Nogaret de la Valette, Jean-louis (duc d'Espernon) [signé], La Roche,? de [signé] [1649], LETTRE DE MONSIEVR LE DVC D’ESPERNON. ESCRITE A LA COVR DE PARLEMENT DE BOVRDEAVX, du 31. Mars 1649. AVEC LA RESPONSE DV Parlement, du 2. Auril 1649. , françaisRéférence RIM : M0_1989. Cote locale : A_1_80.
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LETTRE
DE MONSIEVR
LE DVC
D’ESPERNON.

ESCRITE A LA COVR
DE PARLEMENT DE BOVRDEAVX,
du 31. Mars 1649.

AVEC LA RESPONSE DV
Parlement, du 2. Auril 1649.

A PARIS,
Iouxte la copie imprimée à Bourdeaux, Par
Guillaume Millanges, Imprimeur
ordinaire du Roy.

M. DC. XLIX.

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LETTRE DE MONSIEVR LE
Duc d’Espernon à Messieurs du Parlement
de Bourdeaux, du trente-vniesme
de Mars 1649.

MESSIEVRS,

La consideration que i’ay
pour le Parlement & pour
la ville de Bourdeaux, & le desir de conseruer
la tranquilité de cette Prouince, m’oblige
(auant que de prendre autre resolution)
à vous prier de m’éclaircir de vos intentions.
Vous auez recherché des vnions
extraordinaires, & auez pris & fait prendre
les armes à Bourdeaux ; si c’est pour le seruice
du Roy & de la Reyne Regente, ces
peines sont inutiles : vous n’auez point
d’ennemis, & il n’y a personne qui soit plus
estroitement engagé dans ces interests que
ie le suis, & que ie desire y estre joint auec

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Vous. Si soûs pretexte du bien public on
veut choquer l’authorité de la Reyne Regente,
ces vnions ne peuuent estre que
preiudiciables au seruice du Roy & au bien
de l’Estat : Ie vous supplie, MESSIEVRS,
puis que l’affaire touche le repos de cette
Prouince, où vous n’ignorez pas l’authorité
que le Roy m’a confiée, de me faire sçauoir
par vne claire explication de vos sentimens
touchant le seruice de leurs Majestez,
si ie me dois garder de Vous, comme
de gens armez contre la Reyne Regente, ou
continuer à me dire, comme ie le desire passionnement,

 

MESSIEVRS,

Vostre bien humble seruiteur
LE DVC D’ESPERNON.

De Cadillac, ce 31. Mars 1649.

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LETTRE DE MESSIEVRS DV
Parlement, du deuxiesme Auril 1649. portant
response à celle de Monsieur le Duc d’Espernon.

Tres-honoré SEIGNEVR,

LA Cour n’a iamais manqué à vous témoigner
par tous les moyens qui luy
ont esté possibles, la consideration
qu’elle a pour vostre personne, & a
tousiours fait voir combien elle desiroit
entretenir auec vous vne bonne
correspondance, apres quoy elle n’a
pû que se trouuer extremement surprise, de voir par celle
qu’il Vous a pleu nous escrire, les doutes que Vous semblez
faire de nostre fidelité pour le seruice du Roy ; C’est
le plus sensible reproche qui puisse estre fait à vne Compagnie,
qui n’ayãt d’autre authorité que celle qui luy est
communiquée par Sa Majesté, a conserué iusques à present,
& conseruera tousiours cette gloire inuiolable, de
n’auoir iamais eu de mouuemens que pour le seruice de
son Maistre : Et certes cét auantage luy est si cher, qu’encore
qu’il vous soit cognu qu’elle ne doit rendre compte
qu’au Roy de ses actions & de ses intentions, elle auroit
beaucoup de regret si elle auoit donné quelque raison,
ou mesme quelque pretexte, non seulement à Vous, mais
au moindre des subjets du Roy de pouuoir soubçonner

