D. B. [signé] / Cyrano de Bergerac, Savinien de [?] [1649], LE GAZETTIER DES-INTERESSÉ, ET LE TESTAMENT DE IVLES MAZARIN , françaisRéférence RIM : M0_1466. Cote locale : E_1_58.
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son throsne ; dans son Eglise comme vn pere de famille dans
sa maison ; dans le monde comme vn Gouuerneur dans sa Prouince :
dans le iuste comme vn Azile, & dans les reprouuez comme
horreur & tremblement, de quel sorte peut-il estre dans ce Cardinal,
qui comme vn autre Attila, peut estre appellé le fleau de Dieu ?
Comme on dit qu’vn Ancien voyoit tousiours sa figure de quelque
costé qu’il cheminast : on ne peut douter que ce miserable n’ait
tousiours ses crimes deuant ses yeux en quelque lieu qu’il puisse aller,
& que ses diuertissemens ne deuiennent enfin ses furies. Le méchant
peut trouuer des retraittes, disoit Epicure, mais il n’y peut
trouuer d’asseurance, pour ce que le peché ne sçauroit estre impuny,
& que le chastiment du mal est dans le mal méme.

 

Il n’a pas seulement vomy son venin contre les hommes, l’a
méme vomy contre Dieu dans la persecution de ceux qui annonçoient
sa parole, & n’a pû laisser en repos les Ministres de son Euangile.
C’est ainsi qu’il en a fait emprisonner quelques-vns, & qu’il a
interdit la chaire aux autres, qu’il en a épouuanté quelques autres
par les menaces, comme si on ne pouuoit estre innocent à prescher
vn Dieu, & qu’il eut entrepris de s’opposer à la gloire de celui
qu’il est obligé de craindre. Apres auoir veu qu’il n’estoit pas du
siecle des fables, & qui ne pouuoit estre le successeur de ces vieux
Titans de son pays, qui oserent attaquer les Dieux iusques dans
le Ciel, il a eu la hardiesse de porter vue partie de sa fureur
iusques sur le siege de sainct Pierre, de se declarer contre le
Pape, apres auoir fait assassiner vn de ses nepueux, & de proteger
ouuertement contre lui des personnes, que des larcins publies
auoient renduës criminelles au premier chef de les rappeller au
milieu de ce Royaume, & de les remettre dans leurs charges,
quoy que leurs mains fussent encore toutes rouges du sang d’vn
Escuyer de l’Ambassadeur de France. Mais comme toutes ces
impietez s’attachent directement au Dieu que nous adorons, &
qu’il ne veut point reconnoistre : c’est a luy à prononcer quelque
iour ce qu’il a resolu dans ses decrets eternels, & a faire esclatter
comme il luy plaira, sa misericorde ou sa iustice.



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