Duval, Jean [?] [1652], LE PARLEMENT BVRLESQVE DE PONTHOISE, CONTENANT LES NOMS de tous les Presidens & Conseillers Renegats qui composent ledit Parlement. Ensemble les Harangues burlesques faites par le pretendu premier President. , françaisRéférence RIM : M0_2701. Cote locale : B_15_34.
LE PARLEMENT BVRLESQVE DE PONTHOISE, CONTENANT LES NOMS de tous les Presidens & Conseillers Renegats qui composent ledit Parlement. Ensemble les Harangues burlesques faites par le pretendu M. DC. LII.
LE PARLEMENT BVRLESQVE de Ponthoise.
A vous Habitant de Paris, Moy Bourgeois du petit pourpris, De la Ville Ponthoisienne, I’addresse cette Lettre mienne ; Et n’esperez plus hardiment De ma part aucun compliment, Car vostre estat le mien n’esgalle, Depuis trois iours qu’en capitalle, Par grand honneur sa Majesté A fait estre nostre Cité, Ainsi cette preeminence Veut que ie tienne ma prestance.
Sçachez donc que le Parlement D’estre à Ponthoise a fait serment : Parlement, ou bien la figure Des gens tenans judicature Qu’on a fait proclamation De certaine translation, Et qu’on dit que Dame Iustice Icy fera son noble Office. Ie m’en vais vous dire à peu prés Quel fut de ce jeu le succez.
Desia la Majesté Royale Et la bourrique Cardinalle Auec le reste de la Cour S’establissoient en ce sejour. Desia l’auantureux Turenne Ou bon ou meschant Capitaine, Auoit pris son congé du Roy, Pour aller mettre en desarroy L’Archiduc auec sa sequelle Qui s’est fourré dans la querelle. Desia, craignant quelque Fracas, Il retournoit dessus ses pas, Et postoit à Lagny son monde, Pour se munir contre la fronde. Desia son frere de Boüillon Confus d’auoir esté broüillon, Estoit à la fin de sa trame, Et sur les levres auoit l’ame. Quand vn certain Courrier botte Partit d’icy fort mal monté Et dans vne malle meschante Portoit vne Lettre Patente Escrite sur du parchemin : De Paris il prit le chemin, Et quand il fut dedans la Ville Pour vn sot il fut fort habile, Car on dit que sur le pacquet, Dont l’adresse estoit au parquet, Afin de gagner dauantage Dessus ce penible voyage, Il escriuit dix sols de port Dont il fut payé sans deport. Mais au Parlement on n’eust cure, Comme on dit, d’en faire ouuerture, Ce qu’estant redit à la Cour, Elle se fascha de ce tour.
Mazarin, qui n’est qu’vne buze, Inuentant sur l’heure vne ruze, Dit à l’oreille de Molé Pour ce faquint là fort zelé Catze conseillons à la Reine De faire icy Cour Souueraine : La Response que Molé fit Fut, vrayement samon, c’est bien dit, La rencontre n’en est mauuaise, Et la Reine en sera bien ayse.
Aussi-tost dit aussi-tost fait, La rouze fut mise en effet, On dit au Roy ce qu’il faut dire, Il le repette l’on l’admire,
Le Roy donc leur fit son discours Et ne par la point à des sourds : Il leur dit… Messieurs la grand’barbe Qui ne veut point que l’on l’esbarbe, Auec peu de proxilité Vous apprendra ma volonté. Alors cét appliquer de cire Qui veut vostre Ville proscrire, Apres auoir toussé, craché, Esternué, peté, mouché, Et fait au Roy la reuerence Ce crotesque discours commence.