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sa fidelité. Quand il vous plaira de faire reflexion sur l’esclaircissement
que vous nous demandez par la vostre, de
nos intentions pour le seruice du Roy & de la Reyne
Regente sa Mere, Nous nous promettons que vous iugerez
qu’à cette demande, qui ne nous pouuoit estre faite
sans nous blesser, vous eussiez trouué la response chez
vous-mesmes, qui ayant esté si souuent parmy nous, n’y
auez iamais rien remarqué, qui ne respirast auec ardeur
le seruice de Leurs Majestez. Nous en auons tousiours
fait, & en ferons tousiours vne profession si publique, que
ce ne sera iamais vne question douteuse : Et nous ne
croyons pas aussi que le seruice du Roy, & celuy de la
Reyne sa Mere, qui sont deux choses aussi vnies dans nos
cœurs, qu’elles le sont dans elles-mesmes, puissent estre
des interests separez, quoy qu’il semble que vostre Lettre
y mette quelque distinction. Nous sommes encore
plus estonnez de ce que vous marquez desirer d’estre informé
des raisons qui ont obligé cette ville, qui vous deuoit
estre si chere, à se reünir pour songer à sa conseruation,
dans l’extremité où vous l’auez vouluë reduire, par
des impressions qui doiuent estre bien fortes, puis qu’elles
vous obligent d’agir contre vos inclinations, & contre
vos interests. C’est vne vnion que nous n’auons pas recherchée,
nous auons au contraire employé tous nos
soins pour en oster la cause, qui n’est autre que le malheur
commun dont elle se trouue enuironnée par les
troupes qui l’assiegent de toutes parts, & par l’exemple
qui la touche aussi iustement de compassion que de
crainte, des villes ses voisines & ses filleules, dont elle

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void les Bourgeois errans & desolez, trouuer à peine vne
retraite asseurée dans son sein, cõme de leur Mere commune,
& où elle entend tous les iours d’eux cette plainte,
que c’est à sa consideration qu’ils ont receu de vous ce
traitement : Cette veritable cause des iustes efforts que
fait cette ville, pour se mettre en estat d’éuiter de pareils
mal-heurs vous est si cognuë, que nous ne croyons pas
que vous soyez tant soit peu persuadé, ny que vous ayez
esperé de pouuoir persuader à personne que la Cour, &
non pas vne si rude necessité ait mis les armes à la main
de nos Bourgeois. Si vous en auiez quelque impression,
nous vous prierions encore de vous ressouuenir, que sur
diuers aduis qu’on donnoit à cette ville des desseins formez
contre sa seureté, & contre son repos, qui ne se sont
trouuez que trop veritables, contre les sentimens que
vous sçauez que nous en auions alors, nous creusmes
qu’vn des moyens les plus propres pour dissiper les apprehensions
des peuples, quoy que nous les iugeassions
assez vaines, estoit de faire joüir cette ville du priuilege
que le feu Roy de tres-glorieuse memoire luy auoit accordé
sur nos Remonstrances en bien moindre occasion,
qui estoit d’en esloigner à dix lieuës les troupes des
gens de guerre. Ce moyen, & quelques autres ayant
esté proposez, la Cour vous rendit cette deference de
croire qu’elle ne le deuoit deliberer qu’auec vous. Vous
fustes inuité d’entrer au Palais ; & quoy que vous fussiez
pleinement informé de la matiere qui s’y deuoit traicter,
& que vous sçachiez iusques au dernier poinct les droicts
de vostre charge, vous y vinstes, & rompistes à la quatriesme

