D. B. [signé] / Cyrano de Bergerac, Savinien de [?] [1649], LE GAZETTIER DES-INTERESSÉ, ET LE TESTAMENT DE IVLES MAZARIN , françaisRéférence RIM : M0_1466. Cote locale : E_1_58.
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Nous nous plaignons seulement icy, que le Cardinal Mazarin se
soit paré de nos ornemẽs, qu’il se soit fait grand de nos pertes, &
qu’il compose encore aujourd’huy ses triomphes de nos gemissemens
& de nos miseres. Nous nous estions contentez de souspirer
dans nos familles : Nos plaintes n’estoiẽt point sorties de nos maisons :
Nostre lict & nostre foyer auoient partagé toutes nos larmes,
& nous n’auions eu pour tesmoins de nostre murmure, que nos freres,
que nos enfans, & nos femmes. Mais depuis que nous auons
veu qu’il s’est emparé ouuertement de l’Estat, qu’il nous a desrobé
nostre Prince legitime, qu’il l’a mesme en leué de nuict, sans auoir
égard à sa personne sacrée, ny au mal-heur qui pouuoit suiure la
delicatesse de son temperament & de son aage, & qu’il nous a voulu
presser par la guerre & par la famine, nous nous sommes fortifiez
contre ses ataques, & nous n’auons pas moins fait que ces ouuriers,
qui pour trauailler plus seurement aux muraillles de Ierusalem,
tenoient la truelle d’vne main, & l’espée de l’autre. Nous
auons reconnu que ce Ministre ambitieux estoit prest de se faire
vne puissance legitime de l’vsurpation, & qu’il ne luy restoit plus
rien à faire, apres s’estre mis au dessus des Loix, & au dessus des
Magistats qui sont commis à la distribution de la iustice. Nous auons
remarqué par la suitte & par la violence de ses desseins, qu’il
auoit charmé la plus part des grands, & qu’il auoit esbloüy des
Princes pour qui les Poëtes les plus des-interessez ont fait éclatter
des Odes qui ne valent gueres moins que des Hymnes, & pour qui
les Orateurs les plus celebres ont fait des Panegyriques qui eussent
passé dans d’autres siecles pour autant d’Apotheoses. Nous auons
veu que ces Princes mesmes ont imposé des Loix & des chaisnes à
des ennemis estrangers, cependant qu’ils souffroient vn ennemy
domestique : qu’ils ont estendu nos frontieres par la force, & par le
bon-heur de leurs armes, cependant qu’ils laissoient dans l’Estat
vn monstre qui affligeoit toutes nos villes & qui desoloit toutes
nos campagnes : & que nous faisions des feux de ioye dans les rües
pour des ennemis vaincus, cependant qu’vn tyran allumoit le
feu dedans nos maisons, ou qu’il y pilloit toutes nos richesses
Par là nous auons veu qu’il vouloit nous empescher d’auoir vne
espece de veneration pour leur bras & pour leur conduitte, &

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D. B. [signé] / Cyrano de Bergerac, Savinien de [?] [1649], LE GAZETTIER DES-INTERESSÉ, ET LE TESTAMENT DE IVLES MAZARIN , françaisRéférence RIM : M0_1466. Cote locale : E_1_58.