Anonyme [1650], LE GRAND COVRIER OV LE CELEBRE DEFENSEVR DV MARDY GRAS, ET SON DIALOGVE AVEC gros Guillaume, le Dodelu, & Frippe-sausse. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : C_1_48.
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ie les estime mal-heureux, & i’ayme bien mieux le col
de Gruë, que souhaittoit vn certain goinfre de l’antiquité.

 

Roger bon temps.

Apportez s’il vous plaist vne chaise à ce Iaseur qui
vient m’interrompre, & qui m’a fait presque oublier
tout ce que i’auois de bon à vous dire. Prenez-vous en
donc à luy, si ie ne dis rien que de mauuais, ie n’ay pas
leu l’art de la Memoire artificielle, & souuent mesme
quand ie bois, ie ne me souuien pas qu’il n’y a qu’vne
minute que i’ay beu. De grace, dites-moy si i’ay disné
auiourd’hui ? Mais, Messieurs, pour m’acquitter de
ma charge, il faut que ie presche sur la vendange,
comme dit le prouerbe, & que ie defende la cause du
pauure Mardy gras, que quelques seueres & maigres
esprits osent accuser auec outrance. Ie lis en vos visages,
Messieurs, la ioye que vous conceuez du plaisir
que vous gousterez par cette Apologie armée de Saucissons
& de Boudins, & qui apres tout ne sera pas si
longue que les oraisons de Demosthene. Pour moy,
ie tiens qu’en toutes choses la longueur est mesprisable,
& qu’elle n’est bonne que dans les repas. Ne le
croyez vous pas aussi bien que moy, Vous qui m’escoutez,
si vous n’estes sourds, ie m’en doute bien, sans
qu’il faille que vous me disiez ouy. A propos de la
bonne chere, les Anciens auoient-ils pas raison de festiner
souuent ensemble, & il y a grand plaisir à lire la
façon magnifique de banquetter chez Lucullus ? Pour
moy, i’ay tousiours cru, & ie ne pense pas m’estre trompé,
que si vn certain Philosophe rioit tousiours, que
c’estoit qu’il auoit de quoy frire, & que celuy qui pleuroit
à toute heure, n’auoit ny de quoy boire, ny de



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