M. DC. LII.
RESPONSE DE MONSIEVR
le Prince de Condé.
CONTRE LA VERIFICATION
de la Declaration enuoyée contre luy
au Parlement.
SI la persecution que l’on fait à l’innocence de Monsieur
le Prince n’estoit connuë par toute l’Europe, il
auroit à craindre que la Declaration que le Parlement de
Paris a verifiée contre luy ne blessast en quelque façon sa
reputation, & que la posterité en la lisant n’imputat vn
iour à sa memoire vne desobyssance, & vne infidelité,
dont toutes les actions de sa vie le justifient assez à la honte
de ses calomniateurs.
Mais encore que tout le monde sçache que ce n’est
qu’vne suite des iniustes violences que l’on exerce contre
luy depuis deux ans, bien que personne n’ignore que ce
n’est qu’vn pur artifice de ses Ennemis particuliers, qui
pour soustenir leur mauuaise cause, l’ont voulu confondre
auec celle du Roy, & qui par vne precipitation odieuse à
tous les gens de bien, & contraire aux Ordonnances de
l’Estat, l’ont voulu faire declarer l’ennemy de sa Majesté,
parce qu’il s’est declaré l’ennemy de leur ambition Toutefois
d’autant que ces Declarations ont quelque chose de
semblable aux foudres qui tombant sur ces augustes Statuës,
dont la grandeur est appuyée sur des fondemens
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inebranlables, ne peuuent les abbatre, mais ne laissent pas
de les noircir, Monsieur le Prince croit qu’il est de son deuoir
de faire connoistre à toute la terre que son Innocence,
qui est soustenuë partant d’actions de la Vertu la plus heroïque,
& de la passion la plus forte qu’vn sujet puisse auoir
pour son Roy, n’est aucunement blessée par ce coup de
foudre que ses ennemis ont fait lancer contre elle, apres
l’auoir forgé des plus noires vapeurs de la medisance & de
la calomnie.
Il est certain que lors que les Rois agissent par leurs propres
mouuemens, ils n’ont iamais que de bons sentimens
pour leurs peuples, dont ils sont les Peres ; & si l’on obserue
quelques defauts dans leur conduite, ce sont plustost les
marques d’vne foiblesse par laquelle Dieu les aduertit
qu’ils sont hommes, bien qu’ils commandent à des hommes,
que les effets d’vne malice injuste par laquelle ils
vueillent faire connoistre leur independance & leur Souueraineté ;
Aussi lors que dans vn Estat gouuerné de la sorte,
il arriue quelque petit desordre qui trouble le concert
de l’Authorité du Souuerain, & de l’obeyssance du sujet,
ce sont plustost les plaintes d’vn Enfant respectueux qui
demande justice à son pere, que les mouuemens impetueux
d’vn Peuple dereglé qui veut secoüer le joug de l’obeyssance
qu’il doit à son Roy.
Il n’en est pas de mesme lors que l’Authorité Royalle
n’est point entierement renfermée dans la personne du
Souuerain, & que par vn mal heur fatal à la tranquilité
des Peuples, le credit du Sceptre & de la Couronne se
treuue dans les mains d’vn particulier, que les emplois & la
faueur du Prince esleuent au dessus de sa naissance. Le pouuoir
absolu quand il n’est possedé que par celuy seul à qui il
appartient legitimement, fait tous-jours vn bon Roy &
des subjets respectueux & fideles : mais quand il est vsurpé
par vn fauory, ou il diminuë bien-tost au grand desaduantage
du Souuerain, ou il fait presque tous-jours vn tyran
& des subjets desobeyssans, au grand preiudice de
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l’Estat : enfin quand l’Authorité Souueraine n’est point
animée par sa forme naturelle, elle est semblable à ces
corps magiques, dont le repos n’est pas moins déreglé que
l’agitation, parce qu’ils ne reçoiuent l’impression qui les
fait mouuoir, que d’vne forme estrangere.