Messieurs… il fit vn alte-là Prit sa barbe, & puis il parla, Sa Majesté veut qu’interdite Soit la Cour, qui Paris habite, Qui de bon & beau Parlement N’est plus rien depuis vn moment C’est cette grande Compagnie Que pour souueraine il renie Qu’on dise n’argue à leurs Arrests, Que sans force soient leurs decrets, Et que là plus on n’aduocace : Hé bon Dieu ! qu’elle est cette audace ? Alors qu’on leur a presenté Le pacquet de sa Majesté, De n’en vouloir faire ouuerture, Est-ce pas vne grande injure : Et cela fut du iour d’hier, Que pour leur faire prendre l’air Et les auoir prez sa Personne, Par belles lettres elle ordonne Que le Parisien seiour Ils quittent pour venir en Cour : Viue Dieu ! point d’obeïssance, Ces Messieurs, à ce que ie pense Prennent nos Bulles pour Chansons. Pour vous, vous estes bons garçons, Vostre procedure est sincere, Et l’on vous fera bonne chere, Vous aurez poix succrez, partant Sa Majesté veut & pretend Que dans ce lieu l’on establisse Vn Parlement, ou la Iustice Se distribuë à ses Subjets Et par rôles & par placets ; Qu’en ce lieu là l’on verifie Et que par tout on notifie Ceux de Paris, comme ie dis Pour tous iamais estre interdits : Certes j’aurois esté bien aise Que mon petit Maistre à son aise, Honnorant vostre loyauté, Y fit asseoir sa Majesté, Mais faut que deuant on tranflate Vos beaux vestemens d’escarlatte. A Dieu, Messieurs, retirez-vous Vous serez recompensez tous Voila ce que j’auois à dire Et de cela vous doit suffire Demain donc vous commencerez Et bonne Iustice rendrez.
A ce discours tous ces faux freres Plus dangereux que des viperes. Disent qu’ils ne manqueront pas, En denichans de leurs grabats, Mesme auparauant que de boire Tenir leur siege en l’Auditoire.
Desia le celeste flambeau Auoit quitté le sein de l’eau Et d’vne assez legere allure Faisoit auancer sa voiture, Quand le bien barbu President Sort de son lict en ce pendant Qu’vn vallet de Chambre l’habille Et que son crin vn autre estrille,
Ils sortent vont à la cohüe, Aucuns les sifflent par la rüe, Les autres les montrent au doigt, Et pourtant ils passent tout droit. Arriuez, ils prennent sceance Dans cette Chambre d’importance Là ne fut point parlé de Dieu, Ny Messe ditte dans ce lieu, Fort meschante tapisserie Y cachoit cette gueuserie. Et iamais Iuges Mazarins Ne se trouuerent si contrains.
Des Apostats voicy la liste, Et du Greffier qui les assiste. Molé leur Premier l’resident Aux fourbes fort accommodant, Ame double & plus que rusée, Ame par tout caurerisée, NOVION petit renegat Qui iadis frondoit net & plat Auiourd’huy de la sainte Fronde L’Apostat, (que Dieu le confonde.) COIGNEVX ce petit arrogant, Des foux le plus extrauagant, Qui son cours a fait l’Escole De la Durier, où l’on bricolle, Et pour euiter pauureté, A la GALLAND il s’est frotté. MAINARDEAV cocu volontaire, Du Parlement le vitupere Petit bout d’homme au front d’airain Autant maudit que Mazarin, Cét homme de sacq & de corde, De qui l’ame a son corps s’accorde Car si son corps est contrefait Le dedans est encor plus laid.
PERROT President aux Enquestes Plus beste que ne sont les bestes A commis cette lascheté Pour n’auoir eu la Preuosté Et depuis qu’il a mis sa fille En malletostiere famille A qui rien donner il n’a peu C’est ainsi qu’il s’est corrompu HAVT LE NEZ en est, c’est vn homme Bragdonne Qu’auarice par tout renomme, Il fut comme le precedent Dans les Enquestes President.
LE FEBVRE sauué du naufrage Quand a la ville on fit rauage, Et que, crainte d’estre esgorge, De son corps il vous a purgé Ce Preuost de la Marchandise A peine sauua sa valise, Aussi trahir son bien-faicteur C’est grande lascheté de cœur.
THIBEVF race de Commissaire Fort Sçauant quand il faut mal faire, Pour subsister dans ce party A de Iustes esté party.
TAMBONNEAV ce bouru genie A fait aussi la felonie, Et ce n’est qu’a cause qu’il est Des plus auant dedans le prest. MANDAT ce grand vilain collosse. Qui ne fut iamais qu’vne rosse, Gendre d’vn Iuif de Leoni Le Banquier de Mazarini.
