement plus fauorable ; ou depuis sa deliurance
pour se faire de feste ; escriuoit ce qui
pouuoit flatter le Cardinal : Mais Dom Esleuan

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n’eust ozé faire la proposition à l’Archidue, ou
au Comte de Fuensaldaigna, de prendre confiance
auec vn homme, qu’il sçauoit estre dans
le dernier mépris en Espaigne : où ses seruices
auoient esté reiectez, deuant qu’il les offrit à la
France. Outre que le Roy Catholique suit vne
maxime glorieuse, de ne rechercher iamais ses
sujets, qui se sont donnez à ses ennemis. Adjoustons :
que les Espagnols sçauoient bien, que
le Cardinal Mazarin estant banny de France par
Declaration du Roy, & par les Arrests de tous
les Parlemens, estoit incapable de conclurre vne
Paix, qui doit estre verifiée, & enregistrée. Du
reste nous voulons croire, ce que le Cardinal
Mazarin dit : que les Espagnols l’ont traitté ciuilement :
& de plus, que sans l’estimer, ils l’ont
conserué, & mesmes ont fauorisé son retour :
estants assurez, que les desordres, qu’il produira
leur seront tres-aduantageux.

 

VII. De pareille estoffe sont ces deux autres
gaillardes menteries : que par les conseils, soings,
conduite, & valeur de S. E. Les Espagnols auoient est
chassez de toute la Champagne : où ils tiennent encore
Mouzon, la ville de Stenay, & le passage de
Dun sur la Meuse. Pour ce qui est de Rhetel, il
fut repris sans industrie, & sans peine. Il semble
aussi se vouloir attribuër le gain de la bataille, &
pour faire valoir vn exploit, où il n’estoit pas, il dit
qu’en cette rencontre la principale armée des Espagnols fut

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deffaite : comme si l’Archiduc, n’eust pas reserué
les meilleures, & plus grandes troupes pres de sa
personne ; & qu’on eust confié à d’Esteuan de
Guemarra le commandement de toutes les forces
du Pays-Bas. Chacun sçait, que ce qu’il auoit
ne passoit pas trois mille hommes, ioints auec les
gens du Mareschal de Turenne, qui en pouuoit
auoir autant. Le Cardinal Mazarin qui ne contribua
rien, ny de sa teste, ny de son bras ; veut
pourtant nous faire passer cette victoire pour vn
effect de sa prudence, & de son courage : parce
qu’il auoit pretendu auoir la qualité de generalissime,
au prejudice de Monseigneur le Duc
d’Orleans, qui estoit Lieutenant General de l’Estat,
dedans & dehors le Royaume.

 

VIII. Le Cardinal Mazarin croit nous auoir
osté toute l’apprehension que son retour nous
donne, en protestant qu’il ne se veut point mesler
d’aucune affaire. Pour nous persuader cette
bourde, il employe tant de paroles dans sa Lettre
pour le Roy, & encore plus particulierement
en celle qui est pour la Reyne, qu’on peut dire
qu’il s’est deffié de nostre foy. Il va iusques-là,
qu’il iure à la Reyne : que si Sa Maiesté luy commande
de prendre la moindre part dans le gouuernement de
l’Estat, il se dispensera de luy obeyr, en tout le reste
tres-humble seruiteur. Il est vray, que de sa grace,
il nous fait esperer ; qu’il communiquera à
nos Ministres ses belles lumieres : laissant à ceux

