Anonyme [1652 [?]], SECONDE PARTIE DV POLITIQVE VNIVERSEL, OV BRIEVE ET ABSOLVE DECISION de toutes les questions d’Estat les plus importantes. SCAVOIR EST, VIII. S’il y doit auoir vn premier Ministre d’Estat. IX. Si tous les Ministres d’Estat ne doiuent pas auoir vne égale puissance. X. Si les Princes, l’Estat, & les peuples peuuent estre pis ou mieux, dans cette egalité de Mnistres (sic). XI. Si l’on doit receuoir vn estranger dans le Ministere. XII. Si l’on doit souffrir qu’vn seul Ministre gouuerne tous les affaires de France. , françaisRéférence RIM : M0_2818. Cote locale : B_17_31.
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QVESTION HVICTISEME.

Sçauoir s’il y doit auoir vn premier Ministre
d’Estat dans le Conseil du Prince.

QVand les Princes ne se veulent pas
rendre odieux à tous les peuples de
la terre, il faut qu’ils gouuernent leurs
Estats, de la mesme sorte que Dieu gouuerne
toutes les parties de ce grand Vniuers, & qu’il
dispose de ceux qui sont faits pour luy ayder à
supporter la pesanteur de l’Estat, ainsi que cét
adorable Seigneur dispose de ses creatures.
Nous voyons le Ciel, l’air, la terre, l’eau & le
feu, faire parfaitement bien & auec vne inuiolable
fidelité, ce à quoy ils sont destinez. Le
Ciel ne reçoit l’ordre de ses reuolutions que de

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ce Principe Vniuersel, l’air ne se meut que selon
la volonté de cette independante vertu, la
terre ne reçoit point de commandement que
de son infinie bonté, l’eau ne se meut que selon
son bon plaisir, & le feu n’agit iamais sur
quoy que ce soit qu’apres que cét adorable autheur
de tout l’estre crée, luy a donné la commission
de ce faire. Nous voyons bien qu’ils
s’humilient tous aux inuiolables decrets de
leur Souuerain : mais nous ne voyons pas qu’il
y en ait vn qui se puisse vanter de disposer absolument
des autres.

 

Il ny a personne qui ne sçache bien que la
souueraineté doit regner par tout : mais nous
ne voyons pas deux testes sur vn mesme corps,
ny deux vniuerselles puissances dans toute la
nature. Le Conseil du Prince n’a non plus besoin
de deux chefs que son Estat à besoin de
deux Monarques. Si le Roy donne cette qualité
de premier Ministre d’Estat à quelqu’vn du
Conseil, ie voudrois bien sçauoir si sa Maiesté
doit passer pour le second lors qu’elle y presidera.
Le Roy doit estre s’il me semble le
premier Ministre de son Estat, & par consequent
de son Conseil, puis que Dieu luy a
donné la charge de le conduire selon sa sainte
volonté, & de rendre la iustice à ses peuples.

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L’Eglise qui est vn Estat Monarchique &
Vniuersel n’a que deux Chefs, l’vn éternel Souuerain
indépendant, & l’autre Souuerain dépendant,
& premier Dispensateur, ou pour
mieux dire premier Ministre de toute la Congregation
des fideles. Celuy-cy a quantité d’autres
Ministres sous luy, ie l’aduoüe : Mais il n’y
en a pas vn qui puisse prendre la qualité de
premier Ministre de l’estat Ecclesiastique que
luy seul, ny qui ait droict de pretendre à l’absoluë
administration des affaires que ce veritable
Lieutenant de sa toute puissance. La
France qui n’est qu’vn Estat Monarchique, &
point Vniuersel comme l’autre, n’en doit pas
esperer dauantage. Iesus-Christ comme Chef
de toute principauté, & comme souuerain
Maistre de toutes les autres puissances, est le
veritable Souuerain indépendant de toute
l’estenduë de cét Empire : & le Roy comme
Souuerain dépendant, & premier Dispensateur,
ou pour dire comme nous auons desia dit,
premier Ministre des affaires de cette puissance
indépendante, dans tout le circuit de ce
Royaume, ne doit pas souffrir qu’vne qualité
qu’il tient immediatement de Dieu, & sans
laquelle il ne sçauroit estre ce qu’il est, luy soit
vsurpée par vn faquin, ou par vne de ses creatures.
Il peut bien auoir quantité d’autres Ministres

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au dessous de luy, afin de le soulager
d’vne partie de tant de soins qu’il doit donner
à la conduite de ses affaires : mais il n’y en a
pas vn à qui il doiue laisser prendre vne si eminente
qualité, puis qu’elle n’est deuë qu’à la
puissance Souueraine.

 

Les Iuges & les Magistrats inferieurs, bien
qu’ils soient ordonnez de Dieu aussi bien que
ceux de qui ils dépendent, n’ozeroient auoir
pris la qualité de premiers Ministres des affaires
de ces mesmes luges. Prenez garde à vous
dit saint Paul, parlant aux Euesques, laquelle
doctrine sainct Bernard embellit merueilleusement
bien, en disant, vous vous trompez,
Messieurs, si vous estimez que la souueraine
authorité Apostolique vous appartienne. Mais
si saint Bernard auoit beaucoup de raison de
dire cela à des Prestres qui ne sçauroient estre
au dessous de la souueraine Prestrise en ce qui
est de la puissance qui concerne le Sacrement
du Corps de Iesus Christ, laquelle ne se peut
augmenter ny diminuer en façon quelconque,
nous en auons bien encore plus à dire
de ces petits mirmidons issus de la lie du peuple,
prenez garde à vous, & vous vous trompez
bien, si vous croyez, Messieurs les fauoris,
que cette qualité de premier Ministre d’Estat
vous appartienne, puis qu’elle n’est deuë qu’à

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celuy qui tient le premier rang dans la Monarchie.

 

Il est vray que s’il n’y auoit point d’autre
premier Ministre d’Estat que le Roy, & qu’il
pleust à sa Maiesté de les considerer tous également,
que ce seroit auoir trouué l’art de viure
tousiours en paix, & de donner vn repos
éternel à tous les peuples de France. Le desordre
ne se peut iamais si bien empescher que par
l’égalité des puissances, ainsi que nous le ferons
voir dans la question suiuante.

Aristote veut que le Prince soit le chef de
son Conseil, afin que la passion de ses Senateurs
soit moderée par sa presence, c’est à dire qu’il
en doit estre le premier Ministre, ainsi qu’il
se peut voir au douziéme traité de sa Metaphisique.
Les soixante anciens que Moyse fit assembler
pour gouuerner le peuple, lors qu’il
n’en pouuoit pas bien estre le maistre estoient
tous égaux, & il n’y en auoit pas vn qui se pust
dire estre au dessus des autres. La principauté
d’vn Senat, & la faueur du Prince iointes ensemble,
font vn torrent si prodigieux, que
lors qu’il vient à se deborder, il n’y a rien de
si constant ny de si ferme qui ne soit ébranlé
& le plus souuent entraisné par le moindre effort
de sa violence.

Si les Anges n’eussent pas eu vn premier

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Ministre dans le Conseil de leur Estat Hierarchique,
le desordre ne se seroit pas mis dans
leurs dominations, & la pluspart de leurs principautez
consacrées à la gloire de Dieu, ne se
seroient pas veuës à la mercy des puissances
ennemies, infernales, & diaboliques.

 

Concluons donc apres cela qu’il n’y doit
point auoir vn premier Ministre d’Estat, dans
pas vn de tous les Conseils du Prince, tant ces
monstres denaturez sont pernicieux à toutes
les affaires des hommes.

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