Le petit le Febure la Barre, Qui (fut vn temps) faisoit fanfarre Contre ce fat de Cardinal, S’est fait du vilain le vassal.
Pour treuuer à son mal remede De Seue s’en alloit en Suede, Mais, par quelque fatalité, A Ponthoise il s’est arresté, Croyant que contre la verolle Iulle à quelque bonne fiolle.
Mais qu’on ne blasme de ce choix Le petit Molé Sainte Croix Il ne peut pas (ce petit here) Estre moins meschant que son pere.
Ce que ie treuue plus honteux, C’est que ce Senat est boiteux, Et qu’vne si noble assemblée D’vn petit pied bot est meublée, C’est l’Abbé Feideau de Bernay, Qu’on prẽdroit pour vn enfant mort né Il est dans cette rapsodie Le Vulcan de la Comedie, Ce petit Conseiller tout neuf Ayme autant la piece de beuf Que son oncle de Villenoce, Qui depuis peu gist dans la fosse. L’amy ce sont là les Docteurs Qui sont de cette farce Acteurs.
Ce n’est pas tout ce batellage Attire dans son badinage, Et fait, comme ceux-là coyon Monsieur l’Euesque de Noyon, Ce n’est pas pourtant sans prudence, Car quand à l’ombre de potence, Ces traistres on fera danser, Il sera pour les confesser, Et se seruir de toute escrime Pour les absoudre de leur crime. L’HOSPITAL ce double renard En est quoy que jadis cornard.
VILLEROY dedans la cohuë Prend sa place & cela me tuë Car estant du Roy Gouuerneur A sa charge il fait deshonneur. CHARMPLATREVX l’infame adultere Sot Pédant de son barbu pere Qui ne vaut pas tant qu’vn grand blanc Parmy ces Farceurs tient son rang. I’y vy quatre meschantes bestes Qu’on nomme Maistres des Requestes Les voicy, l’Huillier d’Orgeual Presque autant qu’vn asne brutal, Gendre d’Aubry Robert le Diable Et d’vn humeur insupportable. BORDEAVX race de Partisan De malices grand artisan. BALTAZARD dont la fade mine Semble estre de quelque poupine.
Mais qui l’emporte dessus tous, C’est Berchere dont le poil roux Pourroit bien à la rouge beste Donner quelque martel in teste Car depuis le Tarif nouueau Il craint la sueur d’vn rousseau, Ce Bourguignon a la verolle, Et ne baue que de la colle, Preneur de droits litigieux, Escroc, & si contagieux, Qu’il faudra qu’enfin l’on assomme Vn si vilain & puant homme. Voila mon bon amy comment Est composé ce Parlement, Leur Greffier Radigue s’appelle Qui n’est qu’vne vieille haridelle Pourtant il s’est fait arrester, Pour leurs beaux Arrests fagotter.
Quand ces gallands furent ensemble, Dont aucuns, ainsi qu’il me semble, Pour soutanne auoient des manteaux Attachez comme deuanteaux, MOLE son oraison commence Auecque comique eloquence, Et leur dit à peu prés ces mots Messieurs, nous ne sommes tant sots, Et si nous rendons des oracles Nous faisons aussi des miracles Certes ie n’en seray dedit, Par saint Iean, qui l’eust iamais dit, Que dessus les riues de l’Oise, On eust mis Paris dans Ponthoise, Mon fils Champlastreux est sçauant Que Vil-iuifue on y met souuent Mais Paris ! c’est vne merueille Qui n’aura iamais sa pareille. Qüy da ! Paris icy sera Quand tout le Palais y viendra, Aduocats, Procureurs, Libraires Greffiers, Huissiers, Clercs & Lingeres
Cela fait, Fouquet se retire, Radigue est là tout prest pour lire, Il prend la Declaration Qui porte la translation, Met à ses nazeaux ses lunettes, Et lit vn millier de sornettes, Le Parlement elle interdit (Pardieu c’est vn present Edict) Fouquet encor vn coup on mande, Il vient, il saluë, & demande Que l’Edict soit enregistré Et vostre Parlement chastré, Les voix y vont & l’on l’ordonne, Radigue en papier le griffonne, Papier à mon sens fort meschant Et tel que l’auoit le Marchand.