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qui en seront esclairez à l’en remercier : nous luy
dirons que nous ne pouuons croire, que le Cardinal
Mazarin ne se veuille point mesler d’affaires
estant en France, & dans la Cour ; ayant eu
l’ambition, & le credit de les conduire ; lors qu’il
estoit exilé en Allemagne. Quoy ? cét homme
qui s’estoit reserué la distribution des benefices,
des charges de la maison du Roy, des employs
de la Guerre, de la marche des armées, du sceau
des finances, & generalement la disposition de
tous les bien-faits ; reiectera de prez, ce qu’il attiroit
de loin, & demeurera les bras croisez, auec
vn chappelet en main, ou bien s’amusera à ses
petits diuertissemens, à sçauoir à faire des pomades,
ou des sauonettes, ou des pastilles à
manger, à brusler, à porter, ou à parfumer des
gans, & des peaux : ou à peser des perles, & des
diamans : ou à priser du point de Genes, de Venise,
& d’Espagne : ou à iuger des estoffes : ou il
retournera à son premier mestier d’honneste
Frippier : ou il entretiendra ses singes ? Mais comment
se pourroit accorder ce vœu solemnel, de
ne se plus mesler d’affaires auec les paroles qui
sont dans toutes ses lettres aux Gouuerneurs
d’Estat, de leur procurer des plus grands biens, &
aduancemens ? S’imagine-t’il, que nous puissions
croire, que ces Messieurs l’ayent suiuy ; ou qu’ils
ne le quitteroient point ; s’il ne leur eust fait, &
ne confirmoit tous les iours les promesses contraires

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aux protestations, qu’il fait au Roy, & à
la Reyne ? D’où s’ensuit ; ou que le Cardinal Mazarin
a enuie de tromper ceux qu’il appelle ses
amis ; ou qu’il veut endormir ceux qu’il tient
pour ses ennemis : Ainsi l’vn ou l’autre party, sera
pris pour duppe ; ou peut estre les deux. Mais que
deuïendroient tant de bottes de breuets, qu’il a
distribuez ; pour six Mareschaux de France ; pour
douze Ducs, & Pairs, pour trois cens Cheualiers
de l’Ordre : n’y ayant point d’Officiers, de Caualleries,
ny de Volontaires dãs son escorte, auec
lesquels il ne soit engagé pour vne recompense ;
ou en charges, ou en honneurs, ou en argent : les
vns ont des suruiuances de Gouuernemens ; les
autres des retenuës d’Offices, les autres des reserues
de benefices, & plusieurs ont la promesse
d’vne mesme chose. On dit qu’il a desia
disposé des principales charges de la Maison de la
Reyne future, & qu’il a fait esperer les mesmes
Offices a trois ou quatre pretendans, rien ne pouuant
estre refusé à ceux, qui sont Maistres d’vne
vie condãnée & mise à prix. Quantité de Beneficiers,
Gouuerneurs & Officiers doiuent tenir
sur leurs gardes, estant certain que les engagemens,
& peut-estre les prouisions secrettes, mettent
en danger les vies de ceux, qui croient estre
bien asseurez : toutes les creatures du Cardinal
Mazarin ayant demandé, & obtenu tout ce qui
les peut accommoder dans leur voisinage, & ail

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leurs : en sorte que personne ne peut estre exẽpt
de peril, que celuy qui est si heureux ; de n’estre
point conneu pour quelque suiuant du Cardinal
Mazarin, ou qui est si mal-heureux, qu’il n’a rien
qui puisse estre desiré. Adioustons : que si le
Cardinal Mazarin ne vient en France, que pour
estre Spectateur de ce qui s’y passera ; il ne deuoit
point presser le Roy de luy dõner la qualité
de Generalissime de ses armées : pourquoy a il
leué des troupes ? pourquoy les conduit-il, pourquoy
escrit-il, qu’il court, pour apporter l’eau qui
doit esteindre nos embrasemẽs ? pourquoy proteste-il,
qu’il n’a autre dessein, que de nous secourir,
& de nous soulager ? pourquoy desire il
de precipiter, s’il peut, Monsieur le Prince dans
les Riuieres de Dordogne, ou de Garonne, ou
dans la Mer, ou l’obliger à passer les Pyrenées ;
s’il veut estre oisif, & contempler nos maux,
sans y donner remede ? Apres ces declarations
grossieres, & impertinentes du Cardinal Mazarin,
qui dit, qu’il ne veut auoir aucun maniment,
ny direction, ny communication d’affaires ;
lors que nous voyons des actions, & lisons des
escrits, qui nous font voir, & chantent tout le
contraire ; s’y laisse surprendre qui voudra passer
pour vne beste, ou pour vn meschant, les Sages &
bons ne seront point attrapez par ces lourdes
fourberies, & les vrays Chrestiens detesteront
ces hypocrisies mal couuertes.