Ce n’estoit pas sans raison que nos peres preuoyant ces
inconueniens si dangereux, auoient arresté comme vne
Loy fondamentale du Royaume, que les Estats s’essembleroient
dans la minorité des Roys, pour leur donner le secours
des conseils qui leur sont necessaires dans la foiblesse
de leur aage ; & c’estoit auec beaucoup de prudence
qu’ils auoient declaré les Princes du Sang legitimes Regens
de l’Estat, & tuteurs des Roys mineurs, comme l’on
voit dans l’Ordonnance de Charles VI. Ils sçauoient bien
que leur naissance leur inspireroit tous-jours de iustes sentimens
pour le bien du seruice du Roy, & pour celuy du
Royaume, & qu’estans subjets comme nous, bien que par
vne substitution necessaire ils ayent droit à la Couronne,
ils conserueroient vn juste temperament entre la domination
du Souuerain & la soumission des Peuples, & ne conseilleroient
iamais rien qui fust indigne de l’authorité
Royalle & du Sang des Roys dont ils sont, ny rien qui fust
insupportable à de fidelles & de libres subjets comme
nous sommes.
Pour monstrer combien cette Loy estoit judicieuse,
nous n’auons qu’à rappeller la memoire des minoritez
durant lesquelles elle n’a point esté obseruée, il ne faut
que lire l’Histoire des Regences pendant lesquelles on a
veu l’authorité Royalle entre les mains des Ministres à qui
les Regentes l’auoient confiée, il ne faut que faire vne serieuse
reflection sur les mouuemens qui ont agité celle qui
vient de finir, & qui sont la seule cause de tous les desordres
que l’on voit à present dans l’Estat. C’est vne verité
dont on a assez persuadé dans le monde, que la fortune
aueugle ordinairement ceux qu’elle esleue, & qu’elle n’a
pas beaucoup de peine à faire vn Ministre insolent d’vn sage
particulier ; Vn ambitieux pour se distinguer du vulgaire,
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s’égare facilement du chemin qu’il est obligé de tenir
aussi bien que le dernier sujet de l’Estat, il croit que pour
faire voir qu’il est au dessus des Loix, il luy est permis de
les renuerser, qu’il peut impunement commettre des crimes,
parce qu’il jouyst de la puissance absoluë qui distribuë
les graces ; & son ambition regarde comme ses ennemis
tous ceux qui ne veulent point estre ses esclaues. De là
viennent les proscriptions & tyrãnies ; De là viennent les
vexations injustes dont on voit des Prouinces & des Peuples
entiers affligez & reduits au desespoir ; & c’est enfin ce
qui oblige ces miserables persecutez qui voyent les Loix
de l’Estat, qui deuroient asseurer leur repos, detruites &
renuersées, d’auoir recours à celles de la nature, qui permettent
la deffense de la liberté contre la tyrannie de ceux
qui veulent l’opprimer.
C’est en de semblables conjonctures que tous les subjets
du Roy, sans manquer à leur deuoir, peuuent separer
l’authorité Royalle d’auec celle du Ministre, & que demeurant
dans le respect & la sousmission qu’ils doiuent
auoir pour la premiere, ils peuuent legitimement s’aimer
contre la seconde. Et cette maxime est tellement veritable,
que si elle pouuoit receuoir vne raisonnable contradiction,
le Parlement de Paris ne pourroit iustifier ce qu’il
fit en l’année mil six cens quarante-neuf, lors que pour se
deffendre de la tyrannie du Cardinal Mazarin, il fit prendre
les armes à la Capitale Ville du Royaume, il desliura
des Commissions pour leuer des Gens de guerre, il enuoya
des Garnisons dans les places voisines, & donna
pouuoir de prendre les deniers dans les Receptes, mit sur
pied des Trouppes qui combattirent celles que le Ministre
auoit fait approcher de Paris, & enfin inuita tous les autres
Parlemens du Royaume à se joindre à luy pour deffendre
& soustenir sa cause, & fortifier ses Armes qu’il croyoit
justes, parce qu’elles n’auoient point d’autre objet que le
Ministre, qu’il appelloit le tyrannique vsurpateur de l’authorité
Royalle, & qu’il declara comme tel, Ennemy du
Roy & de l’Estat, & le perturbateur du repos public.