On fait outre cela deffense A tous Greffiers, Clercs d’audience, Aduocats, Procureurs, Huissiers, Porteurs de sacs & de dossiers, De faire au Palais plaidoirie N’y de payer espicerie, Qu’aussi bien l’on n’y croira pas Non plus qu à du papier broüillas.
Le sieur Fouquet plus auant passe, Et veut tout à bon que l’on casse Certaines taxes, que l’on dit Que vostre Cour par Arrest fit, En cela mesme on le contente Et de payer on vous exempte. Cela me fit croire à l’abord Que c’estoit souuerain ressort Y voyant les mesmes grimaces Que l’on fait en semblables places.
Faites ouurir, premier Huissier, Dit Molé, mais cét Officier, Auec son beau bonnet d’hermine, N’auoit point là porté sa mine, Ny les Huissiers embaguettez Ne s’estoient point là transportez. Vn chetif Sergent de village S’y rencontra pour tout potage, Il ouure pourtant aussi-tost L’on n’y prit congé ny deffaut, Enfin iamais en audiance On ne vid vn plus beau silence Point de cause on ne rapporta Dont ce beau Senat depita.
Deux asnes de fort bonne race Dans le barreau prirent leur place Et le plus habille d’entre eux Qui stipuloit pour tous les deux Demanda qu’on leur fit iustice, Et qu’on reprimast la malice De l’asnier, qui trop les flauboit Et leur pitance desroboit. La barbe à Dieu dans cette affaire Prend les aduis & délibere, S’assied, & dit sans se piquer (L’Arrest est bon à remarquer) Freres l’instance est criminelle, Faut vous pouruoir à la Tournelle. Ces asnes de ce Parlement Firent ainsi l’acheuement Faute de matiere l’on leue Peu s’en faut que Mathieu n’en creue, L’on sort, & le chef de ces veaux Redeuient le Garde des Sçeaux Le lendemain il se recharge De la Presidentalle charge,
Quand tout à Ponthoise eust disné Et que discours fut façonné, Au Chasteau dedans vne salle On vit la Majesté Royalle, A sa droite estoit sa Maman, Qui luy seruoit de trucheman, A gauche estoit le petit frere, Qui d’estre cadet desespere, Derriere la chaise du Roy Estoit Monsieur de Villeroy L’Hospital, quelque autre canaille Et quantité de valletalle. Le Scelleur s’escrie au Portier Laissez entrer Monsieur Potier Et ceux que nouuelle fabrique A fait Parlement fantastique Il entre auecque tous ces gens Et quand il fut entré dedans, Apres fort belle reuerence, Il fit la mesme remonstrance Qu’autrefois sur ce poinct il fit Et qu’on a veuë en vn escrit De fort belle lettre moulée, Et n’estoit que renouuelleé.
Quand il eust dit le dernier mot Il se tint droict comme vn marmot, Et le Plaquebigner de France Cracha cette belle sentence.
I’ay l’ordre de sa Majesté, De vous dire sa volonté La voicy, Messieurs les prophanes, Vous n’estes bons que pour les asnes, Iustifiez le Mazarin, Et puis apres auec son train Par vn petit endroit de France Ie chasseray son Eminence. Tant de discours sont superflus Ie ne vous en diray pas plus, Obeyssans vous serez sages, Et vous aurez tous des images. Mon frere le Bourgeois voila Tout ce que ie sçay de cela. A Dieu, puis qu’il plaist à Iustice, Ie suis pour vous faire seruice.
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Duval, Jean [?] [1652], LE PARLEMENT BVRLESQVE DE PONTHOISE, CONTENANT LES NOMS de tous les Presidens & Conseillers Renegats qui composent ledit Parlement. Ensemble les Harangues burlesques faites par le pretendu premier President. , françaisRéférence RIM : M0_2701. Cote locale : B_15_34.