Anonyme [1651], LE TRIOMPHE DE L’INNOCENCE MANIFESTÉ Par la destruction des impostures & faux bruits qu’ont semé les Partisans du Cardinal Mazarin contre l’integrité de Monseigneur LE PRINCE. Auec les foibles raisons par lesquelles ils taschoient de déguiser leur médisance, pour rendre sa conduite odieuse & suspecte, que l’Autheur monstre ne pouuoir subsister, sans que ce Prince eut manqué contre toute sorte de bonne maxime. , françaisRéférence RIM : M0_3873. Cote locale : B_6_5.

Sub2Sect suivant(e)

LE
TRIOMPHE
DE
L’INNOCENCE
MANIFESTÉ

MONSIEVR LE PRINCE, comme toute
la France sçait, gagnant par ses victoires
des Villes & des Prouinces au Roy, s’estoit à
mesme temps acquis les cœurs des François, & y
regnoit sans vsurpation, y entretenant autant de
respect pour l’authorité souueraine, qu’il y trouuoit
de l’amour pour luy. Son ennemy qui n’estoit
autre qui celuy de l’Estat, pour le priuer de
cét aduantage, en le rendant odieux à ceux qui
l’adoroient, ne sçeut pas mieux faire que l’attacher
à son party, qu’il disoit estre celui du Roy,
& par vne fourbe & vne malice qui ne pouuoit
se trouuer en tout autre que luy, ou en vn demon,
l’engager à faire la faute qu’il proiectoit

-- 4 --

apres persecuter. Sous pretexte de chastier des
rebelles, il larme contre ses adorateurs, & attirant
à soy tout le crime de l’action, il le charge
de toute la haine. Ce décry pratiqué auec beaucoup
d’artifice, luy donna moyen d’opprimer sa
vertu, & luy payer en ingrat sa protection auec la
prison, qui dureroit encore aujourd’huy, si la verité
découurant son innocence ne l’auoit remis
dans la premiere possession de tous les cœurs.
Croiriez-vous que les restes de ce Ministre aneãty,
pretendent exposer ce grand Prince à vne pareille
ou plus grande disgrace par des pratiques
semblables à celles qu’ils ont apris de ce Politique
malicieux ? Ils sçauent que toute la France
attendoit de la liberté de Monsieur le Prince les
deux biens qui lui manquoient pour mettre fin
à ses miseres, l’aneantissement du party Mazarin,
& la paix auec l’Espagne la timidité & la
sotise de ce fugitif a preuenu les efforts de Monsieur
le Prince par son éloignement, & l’exemptant
du traitement qu’il meritoit, ne luy a laissé
que la satisfaction de le voir reduit à mandier
quelques jours pour sa retraite qu’on ne vouloit
à l’heure, & qu’on ne pouuoit pas aisément
empescher. Il est vray disent ils ; Mais
il restoit encore apres cette fuite à poursuiure
par les voyes de la Iustice ce fugitif eschappé,
& faire par Arrest de la Cour vn

-- 5 --

banissement honteux d’vne retraite trop heureuse
pour vn perturbateur de l’Estat, & d’vn criminel
de leze Majesté. Il y auoit lieu de le priuer
des grands Benefices qu’il y possede par des
voyes qui l’en rendent indigne : Aussi n’est-il pas
raisonnable qu’on le souffre ioüir des biens-faits
d’vn Royaume, duquel il a si mal merité, &
qu’on luy permette de cueillir les fruits de l’arbre
qu’il a renuersé. Il estoit a propos d’en rendre
vne partie à ceux qu’il en auoit dépoüillé, leur
vendant les faueurs du Roy, & ne laschant point
d’Euesché qu’il n’en profitast de quelque Abbaye.
Il estoit necessaire pour ses interests &
pour le bien de tout le monde, d’arracher du
Conseil & des premieres charges les supposts de
l’ennemy cõmun, & les instrumens de sa violẽce
qui ne s’en prenoit plus aux particuliers depuis
les barricades, mais aux Villes & aux Prouinces
entieres, & vendoit à l’ennemy vne partie du
Royaume pour en conquester l’autre. On voit
cependant que Monsieur le Prince a témoigné
pour tout cela, vne insensibilité plus grande que
celle des personnes indifferentes, quoy que la
nature ne semble l’auoir animé de la generosité,
qui fait la meilleure moitié de luy-mesme, que
pour empescher cette apathie, ny sa naissance
luy auoir donné le sang de premier Prince, que
pour l’opposer à ce rusé qui tiroit de nostre facilité

-- 6 --

le pouuoir de nous perdre. C’est estrange,
que ny la passion de la vengeance, apres les oppositions
faites à l’auancement de sa maison, à sa
gloire & à son credit, apers les desseins qu’il a eu
sur sa vie, l’exposant malicieusement à des dangers
insurmontables à tout autre, apres l’attentat
commis contre sa liberté, & les calomnies
inuentées contre son innocence & sa fidelité,
ny le zele de la Iustice, pour des crimes si publics,
ny les conseils de la prudence pour sa seureté,
ny l’exemple de ceux qui ont assez vigoureusement
entamé son ennemy pour luy laisser
faire le reste, ny l’approbation generale qu’il en
pouuoit esperer, n’ont sceu l’obliger à rien entre
prendre contre luy ? N’est-ce pas pour voir
perir le peuple, qu’il soublie soy-mesme, & que
la haine qu’il a conceu depuis long-temps contre
cette multitude est la premiere en rang, &
preuant encore à present à celle qu’il peut auoir
contre vne seule personne ? Voila les discours
que les Partisans du Mazarin employent pour
décrier dans l’esprit du peuple la douceur qui les
espargnent. Ces ingrats veulent que tout le
monde la blasme, excepté celuy qui la pratique,
& si ces discoureurs parloient à luy, ie suis asseuré
qu’ils apprehenderoient leur éloquence & ne
voudroient rien moins que le resoudre a faire
autrement.