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Monsieur le Prince a medité treize mois durant dans
vne prison injuste sur cette maxime, il a appris par la Declaration
que le Roy enuoya dans tous les Parlemens apres
qu’on l’eut remis en liberté, que l’on peut & que l’on doit
distinguer l’authorité du Roy d’auec celle du Ministre,
puis que sa Majesté reconnoissoit que les mauuais Conseils
qu’on luy auoit donnés luy auoient rendu son Innocence
suspecte ; il se treuue à present pour la seureté de sa personne,
de sa dignité & de son rang, dans les mesmes conjoinctures,
que le Parlement de Paris se trouuoit pour la sienne ;
Il demande s’il peut estre declaré criminel pour imiter
ce qu’vne si Auguste Compagnie, si zelée pour la conseruation
de l’Authorité Royale, a creu pouuoir faire auec
innocence : Il ne pense pas que la Declaration que l’on
vient de publier contre luy par l’ordre du Mazarin, & de
ses Creatures, puisse laisser dans les siecles à venir quelque
tache à sa reputation, oû il seroit obligé de croire que le
Parlement de Paris ne seroit pas encore à present bien
purgé du reproche d’infidelité, & de desobeyssance, dont
le Cardinal Mazarin le fit accuser, lors qu’il le fit declarer
criminel de leze Maiesté, par les Declarations qu’il fit publier
à S, Germain dans le Conseil du Roy.
Que si l’on considere exactement la Declaration, par
laquelle on veut rendre Monsieur le Prince odieux au public,
on y remarquera tant de deffauts, soit dans la forme,
qu’il ne sera pas mal aisé de iuger que la mesme passion de
ses ennemis qui l’a dictée, en a precipité la Verification.
Quand il s’agist de faire le procés à vn Conseiller du
Parlement, on ne peut ordonner vn simple soit monstré
que dans les Chambres assemblées, c’est vn Priuilege de
l’Officier que l’on n’a iamais violé, c’est vne formalité de
laquelle la Compagnie ne s’est iamais dispensée. Commẽt
soustiendra on la violence que l’on a faite au Priuilege
d’vn Prince du Sang, & d’vn Pair du Royaume, puis que
le jugement des Pairs apartient aux Pairs, & que la presence
du Roy est necessaire à celuy des Princes du Sang Royal.
Dans le Registre du quatriéme Decembre 1378. on treuue
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que lors qu’il fut question de juger le Duc de Bretagne,
on representa au Roy Charles V. qu’il ne pouuoit assister
au procez estant partie par son Procureur general, & que le
jugement des Pairs priuatiuement au Roy, le Duc de
Bourgogne comme Doyen des Pairs, representa la mesme
chose à Charles VI. & son opposition se treuue dans
le Registre du 2. de Mars de l’année 1386. mais l’on a jugé
depuis en d’autres rencontres que le Roy n’estoit partie par
son Procureur general que pour l’interest public, & qu’il
ne paroissoit dans son lict de Iustice, que comme Magistrat
& Chef souuerain de l’Estat, & par consequent exempt
de passion & non recusable : & Charles VII. ayant enuoyé
demander au Parlement de Paris, s’il pouuoit se dispenser
d’assister au procez de Iean II. Duc d’Alençon Prince du
Sang & Pair de France : Le Parlement assemblé sur ce sujet
le 20. du mois d’Auril 1458. respondit, qu’on ne trouuoit
point dans les Registres que sans la personne du Roy, és procez
des Pairs & Seigneurs du Sang, eussent esté donnez ou
prononcez aucuns appointemens, Iugemens ou Arrests interlocutoires
ou definitifs, & qu’ainsi auoit esté pratiqué és procez
criminels de Robert d’Artois, Iean de Montfort Duc de
Bretagne, & que le Parlement jugeoit conuenable & tres raisonnable
ainsi le faire, veu la grandeur du personnage &
