Du douziesme Iuillet 1649.
Iouxte la coppie imprimée à Bordeaux.
M. DC. XLIX.
DECLARATION
DV ROY, PORTANT
interdiction de la Cour de Parlement
de Bordeaux.
Du douziesme Iuillet 1649.
LOVIS PAR LA GRACE DE
DIEV ROY DE FRANCE
ET DE NAVARRE. A tous ceux
qui ces presentes verront. Salut : Les entreprises
faicts, sur nostre authorité par les gens
tenans la Cour de Parlement de Bordeaux,
nous auoient donné assez de sujet de leur faire
ressentir les peines que meritoit leur faute.
Mais le desir que nous auons tousiours eu de
conseruer nos sujets dans le repos, & de retrancher
toutes les occasions qui pouuoient
l’interrompre, Nous auoient portez à tenter
toutes voyes de prudence & de bõté pour ramener
les Officiers de nostre Cour de Parlement
dans leur deuoir, plutost que de les traiter
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auec la seuerité que meritoit leur mauuaise
conduite : Cette consideration nous auoit
fait resoudre d’enuoyer le sieur Dargenson
Conseiller ordinaire en nos Conseils pour
leur faire cognoistre nos bonnes intentions
d’oublier tout ce qui s’estoit passé, & les porter
à se departir des desseins qu’ils auoient assez
fait cognoistre d’entreprendre sur nostre
authorité : Mais au lieu de receuoir la grace
que nous leur pres?tions, ils se sõt portez auec
plus de passion à continuer d’exciter les mouuemens
qu’ils auoient preparez de longue
main & que l’on a veu naistre tout d’vn coup,
auec tant de violence, que si nostre tres-cher
& bien amé Oncle le Duc d’Espernon n’eust
opposé nos armes auec le courage, la valeur
& la prudence qu’il a fait paroistre en toutes
occasions pour nostre seruice, la rebellion se
fut renduë puissante, & eut estendu ses forces
dans toute la Prouince : lors que nous considerõs
que tous les mouuemens ont esté excitez
par les Officiers qui port?t les marques de
nostre authorité souueraine, & qui sont preposez
pour rendre la iustice à nos peuples :
Nous ne pouuons sans estonnement penser
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que cette rebellion si iniuste & si monstrueuse
soit leur ouurage. Nous auons fait à cette
Compagnie toute la grace qu’elle pouuoit
esperer de nous, en luy donnant entr’autres,
& auant qu’elle ne l’eut demandé, le droit annuel,
qui asseure leurs charges : Neantmoins
lors qu’on luy a enuoyé la Declaration du
mois d’Octobre qui auoit esté concertée auec
nostre Cour de Parlement de Paris, au
lieu de l’enregistrer, ils ont ordonné des cõismissai
es pour examiner les impositions qui se
leuoient dans la Prouince, pretendans suprimer
celles qu’ils n’auoient point verifiées ; &
en suite ils ont fait deffences de leuer les deux
escus pour tonneau de vin qui se leuoit dans
la ville de Bourdeaux ; Il est vray que l’Arrest
porte que ce seroit sous nostre bon plaisir ;
Mais apres leur auoir fait connoistre que l’estat
present de nos affaires ne permettoit pas
que cette imposition fut entierement suprimée,
ils ont par vn mespris de nostre volonté
demeuré dans la premiere resolution. Ce
n’estoit pas assez d’auoir pris connoissance
d’vne imposition qui n’estoit pas de leur iurisdiction,
ils ont voulu passer plus auant, & faisant
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les Souuerains, ils ont reuoqué l’establissement
de la Cour des Aydes, leur inter disant
la fonction de leurs charges, comme s’ils
auoient le pouuoir de disposer de nostre puissance,
& d’abolir ce qui a esté si iustement ordonné
par le Roy defunct nostre tres-honoré
Seigneur & Pere, & suprimé des Officiers qui
ont exercé leurs charges pendant vingt années
sous nostre authorité, à laquelle seule appartient
la creation, & suppressiõ des Offices.