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voix la deliberation qu’il vous eust esté facile de
preuenir par vne seule parole, en nous faisant esperer que
vous feriez retirer les troupes. Nous vous en tesmoignâmes
nostre douleur, & le desir d’vne parfaite reünion
par l’enuoy de Messieurs les Presidens & Conseillers qui
allerent traicter auec vous sur ce sujet, & qui furent chargez
de vous faire entendre que nos Registres estoient
pleins de pareilles deliberations tenuës en presence de
Messieurs vos predecesseurs. Sur ce poinct vous partistes
soudainement de la ville, & la Cour vous tesmoigna que
dans l’entiere confiance qu’elle a en vostre affection au
seruice du Roy, & au bien de cette Prouince, elle n’estoit
pas capable de la soubçonner. Elle n’auoit pris aucun
ombrage de ce qui auoit donné tant de crainte à nos habitans,
des reparations, & prouisions extraordinaires qui
s’estoient faites au Chasteau Trompette, de l’habitation
que vous y auiez prise contre vostre coustume, du renforcement
de la garnison & augmentation des munitiõs
de tant de canons remontez, & qui plus est pointez contre
la ville, du depart soudain de Madame la Duchesse
d’Espernon qui estoit encore malade, & de tant d’autres
ordres que vous auiez donnez de toutes parts sans les cõmuniquer
à la Cour. Elle ne voulut pas encore entrer en
deffiance de ce depart inopiné, de voir peu apres dégarnir
vos maisons, & emporter tous les meubles, comme
si vous renonciez à reuenir iamais ; non pas mesmes d’apprendre
que de nuict par vostre ordre on auoit soustrait
les canons qui estoient au Chasteau du Ha, & qu’on
auoit saisi la Citadelle de Bourg : Mais les peuples s’en

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allarmerent à ce poinct que nous ne peusmes ny ne deusmes
leur refuser quelque satisfaction : Il fallut enuoyer des
Commissaires au Chasteau du Ha, que vous sçauez estre
cher à nos habitans, quoy que ce soit vne place qui ne
vous puisse donner de jalousie, puis qu’elle est sans aucune
deffence. Il fut encore necessaire de donner l’Arrest
de l’esloignement des gens de guerre à dix lieuës. Nous
pouuons dire que ce fut à vous que nous le donasmes,
& non pas à eux, puis que nous le sursismes à vostre consideration,
& mesmes nous mismes en estat de le laisser
sans effect, qui est le dernier poinct de condescendance
où puisse aller vne Cour souueraine. Nous fismes plus,
nous enuoyasmes deux Commissaires pour traicter auec
vous dans vostre maison de Cadillac pour vous faire sçauoir
cette resolution, & vous demander que ce fut à vous
que le peuple eust l’obligation de l’éloignement de vos
troupes ; Vous receustes nos Commissaires dans cét esprit
d’vnion que vous nous auez si souuent promis, &
que nous auons si soigneusement cultiué. Vous leur accordastes
cét éloignement des gens de guerre, & desirâtes
de la Cour que son Arrest ne parust pas, qu’elle empeschât
la garde des portes que demãdoi?t les habitans,
& en troisiéme lieu, qu’elle fit remettre le chasteau du Ha
en son premier estat, sans proposer de vostre part le restablissement
des canons enleuez. Aussi tost apres leur retour
les deux premiers points furent accordez : Et pour-ce
qu’à la secõde fois que les Commissaires allerent vous
retrouuer, vous marquastes que cette garde du Chasteau
du Ha, quoy que faite sous les ordres des Iurats, vous