l’importance de la matiere ; & s’il suruenoit quelque empeschement
audit Seigneur Roy, qu’il estoit meilleur proroger &
continuer à surseoir l’expedition du procez criminel jusques
à ce que le Roy peut y vaquer & presider en la Cour garnie de
Pairs, & en sa Majesté Royale. Ce sont des formalitez que
l’on a tous jours obseruées en de pareilles rencontres, lors
que les Rois n’ont point voulu forcer le cours de la Iustice
ordinaire de l’Estat. Et en effet, dans les Lettres de restitution
données par le Roy Loüis XI. à Iean II. Duc d’Alençon
contre l’Arrest de mort interuenu au Parlement tenu
à Vendosme le 10. d’Octobre 1458. il est expressement dit :
Que le procez auoit esté fait audit Duc en la presence du feu
Roy & par sa Cour garnie & autres à ce appellez. Et si René
d’Alençon, Comte du Perche, fils de ce mesme Iean ne fut
pas traitté de la mesme sorte, outre la violẽce dõt l’Histoire
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fait vn reproche à Loüis XI. elle en apporte encore des raisons qui sont
dignes d’vne tres grande consideration. Les Lettres de Restitution furent
accordées à Iean le II. iour d’Octobre 1461. dans la ville de Tours ;
mais elles ne luy furent expediees que sur les promesses, Declaration &
conditions portees par la Lettre qu’il donna au Roy dans la mesme ville
de Tours le 12. iour dudit mois d’Octobre de la mesme année ; depuis
s’estãt meslé en la guerre du bien public & retiré auec le Duc de Bretagne
& ses alliez, & pris ouuertement les armes contre le Roy son bien
faicteur, attirant auec luy René Comte du Perche son fils, & faisant souleuer
leurs villes & Chasteaux ; René qui desiroit de se remettre dãs les
bonnes graces du Roy, luy promit de reduire en son obeïssance la ville
& Chasteau d’Alẽçon, pourueu qu’il pleust à Sa Majesté de luy octroyer
des Lettres de pardon & à son pere & à sa mere, sur ces propositions du
Cõte René, le Roy fit expedier des Lettres au Mans le dernier iour de
Decembre 1467. & donner pour seureté de sa parole les Lettres du Roy
de Sicile son Oncle, du Duc de Bourbon son frere, du Duc du Mans son
Oncle & du Sire de Bueil son Cousin. La ville & Chasteau d’Alencon
estant renduës au Roy, on fit expedier au Mans le 20. de Ianvier 1467.
d’autres Lettres en faueur desdits Ducs d’Alençon pere, & mere &
fils, & particulierement en faueur dudit Comte René, par lesquelles il
estoit dit : Que les fautes cõmises & à commettre par son pere ne pourroiẽnt
prejudicier à son Estat, biens & dignitez, pourueu qu’il n’en fut coupable
de son chef : Mais le Roy prit de son costé celles de l’asseurance &
soumission qu’il desiroit du Comte, par lesquelles il consent en cas de
contrauention, que la grace que le Roy luy a faite soit nulle, de nu l’effet
& valeur. Quelques années apres le Duc Iean retomba dans les mesmes
fautes qui luy auoiẽt esté déja pardõnées deux fois par Sa Majesté, pour
raison dequoy son procez luy ayant esté fait, il fut condamné par Arrest
du 18. Iuillet 1474. René Duc d’Alençon son fils fut depuis arresté par
le commandement du Roy & mené au Chasteau de Chinon, & le 4.
iour de Septembre 1481. ayant esté interrogé par Monsieur Doriole
Chancelier de France, Iean de Daillon Seigneur du Lude Gouuerneur
du Dauphiné, par le grand Seneschal de Normandie & autres Commissaires
deputez prr le Roy pour luy faire son procez, il leur respondit :
Qu’il ne se departiroit iamais de son Priuilege, qu’il n’estoit tenu de respondre
deuant d’autres fors deuant le Roy, les Pairs de France & la Cour
de Parlement ; Et le Samedy 20. d’Octobre de la mesme année 1481.
