Anonyme [1649], LA VERITABLE CONDVITE DV COVRTISAN GENEREVX. , françaisRéférence RIM : M0_3925. Cote locale : A_5_107.
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celuy qui auoit dessein de se maintenir en bonne posture aupres
de la personne des Roys, deuoit auec grand soin s’adonner
à l’étude de la Philosophie. C’est elle, dit cét Oracle des
siecles passez, qui apprend aux Courtisans ce qu’ils doiuent à
leur Souuerain, & ce qu’ils sont obligés de se rendre à eux-mesmes.
C’est elle qui nous donne la connoissance du bien
& du mal ; qui nous descouure les precipices qui enuironnent
les throsnes, qui nous éclaire parmy les obscuritez de cette
vie pleine de miseres & de calamitez, qui nous rend constans
dans les disgraces, & moderez dans vne fortune eminente.
La Philosophie donc est tres-necessaire au genereux Courtisan,
& sans ses lumieres sa conduitte seroit peu iudicieuse,
ses entreprises sans effet, & ses actions sans gloire. Ie sçay
qu’il s’est rencontré des esprits trop grossiers pour se persuader
que la complaisance, & la valeur estoient des motifs assez
puissans pour porter les Princes à aymer ceux qui possedoient
ces qualitez ; Que pour l’ordinaire les Majestés absoluës
ne considerent que les personnes capables de les deffendre
ou de les diuertir ; Que la flatterie penetre iusques dans
les Cabinets des Roys, & que quelque prudence qu’ils puissent
auoir, ou quelque resolution qu’ils fassent, ils ont tousjours
beaucoup de peine à se garentir de cette peste malheureuse.
De là ils concluent, quoy que sans raison & sans fondement,
que la Philosophie est inutile & infructueuse aux Courtisans,
d’autant que cette science est trop genereuse pour flatter,
& trop craintiue pour s’exposer dãs les hazards de la guerre.
Leur pensée auroit sans doute l’approbation de plusieurs, si
la science estoit semblable à ces statuës, qui n’ont ny vie ny
sentiment, ou bien à ces geans dépeins auec tant d’artifice
dans des tableaux, qu’ils semblent marcher à grands pas bien
qu’ils n’auancent aucunement. Mais il est tres-certain qu’elle
a le pouuoir d’animer, de donner de l’action, du courage, de
la vertu à tous les cœurs dans lesquels elle reside. C’est elle
qui inspire les grands desseins, les entreprises glorieuses, les
projets honorables, & qui donne de la resolution pour les
executer ; l’ardeur d’vne generosité qui enuisage les plus
grands perils, & mesme la mort sans aucune émotion, l’issuë


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