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faisoit peine, qu’on auoit trop differé à le rendre, & à
vous respondre là dessus, pour faire ceder toutes considerations
au desir de la Paix, & au bien du seruice du
Roy, ce Chasteau fut remis incontinent. Ce qui s’est
passé depuis a detrompé tous ceux qui auoient creu que
ce meschant Chasteau estoit la raison de la descente si
precipitée de vos troupes. On a veu que ce n’estoit pas
pour cela que vous auiez esté à Bazas, où vous sçauez
les choses qui se sont passées. Que vous estes depuis venu
à Libourne. Que vous y auez desarmé les Habitans,
escarté les Bourgeois, & ietté les fondemens des nouuelles
fortifications, & d’vne Citadelle qui s’esleue sur
les ruïnes d’vne Eglise & d’vn Hospital. Ce fut en ce lieu
qu’vn de nos Huissiers estant allé signifier vn Arrest fut
emprisonné par vostre ordre ; & depuis vos Troupes approchées
de toutes parts ont inuesti cette Ville. Nous
aurions donc beaucoup de sujet de vouloir estre éclaircis
de ces choses, si vous n’auiez trop ouuertement expliqué
vostre intention. La Maison de celuy des Conseillers,
qui auoit commandé au Chasteau Duha, a esté
rauagée par vn logement de Soldats, qui a violé l’authorité
des Ordonnances Royaux, qui exemptent nos
Maisons de la Ville & de la campagne, vous auez fait
saisir le Chasteau de Lengoiran, appartenant à celuy
de Messieurs les Presidens, qui assista à l’Hostel de Ville
à cette deliberation des ordres que nous auons sçeu ne
vous auoir pas esté agreable : Vous auez saisi le Moulin
du Ciron, vne des pieces les plus necessaires à la subsistance
de cette ville, arresté la descente des viures, changé

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les ordres, & destourné les routes des Couriers ordinaires :
Et enfin celuy qui commande sous vous dans le
Chasteau Trompette, nous a fait cognoistre tout ce que
peut entreprendre vne Citadelle sur la Iustice souveraine
du Roy ; il s’est formalisé de ce que la Cour enuoyoit
des Commissaires dans vn Faux-bourg, il les a menacez
d’vne volée de canon, & reduisant ses menaces à des effets
encore plus criminels, il les a arrestez passant sous les
murailles de la Place, il leur a dit hautement qu’il feroit
tirer sur eux : & en effet, il fut lasché grand nombre de
mousquetades ; Cette occasion où les peuples ne peurent
souffrir de voir l’authorité du Roy si outrageusement
violée en la personne des Conseillers de la Cour, mit toute cette
Ville en trouble, & son salut en peril : Ce sont là
les veritables causes de nos esmotions & de nos plaintes,
causes si publiques que personne n’a sujet d’en demander
d’éclaircissement ; Et tous ceux qui iugeront (comme
il ne se peut iuger autrement) que le seruice de leurs
Majestez en l’estat present consistoit à maintenir la Prouince
en paix, & qui verront dans la suitte de ce procedé,
que nous auons fait tout ce qui nous estoit possible pour
venir à bout de ce dessein, decideront aisement, qui de
nous a troublé le repos des peuples, & qui ce faisant a eu
plus de consideration pour le seruice du Roy. Nous souhaittons
pourtant, dans la passion que nous auons pour
le salut de cette Ville, & pour le repos de ce Ressort si
necessaire au bien de l’Estat, que la chose passe encore
pour incertaine, & ne desirons rien tant au monde, sinon
que vous veüilliez prendre le dessein de resoudre

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pleinement cette difficulté par ce prompt & efficace
moyen, qui ne depend que de vous, & de vostre affection
pour cette Prouince. Quand vous rendrez à Bourdeaux
sa premiere paix en esloignant les gens de guerre, quand
vous luy remettrez la liberté de sa subsistance, en remettant
le Moulin du Ciron, la Citadelle de Bourg, & tout
le reste au premier estat, faisant cesser les fortifications
de Libourne, & desmolir ce qui est basty iusques à present,
les armes tomberont des mains de cette Ville auec
grand plaisir, & vous verrez clairement qu’elle ne les a
prises qu’auec peine pour se deffendre, & par mesme
moyen vous remettrez en liberté les inclinations que
nous conseruons tousiours à demeurer,

 

Tres-honnoré SEIGNEVR,

Vos biens humbles seruiteurs,
Les Gens tenans la Cour de
Parlement de Bourdeaux.

Signé, DE LA ROCHE.

Escrit à Bourdeaux en Parlement les
Chambres assemblées, le second
Avril 1649.

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