Montmorancy, C. de [signé] [1650], LETTRE DE MADAME la Princesse Doüairiere de Condé, presentée à la Reine Regente. Contentant tous les moyens dont le Cardinal Mazarin s’est seruy pour empescher la Paix, pour ruiner le Parlement & le Peuple de Paris; pour tâcher de perdre Monsieur le Duc de Beaufort, Monsieur le Coadjuteur, Monsieur de Brousselles, & Monsieur le President Charton; par l’assassinat supposé contre la personne de Monsieur le Prince; & pour emprisonner Messieurs les Princes de Condé & de Conty, & Monsieur le Duc de Longueuille. , françaisRéférence RIM : M0_1954. Cote locale : B_4_22.
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si le Royaume n’en auoit pas assez à combattre de tous costez
par tout où le nom de la France cõmence d’estre hay à
cause de celuy de Mazarin, il s’est encore auisé depuis
quelques jours, à luy susciter la haine du grand Seigneur,
par la prise que le Cheualier Paula fait d’vn vaisseau des
Armeniens, qui nauigeoieut sous sa baniere, & veut sans
doute par cette rupture & par le mespris qu’il fait faire de
ses estendars, l’obliger à rompre auec la France, à mespriser
l’ancienne alliance qu’il a auec elle, & à la donner à
son prejudice à l’Espagne, qui la demande par vn Ambassadeur
qu’elle tient pour la premiere fois à la porte, où le
visage des Espagnols n’estoit point encore connu.

 

Ces Armeniens, MADAME, de qui l’on a pris le
vaisseau contre le droit des alliez, sont ces pauures gens
que Paris voit tous les jours auec pitié, reduits à la derniere
misere, & à ne pouuoir quasi pas demander l’aumosne,
ny faire entendre que par leurs cris & leurs pleurs le
vol qu’il leur a esté fait, ny demander la restitution de plus
de trois millions en soye & en pierrerie, que le Cardinal
Mazarin a confisqué à luy-mesme, comme s’il estoit le
Souuerain, n’ayant seulement pas voulu permettre non
plus que le sieur d’Emery, qui est aussi peu charitable que
luy, qu’on donnast pour viure à ces pauures Marchands
ruinez, les trois mil liures que vostre Majesté touchée de
leur misere leur auoit ordonné.

Si ce Cardinal n’espargne pas les estrangers, il n’a garde
de pardonner aux François, il est si fort accoustumé de
les piller sur terre, qu’il veut encore les piller sur la mer,
il ne peust s’empescher il y a quelque temps, de prendre
trois de leurs vaisseaux chargez de riches marchandises,
que vostre Majesté, à la priere de Monsieur le Prince mon
fils, eut la bonté de faire rendre aux Marchands de Paris
à qui elles appartenoient, lors qu’ils vinrent au Palais
Royal se jetter à vos pieds pour vous en demander la restitution.
Comme il aime à voler, il laisse impunement
voler les autres, & il ne faut pas esperer qu’il employe le



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