 

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IX. Pour monstrer que le Cardinal Mazarin
se deffait luy mesme ; vous remarquerez, s’il
vous plaist ; ce discours de sa Lettre au Roy,
qu’il ne peut demeurer dans vn repos honteux & voir l’incertitude
des affaires du Roy. Il s’oblige donc à l’action ;
au moins, tant que les choses seront dans
quelque agitation ; si ce n’est qu’il aye cette perfection
diuine, de mouuoir tout en demeurant
immobile : encores opereroit-il ; au moins par
volonté dans le cabinet de l’ame, s’il se retire
de celuy de la Royne,

X. Il manque aussi de iugement en plusieurs
endroicts de ses Lettres : comme lors, qu’il dit :
que l’Espagnol est vn ennemy tous-jours redoutable ; apres
qu’il l’a si souuent irrité & mesprisé, ayant voulu
continuer les guerres contre luy, apres la mort
du feu Roy ; en quoy il exposoit la France à des
grands perils ; s’il iugeoit que l’Espagnol fut si
formidable.

XI. Il fait le railleur, mais grossierement ; lors
qu’il escrit qu’apres son esloignement, & la liberté
de Monsieur le Prince, les Autheurs de ces deux
changemens, qu’il dit, auoir esté tumultuairement faits
nous faisoient esperer vn siecle d’or. Ce qui eust esté
par la maiorité de nostre Roy, si les cabales du
Cardinal Mazarin, qui vouloit reuenir en France,
& remettre Monsieur le Prince en prison,
n’eussent ramené le siecle de fer & de feu.

XII. Il tasche de nous persuader ; qu’il a tousiours

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sacrifié ses interests particuliers au bien de l’Estat ; & parle
souuent, de son esprit desinteressé sans considerer ;
que s’il preferoit nostre repos au sien, il ne viendroit
pas pour nous inquieter. Il ne voit pas aussi
que ceux qui ont connoissance du Palais magnifique
qu’il a acquis, augmenté & meublé dans
Rome, de l’Hostel superbe de Paris, qu’il auoit
remply de Statuës, & peintures rares, d’vne prodigieuse
quantité de liures, & meubles tres precieux,
de ioyaux de prix inestimable, sans ce qu’il
nous a caché, qui est dans les banques, & monts
de Pieté d’Italie, ne sont pas des tesmoignages
de son parfait desinteressement : s’il ne veut faire
croire, qu’il a apporté tous ces biens de son pays,
où il ne possedoit rien, lors qu’il se retira dans le
nostre.

 

XIII. Il proteste, qu’il brusle d’vn si grand
zele pour la gloire de la France, qu’il est prest à
s’immoler, pour calmer nos tempestes. Pourquoy
donc cette victime pacifique, qui veut estre
bruslée pour nous, vient elle pour nous brusler ?
Et pourquoy ce Ionas, qui se presente pour estre
ietté dans la Mer, l’agite d’auantage, en demeurant
auec obstination dans nostre vaisseau ? Et
pourquoy se fait-il condamner, à estre precipité
dans les vagues qu’il esmeut ?

