Anonyme [1652], EXTRAICT DES REGISTRES DV PARLEMENT, CONTENANT Ce qui s’est passé pour l’esloignement du Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1351. Cote locale : B_11_29.
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Du Mercredy vingt-huictiesme Fevrier, mil six
cens cinquante deux, du matin.

CE iour, la Cour toutes les Chambres assemblées, Monsieur
le Duc d’Orleans y estant, present les Gens du Roy,
a esté fait lecture de la Lettre de Cachet du Roy, contenuë au
Registre du iour d’hyer ; Apres laquelle lecture ledit Seigneur
Duc a dit, apres auoir oüy la lecture d’vne Lettre de Cachet du
22. dudit mois, & les Conclusions de Messieurs les Gens du
Roy ; Qu’il auoit plusieurs fois declaré à la Compagnie, que
l’Armée que commande Monsieur le Duc de Nemours n’estoit
composée que de naturels François, & d’Allemans, Lorrains
& Liegeois, qui tous auoient fait serment au Roy, sous
son Authorité, sans qu’il y eust aucun Espagnol, ny Italien dãs
lesdites Trouppes. Qu’il pouuoit bien estre qu’vne partie d’icelles
auoit esté quelques années precedẽtes à la solde du Roy
Catholique, mais que dés lors que le C. Mazarin, pour l’expulsion
duquel hors du Royaume il les a fait entrer en France, en
seroit dehors, qu’elles se mettroiẽt à la solde du Roy, si sa Majesté
l’auoit agreable : Et que cõme il a protesté à la Compagnie
qu’il n’auoit pris les Armes, que pour maintenir les parolles
Royales de sa Majesté & ses Declarations, & pour l’execution
des Arrests de la Compagnie, qu’il les poseroit aussi à l’instant
que les Declarations & Arrests seroient executés, & que ledit
Cardinal seroit hors du Royaume. Et que si le Roy n’auoit agreable
de se seruir desdites trouppes, qu’il donnoit sa foy &
sa parolle de les faire aussi-tost sortir de France. Qu’à l’esgard
de celles qui sont sous son Nom, celuy de Monsieur le Duc de
Vallois son fils & les autres qui s’y sont joinctes, & qui sont
à present commandées par Monsieur le Duc de Beaufort ;
Qu’ayant esté conuié par la Compagnie à employer l’authorité
du Roy, & la sienne, pour empescher l’entrée & le restablissement
dudit Cardinal, il auoit esté obligé non seulement

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de les mettre ensemble, mais aussi de les fortifier du secours
que luy amenoit Monsieur le Duc de Nemours, pour
faire vn corps d’armée considerable, & effectuer ce que la
Compagnie l’auoit conuié de faire ; Que tant que ledit Cardinal,
qui auoit toute l’authorité à la Cour, qui est maistre de
la personne du Roy, & qui se sert de son nom & de ses forces
pour authoriser ses violences, seroit dans le Royaume, qu’il
n’y auoit rien de si naturel, ny si legitime, que de pouruoir à
sa seureté, & particulierement à celle de toute la Maison
Royale, dont ledit Cardinal auoit iuré l’entiere destruction.
Que toutes les Compagnies Souueraines du Royaume qui
l’ont si solemnellement condamné, ne deuoient pas attendre
vn meilleur traittement de luy. Et qu’ainsi c’estoit vn interest
commun que celuy de pouruoir à sa deffense cõtre vn ennemy
public ; mais qu’il protestoit derechef à la Compagnie de
poser les armes à l’instant qu’il sera hors du Royaume, & que
lesdites Declarations & Arrests auront esté executez, n’ayant
autre interest que celuy-là seul, non plus que tous ceux qui se
sont joincts en la mesme cause. Ce qu’il protestoit de nouueau
tant pour eux, que pour luy à la Compagnie : & qu’il fust fait
Registre de sa presente declaration, apres laquelle il ne
croyoit pas qu’il y eust sujet de faire aucune deliberation
sur ladite lettre de cachet, qui n’est qu’vn ouurage dudit
Cardinal, & de quelques vns de ses emissaires.