Il ne faut pas trouuer estrãge toutes les actiõs
déreiglées de cette Cõpagnielors qu’ils ont
ouuertement entrepris d’vsurper vn pouuoir
qui n’appartient qu’aux Roys seuls. Aussi leur
conduite s’est portée à cet excez, qu’apres s’estre
asseurez des esprits des peuples par les
descharges des impositions qu’ils leur auoi?t
donnees, ils les ont portez à prendre les armes
sous les commandemens de Chambaret leur
General, & voyant que nostredit Oncle le
Duc d’Espernon, auoit fait esloigner nos forces,
sous l’asseurance qu’ils auoient donnée de
mettre les armes bas, de faire cesser tous actes
d’hostilité : Ils fir?t sortir leurs troupes de Bordeaux
sous le commandement dudit Chambaret
assisté de cinq Conseillers par l’ordre
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du Parlement. Ils attaquerent la place de Libourne
deffendeuë par nos armes, & donnerent
les assauts comme contre vne place ennemie,
& en suite ils entreprirent ouuertem?t
de combattre nos troupes commandées par
nostre dit Oncle le Duc d’Espernon qui s’estoit
rendu en diligence pour le secours de Libourne,
& bien qu’il n’eust que la septiesme
partie de ses forces il emporta la victoire auec
tant d’auantage, que ces rebelles furent entierement
deffaits, & leur General tué sur la place.
Il y auoit apparence que les Officiers de
nostredite Cour de Parlement ouuriroient
enfin leurs yeux pour condamner eux-mesmes
la rebellion qu’ils auoient formée. Mais
au contraire apres la perte de Chambaret, ils
ont fait choix du Sieur de L’vsignã pour nouueau
General de leurs troupes. Et si les habitans
de nostre ville de Bordeaux eussent suiuy
leurs mouuements, la rebellion seroit encore
puissante. Ils ont fait connoistre qu’ils estoient
tousiours dans leurs mauuaises intentions,
puis que la Cour des Aydes s’estant restablie,
suiuant nos ordres, ils cassent l’Arrest
de leur restablissement comme dõné par personne
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priuée sans pouuoir ny iurisdiction ;
font deffence à toutes sortes de personnes d’y
defferer, & que sous nostre bon plaisir, l’Arrest
qu’ils auoient donné de l’interdiction de
cette compagnie seroit executé selon sa forme
& teneur, auec deffences ausdits pretendus
Officiers, & tous autres d’y contreuenir,
sous les peines portées par ledit Arrest. Leur
violence a passé bien plus auant, lors qu’ils
font deffences à toutes sortes de personnes
de visiter nostredit Oncle le Duc d’Espernõ,
que les habitans se remettans dans leur deuoirs,
auoient receu dans nostredite ville de
Bordeaux. Et pour plus grande marque de
l’auersion qu’ils auoient de nostredit Oncle,
ils menacent d’interdire le Premier President
de nostredite Cour de Parlement pour l’auoir
visité. Et au contraire par leurs Arrests
ils permettent à Luzignan General de leur armée,
si nostredit Oncle enuoyoit ses gardes
en sa maison, de repousser la force par la force,
enjoignant aux Seneschaux, vi Seneschaux,
Preuosts, Consuls des Viles & communautez
de tenir la main à l’execution de
leur Arrest pour armer les peuples contre la
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puissance legitime du gouuerneur de leur
Prouince, & les entretenir dans l’esprit de
leur rebellion. Toutes ces actions sont bien
esloignees du deuoir de vrais Officiers qui
portent la marque souueraine de nostre
puissance : Mais plus encore les artifices
dont ils se sont seruis pour porter nos sujets
à prendre les armes contre nous, faisans semer
des bruits que l’on vouloit establir la gabelle
dans la Prouince de Guyenne Cependant,
lors qu’ils veulent persuader nos peuples