XIV. Il change de discours, & nous demande
le payement des debtes par luy contractées,
pour le seruice du Roy. S’il n’eust esté question

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que de cela, tous les sages François eussent esté
d’aduis qu’on luy paya ce qu’on ne luy deuoit
pas, & qu’on luy rendit ce qu’il nous auoit pris ;
pour luy renuoyer tant de Sergens, qu’il amene,
& qui ont saccagé tous les lieux où ils ont
passé, comme ont fait durant son Regne les Fuseliers
qui leuoiẽt les Tailles. On iugera aussi que ce
n’est pas eu le moyen de s’acquiter, lors qu’il est
venu pour faire vendre, ce qui lui restoit en France,
& le conuertir en prix de sa teste, qu’on n’estime
pas tant, comme on prise sa calote qu’il a
exposée au mespris en quoy le sacré Consistoire
a plus de suiet de se plaindre de luy, que
des Iuges : celuy qui est indigne de cette auguste
qualité ayant esté le premier, qui a contraint
tous nos Souuerains arbitres de la vie & de la
mort, de condamner à mort vn Cardinal, qui s’estant
voulu mesler de gouuerner la France, s’estoit
assuietty à rendre compte de ses actions, à
ceux qui administrent la iustice du Souuerain, &
sont les veritables Interpretes, & Conseruateurs
des Loix du Royaume.

 

XV. Il est plaisant ; lors qu’il dit : que nous le persecutons
estant innocent, auec sa famille, à laquelle l’aage
n’a point permis d’estre autre qu’innocente : Pour croire
ce qu’il dit, en ce qui regarde sa personne, il
faut dementir toute la France, & casser les Arrests
de toutes les Cours souueraines. Pour ce
qui touche sa famille, qu’il asseure estre en l’aage

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d’innocence. Il ne se souuient pas, qu’elle est composée
d’vne Niepce mariée, & capable de porter
des enfans, de deux autres niepces, qui ne sont
pas bien esloignées des années de la premiere, &
d’vn nepueu ; qui est à cheual à la teste d’vn Regiment,
& en estat de tirer le coup de pistolet :
cependant en lisant la Lettre de son Eminance,
on croiroit qu’il est Ioseph le iuste, qui est
contraint par quelque Herode de s’enfuyr en
l’Egipte, auec quatre berceaux, & autant de
nourrices, & que la Feste des Innocens est la sienne,
& celle des siens.

 

XVI. Il iure que son dessein n’est point de fournir seulement
de pretexte à ceux, qui auroient dessein de troubler la
tranquillité publique : estant la veritable cause de
tous nos mouuemens, & voyant qu’ils croissent
tous les iours pour son sujet, s’il estoit bon pour
nous, & sage pour luy ; il s’en retourneroit ; apres
auoir leu les Arrests donnez contre luy, & sceu
que toutes les Prouinces arment ; pour chasser
vn homme qui leur apporte les trois fleaux de
Dieu.

XVII. Il calomnie Monsieur le Prince, en asseurant
qu’il a promis aux Espagnols beaucoup
de choses, qui ne sont pas. Il calomnie les Espagnols
en disant qu’ils ont declaré absolument,
qu’il ne vouloient escouter aucune proposition
de Paix : la verité est, que cette nation patiente,
qui auoit attendu longtemps les effects qu’elle

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void, de l’imprudence du Cardinal Mazarin, &
preuoyoit les aduantages, que l’Espaigne en
pourroit tirer : nous fit dire par D. Gabriel de
T oledo, que si on vouloit traiter dans l’Estat de
de nos affaires, qui auoient pris vn autre train ; il
ne falloit point parler ; ny de proteger la Catalogne :
ny d’assister le Portugal : ny de retenir la
Lorraine. Que pour le reste qui regardoit la
restitution des places, on s’en rapporteroit au
iugement des Mediateurs, qui estoient le Pape
& les Venitiens. Nous osons dire que si on eut
permis à Son Altesse Royalle de mettre en œuure
ce qu’elle auoit sagemẽt designé, que la bonne
opinion que les Estrangers ont de la fidelité
de ses paroles, eut acheué heureusemẽt ce grand
ouurage, qui ne fut rompu que par la ialousie,
& malice du Cardinal Mazarin qui pour empécher
ce bon dessein demanda vn entreueuë vers
Bayonne auec Dom Louys d’Aragon ; promettant
qu’il s’aboucheroit auec luy ; aussi-tost
que le Roy seroit entré dans Bordeaux, d’où il se
retira à Paris, sans auoir fait sçauoir de ses nouuelles
à Madrid, se contentant d’auoir arresté le
Traicté de son Altesse Royale.