 

-- 7 --

Ils adioustent pour vn second chef de leur medisence,
que c’est en vain qu’on attend la paix de
luy, que s’il se charge de la procurer, ce n’est que
pour oster à tout autre l’occasion d’y reüssir, &
cependant nous faire croire que la Paix est vn
ouurage du fer, non pas de la plume & des traitiez :
Que c’est vn bien que la priere & la ciuilité
ne retireront iamais des mains d’vn ennemy
mal traité : qu’il faut l’arracher, & qu’il n’y a que
les armes & les victoires qui puissent le faire.
Qui ne void que la Paix ne peut estre que grandement
contraire à son humeur guerriere, animée
par sa generosité naturelle, flatée par son
bon-heur, enflée par sa gloire, mesnagée par
l’interest & l’esperance des grandes recompenses ?
s’il en sait cas par consideration deuant le
monde, il est certain qu’à mesme temps il la deteste
de bon cœur, & n’a point d’autres sentimens
pour elle que ceux que l’Enfer a pour la diuinité,
qu’il adore, & qu’il haïr. La Paix ruine
ses interests, & luy fait chercher dans sa bourse
la recompense qu’il doit à ceux qui l’ont seruy,
& qu’il leur fait auoir auiourd’huy par les emplois
qu’il leur procure dans les Armées, & par
la distribution qu’il a fait des Offices de cinq
Regimens que sa maison a leuez depuis peu
Apres cela, veut-on qu’il puisse la considerer
comme le peuple, & la rechercher comme vn

-- 8 --

bien necessaire. Si la Paix tient entre ses bras
vne corne d’abondance, elle est rennersée pour
luy, ne reste pleine que pour le bourgeois &
pour l’artisan qu’il n’a iamais consideré. En effet
auons nous depuis sa liberté, ny Paix, ny
tresve, ni Police dans les Armées, ni quelque
espece de soulagement, ni lieu d’en esperer de
son zele, le voyant si particulier, & tellement
destaché de l’interest public ? Tenons pour certain
qu’il n’exposera iamais sa vie, ni celle des
siens, pour acquerir le tiltre de Pacifique, comme
il a fait pour celui de conquerant & de victorieux.

 

Enfin pour establir leur calomnie, ces gens
par vne liberté peu Chrestienne, penetrent
dans ses intentions, & les produisent auec toute
la malice qu’elles peuuent auoir, sans nous laisser
la liberté de croire qu’elles en ayent moins.
Comme s’ils estoient les depositaires de ses secrets,
& les Dieux de son cœur qu’ils esclairent
auec leurs regards, & la seule lumiere de leurs
yeux, ils asseurent a tout le monde que Monsieur
le Prince ne veut pas mieux qu’vne longue
guerre & de mauuais succez, pource qu’ils portent
la Monarchie en decadence, & qu’il s’asseure
que ce grand corps ne sçauroit se briser
qu’il n’en profite des pieces. Doit-on attendre
qu’ayant cette veuë il en recherche la fin, &

-- 9 --

ne peut-il pas croire qu’il en fait assés pour son
honneur, & pour sa conscience s’il ne l’allume
pas ? Apres l’auoir faite durant plusieurs campagnes
pour le bien de l’Estat, ne faut-il pas
qu’il soit doublement aise que ses ennemis la
fassent à present pour le sien, & à leur honte. Au
pis aller, s’il arriue que la longueur de la guerre
ne détruise pas l’Estat, Il est pour le moins infaillible
qu’il luy en restera vne si grande foiblesse,
que son bon-heur, son adresse, & sa generosité
luy presenteront vn appuy necessaire, duquel
on ne sçauroit se passer. Et c’est alors que
son grand credit auec ses hautes recompenses,
luy mettra en main de quoy passer outre, & contenter
son ambition qui se persuade qu’vn Prince
en France est vn Roi commencé, & qu’en l’acheuant
on aide esgalement la nature & la fortune
que les fleurs de Lis de ses armes ne doiuent
pas estre steriles comme celles d’vn parterre, &
qu’elles produisent des couronnes royalles à qui
les sçait cultiuer.

 

Sub2Sect suivant(e)


Anonyme [1651], LE TRIOMPHE DE L’INNOCENCE MANIFESTÉ Par la destruction des impostures & faux bruits qu’ont semé les Partisans du Cardinal Mazarin contre l’integrité de Monseigneur LE PRINCE. Auec les foibles raisons par lesquelles ils taschoient de déguiser leur médisance, pour rendre sa conduite odieuse & suspecte, que l’Autheur monstre ne pouuoir subsister, sans que ce Prince eut manqué contre toute sorte de bonne maxime. , françaisRéférence RIM : M0_3873. Cote locale : B_6_5.