qu’ils desirent leur soulagement, ils dõnent
des ordres aux Communautez pour leuer
des deniers, fournir du pain de munition
à leurs troupes, prennent les deniers des
cõsignations pour soutenir les frais des gens
de guerre, qu’ils auoient mis sur pied. Et
enfin outre ces ordres, ils entreprennent
leur donner la liberté de la traite des bleds,
moyennant vne imposition qu’ils exigent
pour aquiter les detes qu’ils ont faites en
nous faisant la guerre. Nous n’auons rien
obmis du denier d’vn bon Roy pour preuenir
tous ces mouuemens, ayans enuoyé
en nostredite ville de Bordeaux, ledit
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sieur Dargenson Conseiller en nos Conseils
pour faire connoistre nos volontez à
nostre Cour de Parlement. Mais au lieu de
deferer aux ordres que nous auions donnez
pour establir le repos & la tranquilité dans
nostredite Prouince, ils les ont mesprisez &
ont mieux aymé tenter de combatre nos armes,
que de nous rendre vne obeïssance si
legitime. Il ne faut pas s’estonner, si apres
toutes les voyes de douceur, nous prenons
enfin resolution de nous seruir de la puissance
que Dieu nous a donnée pour rendre à
nostre Estat la justice que nous luy deuons
en cette occasion, de ne pas souffrir vn si
dangereux desreglement, qui attaque les
droits les plus sacrez de nostre couronne, &
qui pourroient enfin esbranler les plus solides
fondemens de nostre puissance ; Si les
Magistrats oublient ce qu’ils nous doiuent :
nous sommes obligez comme nous auons
esté establis de Dieu sur eux pour leur commander,
& qu’ils n’ont autre authorité, pouuoir
ny iurisdiction que celle que nos predecesseurs
Roys, & nous leur auons donnée,
Nous sommes dans cette resolution de conseruer
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les priuileges & d’obseruer religieusement
toutes les loix qui ont esté ordõnées
pour les maintenir dans la dignité de leurs
charges. Mais ce Parlement deuoit considerer
que ces loix ne sont pas faites pour destruire
la puissance & l’authorité Royale &
la mettre dans le mespris, au lieu d’en affermir
le respect, il est iuste que les Iuges rendans
la iustice soient asseurez contre la violence
qu’on pourroit exercer contre eux,
pour les rendre plus puissans & plus genereux
à bien faire, & non plus hardis d’attaquer
la Royauté, & de faire ouuertement la
guerre à leur Roy lors qu’il leur tend les
bras pour les receuoir en ses graces : & les
Officiers de ce Parlement se peuuent-ils
plaindre de nostre iustice, si apres auoir traité
auec tant de mespris nostre authorité, &
auoir fait vn si mauuais vsage de la puissance
que nous leur auons deposée, nous la retirons
de leurs mains, puis qu’en mesme t?ps,
sans pouuoir, ils entreprennent pour leur
interest particulier, d’interdire vne Cour
toute entiere de la fonction que nous luy
auons donnée. Nous voudrions bien dissimuler
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toutes ces mauuaises conduites : Mais
nous craignons qu’vn si mauuais exemple
ne donne la hardiesse d’entreprendre contre
nostre authorité. Les actions des Magistrats
sont de grande consequence, elles
passent dans le public, qui croit souuent deuoir
imiter ceux qui leur ont esté donnez
pour leur conduite, que les Habitans de
nostre ville de Bordeaux ont reconnué si
mauuaise, qu’ils ont deputé l’vn de leurs
Iurats vers nous, pour tesmoigner la resolution
qu’ils ont prise de demeurer dans l’obeyssance
qu’ils nous doiuent, & qu’ils condamnent
toutes les resolutions du Parlement,
auec lequel ils ne veulent auoir aucune
participation de ce qui s’ordonnera contre
le bien de nostre seruice. A CES CAVSES.