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ayãt esté encore interrogé par les mémes Cõmissaires, son interogatoire
porte qu’il leur respondit en ces termes : Que Dieu luy auoit fait la grace
qu’il estoit extraict de la tres noble maison de France, qui est la plus noble
& la plus grande du monde, à cause de laquelle extraction de la maison de
laquelle il estoit issu & de sa dignité & prerogatiue de Pair, il n’auoit d’autres
Iuges fors le Roy, les Pairs de France, & la Cour de Parlement ; &
quand Monsieur son pere & aucuns autres Princes ou Seigneurs du Sang
ont esté pris & arrestez, on les a accoustumé d’amener vers le Roy, & illec
les interroger, parquoy combien qu’il n’eust aucune suspicion de ses Commissaires,
neantmoins pour garder son Priuilege & la dignité que Dieu
luy a donnée, il n’estoit pas deliberé de respondre deuant eux.
Et du depuis ayant esté requis & forcé de le faire, ce fut auec protestation
que c’estoit sans prejudice de ses Priuileges & dignitez de Pairie &
non autrement, ni sans d’iceux en aucune maniere se departir. Ce Prince
fut con duit au Bois de Vincennes, & lors que les Commissaires de la
Cour du Parlement voulurent le 18. Iuillet 1482. prendre connoissance
du procez qui auoit esté fait & commencé à l’encontre de luy par
Monsieur le Chancelier, l’Histoire remarque qu’il leur respondit de
cette sorte : Qu’ils connoissent bien quel personnage il estoit, & la maison
dont il estoit descendu, qui estoit la tres-noble maison de France de laquelle
il estoit, & l’vn des Pairs, pourquoy il n’estoit tenu de respondre
deuant quelques Iuges, accepté deuant le Roy & en cette Cour de Parlement
garnie des Pairs, & qu’il declinoit la jurisdiction de ladite Cour seulement
ainsi assemblée, en protestant que quelque chese qu’ils fissent, il
n’entendoit s’y soûmettre, ains au cas qu’ils voudroient proceder à l’encontre
de luy, en l’absence du Roy & des Pairs de France assemblez, ledit Comte
du Perche en appelloit au Roy & à sadite Cour de Parlement, garnie desdits
Pairs, depuis quoy qu’il eust esté forcé de respondre nonobstant ses protestations
son declinatoire on voit par les memoires qui furent écrits en ce
temps-là par quelques vns de ceux mesmes qui assisterent au jugement de
son procez, que le Roy força la liberté de leurs suffrages, & qu’il ne
peut mettre à couuert la violence qu’il leur auoit faite & au Comte René,
qu’en faisant debatre en toutes occasions par son Procureur general
l’Estat & les Priuileges dudit Comte René, alleguant que Iean son
pere auoit rescidiué depuis ses Lettres de restitution, & que celles de René
son fils n’auoient point esté verifiées à la Cour, & fortifiant cette opposition
par des Lettres Patentes, par lesquelles il vouloit que l’on procedat
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contre ledit René, comme contre vne personne non priuilegiée, ni capable
de joüir des droicts & Priuileges de Parie, desquels nonobstant le declinatoire
& appellations, il deboutoit ledit René, attendu ses contrauentions
manifestes aux Lettres qu’il auoit données à Sa Majesté lors qu’elle l’auoit
restabli dans ses honneurs, priuileges & dignitez.
De semblables procedures sont tousiours plus injurieuses à la reputation
des Roys qui les font faire, qu’à celle des Princes qui les souffrent.
Quand Monsieur le President de Thou parle dans son Histoire
de la maniere dont on fit le procez à Louys de Bourbon Prince de Condé,
qui n’ignorant point les droicts & les priuileges de sa Naissance, appelloit
en toutes rencontres des Ordonnances que ses Commissaires
rendoient contre luy, & des iniustices que l’on faisoit à sa dignité, il
nomme cette procedure inhumaine : & le Parlement qui la cassa comme
iniuste, donna à ce Prince, en la persone duquel on auoit violé les droicts
des Seigneurs du Sang, & des Pairs du Royaume, vn recours contre
ceux qui auoient conseillé au Roy de semblables violences. François I.
pour se garentir de ce reproche, voulut assister au iugement du Connestable
de Bourbon : & l’Histoire nous apprend qu’il ne fit aucune procedure
contre ce Prince quen la presence du Roy, & de la Cour, garnie
des Pairs, qui sont les Iuges naturels des Princes de la Maison Royalle.