 

Vous remarquerez, s’il vous plaist, qu’il se
contredit, disant en vn endroit de sa Lettre, que
les Espagnols de ce temps-là prindrent la resolution
de n’escouter aucune proposition de paix,
& asseurant ailleurs qu’ils ont eu dessein de la

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traicter auec luy. On iugera aussi si c’est vn
moyen de porter nos ennemis à la Paix ; que le
Cardinal Mazarin, qui a esté nostre principal Ministre,
leur declare dans sa Lettre à la Reyne ;
que la France est espuisée d’hommes, & de finances, &
a de la peine à se soustenir. Adioustez ce qu’il dit, que
les guerres ciuiles vont rendre la France vn horrible theatre
de calamitez & de desordres, en quoy il imite les
demons, qui predisent les maux, qu’ils veulent
faire. Voyez iusques où va la derniere folie de
cét homme, qui est autheur de nos miseres, & les
descouure à nos ennemis, qui n’ont point de
plus grande prudence, que d’attendre les effects
de ses temeritez.

 

Pag 25.
de la Lettre
à la
Reyne.

XVIII. La plus extrauagante de ses imaginations
est, de s’estre persuadé, que la resolution
qu’il a prise de nous venir trouuer auec vne poignée
de gens, sera approuuée par tous les bons François.
Les voleurs publics qui sont les Partisans, les
larrons particuliers, qui sont quelques Soldats
desbauchez : les Bauteliers de Gien, pratiquez
par quelques centaines de pistoles ; & certains
Courtisans corrompus, que le Cardinal Mazarin
appelle ses amis, s’en resiouyront tous seuls pour
vn moment ; lors que les gens de bien pleureront,
& priront Dieu, qu’il conuertisse ou chastie
bien-tost le Cardinal Mazarin & illumine le
Roy, & la Reyne sa Mere ; afin que leurs Maiestez
voyent les mal-heurs, dans lesquels on les
precipite, auec l’Estat de France, par le retour

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precipité du Cardinal Mazarin, qui se vient perdre
en nous perdant : estant certain que le plus
grand ennemy qu’il aura, sera luy-mesme, & qu’il
perira plutost par sa folie, que par la sagesse d’autruy.

 

XIX. Concluons nos obseruations, en disant :
que si le Cardinal Mazarin estoit naturel François,
il auroit plus de suiet de faire quelques efforts,
pour retourner en son pays : mais aussi, il
ne desireroit pas la ruyne de sa patrie, pour s’y
restablir. S’il n’auoit point la charité Chrestienne,
il auroit peust-estre la vertu morale de ce
Payen, qui disoit i’ayme, mieux souffrir la honte
d’vn exil, que de rentrer en mon pays, en le
faisant pleurer. Disons que cét estranger imite
la femme desbauchée, qui n’estant point la mere
de l’enfant contesté, consentoit qu’on le mit en
pieces : celuy qui veut estre estimé le pere de la
France, fait paroistre, qu’il ne l’est pas, en desirant
qu’elle soit diuisée : mais il faut esperer, que
nostre ieune Salomon estant assisté de la sagesse
de Dieu, discernera les veritables affections d’auec
les feintes, & renuoyra confus celui qui veut
regner dans la confusion.

A PARIS,
Chez NICOLAS VIVENAIT,
En sa boutique au Palais.

M. DC. LII.

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Anonyme [1652], OBSERVATIONS SVR QVELQVES LETTRES ECRITES AV CARDINAL MAZARIN, ET PAR LE CARDINAL MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_2572. Cote locale : C_12_35a.