De l’adueu de la Reyne Regente nostre
tres-honorée Dame & Mere, nostre tres-cher
& tres amé Oncle le Duc d’Orleans, &
de nostre certaine science, plaine puissance
& authorité Royalle. NOVS AVONS
par ces presentes signées de nostre main
INTERDIT ET INTERDISONS
les Officiers de nostre Cour de Parlement
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de Bordeaux de tous exercices & fonctions
de iustice, soit en corps ou autrement. DEFFENDONS
à tous nos suiets de leur ressort
de les reconnoistre pour Iuges ; Declarans
des à present tous iugemens, Arrests, &
autres actes qu’ils pourront rendre cy apres,
nuls, & de nul effet & valeur, comme donnez
par persõnes priuées & sas pouuoir, iusques
à ce que par nous en ait esté autrement
ordonné. Et d’autant qu’il n’est pas iuste
que les Arrests donnez contre nostre authorité
& bien de nostre seruice, & la personne
de nostredit Oncle le Duc d’Espernon
& ses domestiques, demeurent en leur
force & vigueur : NOVS AVONS cassé
& anullé, cassons & annulons tous les Arrests
donnez par nostredite Cour de Parlement
de Bordeaux depuis le vingt-cinquiesme
Ianuier dernier iusques à present,
tant en matiere publique, que contre la personne
de nostredit Oncle le Duc d’Espernon
& ses domestiques, Commandons aux
Huissiers de nostre Conseil, qu’à ce faire
commettons, de se transporter en ladite
Cour de Parlement de Bordeaux, icelle
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sçeante & assemblée, leur signifier les presentes
nosdites lettres d’interdiction, luy
faisant commandement d’y obeyr, & aux
Officiers d’icelle de sortir de ladite ville de
Bordeaux quatre iours apres la signification
des presentes, sur peine de desobeyssance,
& d’estre procedé contre eux comme rebelles
& contreuenans à nos commandemens.
ENIOIGNONS à nostre tres-cher &
bien amé Oncle le Duc d’Espernon de donner
main forte pour l’execution de nostre
presente Declaration, & à tous nos autres
Officiers & suiets d’obeyr aux ordres qui
leur seront faits & par luy donnez à cet effet ;
Car tel est nostre plaisir. En tesmoin dequoy
nous auons fait mettre nostre scel à ces presentes.
Données à Compiegne, dattées le 12.
iour de Iuillet l’an de grace mil six cens quarente
neuf, & de nostre regne le septiesme,
Signé Louys. Et plus bas par le Roy, la Reyne
Regente sa Mere presente. Philippeaux,
& scellé du grand sçeau de cire iaune.
L’an mil six cens quarante neuf le vingt-quatriesme
iour de Iuillet par nous Pierre Quicquebœuf,
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& Nicolas Herbin, Huissiers ordinaires du Roy en ses
Conseils d’Estat & priué soubsignez la Declaration
de sadite Maiesté dont copie est cy dessus transcripte, a
esté monstrée, signifiée, & d’icelle baillé la presente copie
à la Communauté des Greffiers tant en chef du Parlement
de Bordeaux, Grande Chambre, l’Edit, Tournelle,
deux Chambres des Enquestes, Requestes du Palais
dudit Parlement, que Secretaires de ladite Cour &
Commis au Greffe d’icelle, Parlant au sieur Suan, Commis
au Greffe l’vn d’iceux, trouué en la Salle du Palais
dudit lieu, à ce qu’ils n’en pretendent cause d’ignorance.
Et n’ayent à faire aucune signature des Ordonnances,
Arrests quelconques qui pourroient estre donnez depuis
l’interdiction generalle faite & signifiée ledit iour
à nos Seigneurs du Parlement de Bordeaux de l’exercice
& fonction de leurs charges portées par lesdites lettres
de Declaration de sa Maiesté, le tout sur les peines
y contenuës. Ainsi signé Quicquebœuf & Herbin.
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