Il y a nullité mesme dans les moindres adiournemens, s’ils ne sont
decretez dans ces formes. Et nous voyons dans Alain Bouchard 1202.
Que le Roy Iean d’Angleterre fut adiourné solemnellement au Parlement
pardeuant le Roy & les Pairs, ausquel il ne comparut, ny aucun autre pour
luy, & qu’à cette cause cause le Roy & les Pairs deüement assemblez, donnerent
plusieurs deffauts : apres quoy les informations faites contre luy
pour la mort de son nepueu Artus, furent veuës par lee Pairs, & l’Arrest
donné.
Edoüard Roy d’Angleterre se plaignit de ce que par l’ordre de
Philippe le Bel on auoit informé contre luy sans qu’il eust est adiourné
par les Pairs de France feants en Parlement, suyuant son priuilege de
Pairie ; Sa protestation se treuue dattée du 3. Aoust 1293. & l on treuue
vne commission dudit Roy Philippes le Bel à Cuy de Nantoüillet, &
Pierre Flotte ; qui estoient Officiers au Parlement dattée du iour de
S. Nicolas d’Hyuer.
Encore que la Declaration qui fut enuoyée en 1615. contre feu
Monsieur le Prince se treuue enregistrée, il est certain toutefois que le
plus grand nombre des suffrages alloit, à la refuser, atttendu que l’on
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n’auoit pas obseurué les formes requises dans le Iugement des procez
des Princes du Sang Ce que l’on vient de pratiquer contre Monsieur le
Prince est bien different de cette procedure, auparauant que d’auoir
[1 mot ill.] deliberé fi sa conduite est criminelle, on enuoye contre
luy vne Declaration de cette importance, sans la communiquer mesme
à Monsieur le Duc d’Orleans Oucle vnique du Roy, & sans vouloir
accorder à Son Altesse Royale vn delay de 15 iours pour pacifier les
mouuemens de l’Estat, afin de ler augmenter par cét acte iniurieux, on
en precipite l’en registrement, & Monsieur le ? Gardes des Sceaux,
pres l’auoir sçellé comme partie, sans auoir égard à l’imcopabilité de
ses deux charges, & contre toutes les regles de la Iustice y preside
comme Iuge,
Mais pourquoy s’estonder de ce que l’on a refusé à Son Altesse R. le
temps qu’elle demandoit pour trauailler à vn accommodement seur &
honneste, il n’y auroit gueres d’apparence qu’on luy accordat quinze
iours apres luy auoir refusé deux fois 24 heures pour la mesme chose.