 

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ET Maistre Omer Talon Aduocat du Roy a dit ; Qu’apres
auoir entendu la lecture de la Lettre du Roy, & oüy ce
qu’il a pleû à son Altesse Royale de representer à la Cour, que
nous ressentions la continuation de nos maux procedans du
retour du Cardinal Mazarin, & du seiour qu’il fait proche
la personne du Roy & dans ses Conseils ; Que comme il n’y
auoit aucun homme de bien qui peust souffrir sans importance
& sans indignation la mauuaise conduitte d’vn Ministre
decrié, qui mettoit le trouble dans le Royaume, & l’Estat au
hazard d’estre ruїné, aussi personne ne pouuoit reuoquer en
doute les Ordres publics, sous la foy desquels subsiste la
Royauté, & sur le fondement desquels les Sujets du Roy peuuẽt
esperer la tranquillité publique : Sçauoir est, qu’il n’appartient
à qui que ce soit de leuer des Trouppes dans le Royaume
sans Commission du Roy ; & que de faire entrer des
Estrangers en corps d’Armée contre sa prohibition, est vn
crime de leze-Majesté ; Que nous supplions la Compagnie de
faire cette reflexion qu’en l’année 1615. Monsieur le Prince
de Condé se plaignit du Gouuernement de l’Estat, & de l’authorité
que le Marquis Dancre y auoit vsurpée ; sur quoy
des Remonstrãces ayans esté faites au Roy de viue voix &
par escrit, & n’ayant esté rien auancé, Monsieur le Prince se
retira de la Cour, & donna des Commissions pour leuer des
Troupes, sous le tiltre du seruice du Roy & du bien public : Et
quoy que le Manifeste de M. le Prince ne fut autre chose que
la repetition des Remonstrances du Parlement, & l’aduersion
de tous les Peuples contre le Mareschal Dancre ; neantmoins
le Parlement registra les Lettres du Roy, qui condamnoient
les Armes de Monsieur le Prince, parce que les choses iustes
doiuent estre souhaittées par des voyes legitimes, & qu’il est
contre la parole du Fils de Dieu, de pretendre de faire vne
bonne action par vn moyen qui soit deffendu & iniuste : Il
faut donner aux Souuerains quelque sorte de latitude dans
le Gouuernement de leurs Estats ; attendre que Dieu leur
frappe les cœurs & les conduise, & non pas par violance leur
arracher ce que l’on desire d’eux. Et de faict les Armes de

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Monsieur le Prince ayans esté condamnées en l’année 1616.
chacun sçait ce qui arriua au mois d’Auril 1617. en la personne
du Mareschal Dancre, qui donna le repos à la France, &
conserua l’Authorité du Roy toute entiere ; Que nous auions
en ce rencontre à aprehender quelque fâcheux éuenement
de quelque costé que le sort des Armes tombast, & que les
voyes de l’acommodation d’vn pour-parler & vne Conference
seroient souhaitables, dans lesquelles mettant pour
principe & pour necessité de la Conclusion, la retraitte du
Cardinal Mazarin en quelque sorte & maniere que ce soit,
voulut la faire executer, & auec telles causes & telles precautions
que sa Majesté le souhaitteroit : C’estoit la seule voye
de preparer quelque cessation des miseres publiques du
Royaume, Que pour cela nous pensions qu’en attendant la
perfection des Remonstrances qui doiuent estre redigées par
escrit, la Cour pouuoit escrire au Roy ; & apres luy auoir
offert le seruice, l’obeyssance, & l’entremise de la Compagnie,
luy faire entendre l’extremité des maux dont
son Estat est affligé par les Armes de Monsieur le Prince
dans la Guyenne, par celles qui sont aupres de sa personne,
ou que commande le Cõte d’Arcourt : par celles que conduit
le Duc de Beaufort, & par les dernieres, nouuellement entrées
dãs le Royaume, tous lesquels desordres ne peuuent estre imputez
qu’au retour du Cardinal Mazarin, & au seiour qu’il fait
prés sa Majesté, & à l’entrée qu’il a dãs ses Conseils, & desquels
desodres il est difficile d’esperer la cessatiõ, sinon par la retraite
& l’expulsion dudit Cardinal, lequel en effect est non seulement
le pretexte, mais l’occasion & la cause veritable de tous
les maux dont nous sommes affligez : Mais outre cette proposition,
nous auõs creu estre obligez d’en faire vne autre à la
Compagnie, qui peut produire la haine, ou du moins obliger
le Cardinal à s’esloigner lors qu’il sera attaqué dans son fort,
& dans le lieu d’vne retraite qu’il estime luy estre indubitable,
sçauoir la Cour de Rome : car nous sommes informez
qu’au mois de May dernier, ayant escrit au Pape, & s’estant
plaint à sa Saincteté des Arersts contre luy rendus en cette
Cour, entr’autres d’iceluy, qui porte qu’il luy sera couru sus,
s’il ne quitte le Royaume, il voulut exciter sa Saincteté de