L’esprit du Cardinal Mazarin qui anime encore là present les Conseils
du Roy, & qui ne regne que dans la confusion & le desordre, s’oppose
auec trop d’artifices aux bonnes intentions que Monsieur le Duc d’Orleans
a tousiours euës pour la tranquillité publique C’est ce mesme
esprit qui a fait porter au Parlement cette Declaration, par laquelle on
pretend auiourd’huy condamner la conduite de Monsieur le Prince,
qui bien loing (comme on l’accuse) de faire publier sous son nom
tous les pretextes specieux desquels se sont ordinairement serui ceux
qui ont voulu secoüer le ioug de l’obeyssance, à laquelle ils estoient
tenus enuers leurs Princes Souuerains, n’a que trop de iustes suiets de
songer à la conseruation de sa personne & de toute sa famille. Les dignitez
dont on recompense ceux qui ont fait des coniurations contre
sa vie & contre l’Estat, iustifient affes toutes les precautions qu’il prend
pour garentir l’vn & l’autre de la trahison & de la perfidie de ses ennemis ;
& il n’y a point de Iuge desinteressé qui puisse condamner
ses armes, puis qu’il ne les a prises que pour sa deffense particuliere,
qui est permise à tout le monde, & pour celle du repos
public, en s’opposant au retour du Cardinal Mazarin, qui en a esté
declaré le perturbateur. Voila quels sont les pretextes specieux
qu’on luy reproche tacitement dans la Declaration, mais que
l’on n’auoit garde d’exprimer, de peur que les mesmes Iuges par
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qui l’on pretendoit faire condamner son procedé, ne le iustifiassent
authentiquement, comme estant conforme aux Arrests
qu’ils ont donné tant de fois, & aux Declarations qu’ils
ont verifiées contre ce Ministre Estranger. En effet, apres auoir
veu le Cardinal Mazarin triompher auec autant d’insolence
que d’iniustice de la liberté de Monsieur le Prince, peut-on
douter qu’il ne soit son ennemy ? Et si à la hõte de nostre nation,
il pouuoit encore vne fois rentrer dans le Conseil du Roy,
qu’il a deshonoré par I’incapacité & l’infamie de son Ministere,
peut-on douter qu’il n’abusast encore de l’authorité Royale,
pour se venger par toutes sortes de voyes, d’vn Prince qui
ayant demandé la iuste reparation qui estoit deuë à son
innocence, a fait chasser auec infamie son iniuste perseteur ?
La continuation du commerce que cét Estranger entretient
auec la Cour, ne donne-elle pas de iustes soupçons qu’il a
tousiours conserué en son bannissement vn esprit de retour ?
Le Parlement de Paris en est assez persuadé, & M. le Prince a
iuste suiet d’esperer que ses bonnes & sinceres intentions seront
quelque iour iustifiées dans la mesme Compagnie auec
plus de solemnité que la Declaration, par la verification de
laquelle on pretend de le faire passer pour criminelle. Ce
qui s’est fait dans le Parlement le treziesme de ce mois, fait
assez connoistre que les iustes esperances qu’a M. le Prince de
voir son Innocence reconnuë, n’ont pas moins de fondement
que les legitimes apprehensions qu’il a de la voir opprimée,
puis qu’apres auoir verifié le cinquiesme de ce mois vn acte
par lequel on le declare criminel, parce qu’il prend les armes
pour empescher le retour du C. Mazarin, qui est l’ennemy de
l’Estat & le sien ; Huit iours apres le mesme Parlement donne
vn Arrest, par lequel il fait deffence d’entretenir commerce
auec ce mesme Cardinal ; Ordonne que sa Maiesté sera tres-humblement
suppliée de faire cesser toutes les intelligences
qu’il entretient dans le Royaume, comme estant tres-preiudiciables
au bien de son seruice, & qu’elle donnera encore vne
fois sa parole Royale de l’auoir esloigné sans esperance de
retour, qu’elle fera sçauoir à tous les Ambassadeurs qu’elle
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tient, soit aupres du Pape, soit aupres des autres Princes
estrangers, qu’elle deffend de traiter auec luy, pour quelque
cause que ce puisse estre, & que tous les François qui
sont aupres de luy, seront obligez de retourner en France
dans vn mois, à peine d’estre punis selon la rigueur des Ordonnances.