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s’irriter contre les Ordres publics, & donner des Censures
Ecclesiastiques contre ceux qui en estoient les Autheurs ;
ce qui ne luy succeda pas aduantageusement, parce que par
la responce qui luy fut faite, & de laquelle nous auons la copie :
Le Pape par effect s’est moqué de luy ; & luy remonstrant
sa condition Ecclesiastique, & les grands honneurs & dignitez
qu’il a receu de la France, il luy conseille de la laisser en
repos, & de preferer la trãquillité à son interest particulier : de
sorte que si le Parlemẽt vouloit escrire à nostre S. Pere le Pape,
& luy faire entendre l’estat present des affaires publiques,
la contrauention faite par le Cardinal Mazarin à la Declaration
du Roy registrée en cette Cour le 6. Septembre dernier,
par laquelle il peut estre poursuiuy extraordinairement,
condamné & executé par effigie, cessant le respect que la
Compagnie veut porter à sa Saincteté, & au sacré College,
pour la reuerence du quel elle n’a voulu faire aucunes procedures,
suppliant sa Saincteté d’interposer son Authorité, &
sa bonté Paternelle pour retirer ledit Cardinal à Rome, & à
faute d’y obeyr, le dégrader de l’honneur du Cardinalat ; Que
si il manque de satisfaire aux Ordres qui luy seront enuoyez,
le Parlement suppliera sa Saincteté de trouuer bon
qu’il vse des remedes qui sont entre ses mains, & que la puissance
Royale luy a communiqué, pour purger le Royaume
d’vn Ennemy public. Mais apres auoir témoigné tout ce qui
peut faire cõtre la personne qui trouble l’Estat, nous sommes
obligez de trauailler à maintenir l’Authorité du Roy, empescher
que qui ce soit ne la veuille vsurper, que le droict de
faire la Paix ou la Guerre est vn droict Royal, incommunicable
à toute sorte de personne de quelque qualité qu’il puisse
estre ; Que leuer des Gens de guerre, donner des Commissions
pour cét effect, introduire vn Corps d’Estrangers, non
seulement sans la participation, mais contre les ordres du
Roy, est vne chose qui n’a iamais esté approuuée dans cette
Compagnie, laquelle est en possession de resister quelquesfois
aux volontez du Roy par Remonstrances, supplications
& autres voyes d’honneur, & non jamais par les
Armes, lesquelles Dieu a mise entre les mains des Souuerains ;
ce qu’il n’a jamais authorisé entre le mains des Sujets contre

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leur Souuerain. Ce que nous pensions deuoir representer
à la Cour en la presence de Monsieur le Duc d’Orleans, qui a
tousiours donné par ses actions l’exemple de l’obeyssance,
afin que ce qui n’est arriué iamais dans cette Compagnie,
d’authoriser la rebellion & la guerre Ciuile, n’arriue pas en
rencontre, dans lequel la Compagnie demeurant dans son
deuoir, doit trauailler à l’expultion du C. Mazarin par
les voyes qui sont honnestes & legitimes, & qui sont conuenables
à sa condition, sans se departir des voyes de respect, &
l’exemple de la fidelité que nous deuons monstrer à tous les
Peuples ; Et ont esté les Conclusions dudit Procureur General
données, & desquelles la teneur ensuit. Ie persiste aux
Conclusions par moy prises de viue voix, & par escrit ; Et
requiers qu’il soit incessamment trauaillé aux Remonstrances
cy-deuant ordonnées ; Et attendu les necessitez vrgentes
de l’Estat, qu’il sera presentement escrit au Roy pour offrir le
seruice, obeyssance & entremise de la Compagnie, & faire
ouuerture de quelque Conference d’aucuns Deputez d’icelle,
en l’occasion du peril present de l’Estat. Et pour remonstrer
audit Seigneur Roy, que le sejour du C.
Mazarin prés de sa Personne & dans ses Conseils, est la cause,
la matiere, & le pretexte de tous les maux dont l’Estat est
affligé, & de la suittte de plus grands dont il est menacé ; Et
que l’esloignement dudit Cardinal est le plus prompt & le
seul remede pour y paruenir : Et qu’outre sous le bon plaisir
du Roy, il sera escrit à nostre sainct Pere le Pape, pour le prier
d’auoir esgard aux mal-heurs de la France, & de la Chrestiẽté,
& d’interposer son Authorité pour rappeller ledit Cardinal
Mazarin, & le faire sortir hors le Royaume, & cependant
requiers que les Ordonnances du Royaume seront gardées
& obseruées pour la leuée & conduitte des Gens de guerre :
Deffenses à toutes personnes de quelque qualité & condition
qu’elles soient, sous quelque pretexte qui ce puisse estre,
d’y contreuenir sous le peines portées par icelles ; Et que tant
sur mes precedentes que sur les presentes Conclusions, il sera
deliberé toutes autres affaires cessantes. Signé FOVQVET,
Fait en Parlement an & iours susdit.

 

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