Si les soupçons que le Parlement a des intelligences du
Cardinal Mazarin sont mal fondez, pourquoy vient il de renouueller
ses Arrests contre luy ? Vn grand Corps comme cét
Auguste Senat, qui ne doit auoir pour mobile de ses actions
que la prudence, ne doit pas se laisser conduire par les bruits
qui font mouuoir la populace ? Mais si dans cette rencontre sa
conduitte est iuste & iudicieuse, pourquoy vient-il de condamner
celle de Monsieur le Prince, qui n’est armé que pour
empescher le retour du mesme Cardinal Mazarin, apres tãt de
Declarations & de paroles données au Parlement, que sa Majesté
auoit éloigné de ses Conseils ce malheureux Estranger
sans esperance de retour ; si pour demander encore vne fois la
parole Royale sur le mesme suiet, la deputation qu’il vient
d’arrester est necessaire pour le bien de l’Estat, si la deffiance
qu’il fait paroistre est iuste & raisonnable, pourquoy veut il
condamner celle de Monsieur le Prince, qui n’a sauué sa liberté
des pieges qu’on luy auoit tendus, qu’en ne la confiant
point aux asseurances que luy donnoit la Cour, qui n’agit
que par les ressorts cachez du Mazarinisme, & qui pour surprendre
plus facilement la credulité des suiets du Roy, falsifie
presque en toutes rencontres le sacré caractere de la Maiesté
Royale, & en fait entrer la parole dans le commerce de ses
iniquitez & de ses iniustices, afin de leur donner plus de credit
& d’authorité ?
Mais pourquoy douter que les deffiances de Monsieur le
Prince & du Parlement ne soient iustes ? pourquoy n’apprehẽder
pas les artifices & les fourbes du Ministere ? Ne sçait-on
pas que le Cardinal Mazarin a leué des troupes, qu’il a loüé
celles de Neubourg, qu’il donne des commissions à ses Creatures,
& que dans le mesme temps qu’on reproche à Monsieur
le Prince de faire seruir le retour du Cardinal Mazarin de pretexte
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à sa desobeyssance, on enuoye à ce mesme Cardinal vn
Breuet de Generalissime, afin de faire rentrer en Conquerant
celuy que tout le Royaume a proscrit comme vn infame ? Les
lettres qu’il a escrites à Monsieur Delbœuf pour luy demander
passage dans son Gouuernement ont esté leuës publiquement,
ses desseins ont esté découuerts, & le rappel de Monsieur le
Tellier pour exercer sa charge, au preiudice de la parole que
l’on auoit donnée lors qu’on luy commanda de se retirer de la
Cour, fait assez iuger que l’on se croit en estat d’imposer
encore vne fois aux peuples le ioug de la tyrannie estrangere,
qu’ils auoient si legitimement secoüé durant la Minorité du
Roy.
C’est bien vainement que continuant de faire des outrages
à Monsieur le Prince, on nomme ses desseins pernicieux, si preuoyant
la malice de ses ennemis, qui durant l’interregne de
leurs cruautez, ne meditoient autre chose que sa perte, & celle
des plus fidelles suiets du Roy, il n’eut preuenu leurs desseins
violens en se mettant en estat de les confondre. Tous les peuples
auiourd’huy luy diroient auec Iustice, l’ennemy du
Royaume est aux portes, ce monstre d’auarice qui a desolé
toutes les Prouinces, ce mauuais Ministre qui empeschant la
conclusion de la Paix generale, a rallumé plus que iamais le
feu de la guerre Ciuile & estrangere. Le Cardinal Mazarin
veut rentrer à main armée dans l’Estat d’où nous l’auons chassé,
il apporte des chaisnes & des fers pour accabler sous le
poids d’vne seruitude honteuse la liberté de tous ceux qui le
sont declarez contre luy : Nous sommes ses ennemis, il est le
nostre. Armez-vous pour nostre deffence & pour le salut de
l’Estat, & rendez-nous en cette occasion ce que nous auons
fait pour vous lors que nous auons rompu les portes de l’iniuste
prison, dans la quelle il vous a retenu si long temps à la confusion
de tous les François, & au deshonneur de la parole
Royalle qu’on vous auoit donnée, & de la Couronne que vous
auez si genereusement maintenuë.
De quelque artifice que se serue l’esprit du mensonge pour
se cacher, le temps fait tousiours triompher l’esprit de verité,
il arrache de dessus le visage des fourbes le masque trompeur
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duquel ils se seruent pour n’estre point connus ; & Dieu qui
pour mortifier l’orgueil des hommes ne permet pas que leur
prudence reüssisse tousiours, afin qu’ils aprennent qu’il y a
quelque chose au dessus de leur preuoyance, ne souffre pas aussi
qu’elle soit tousiours trompée, de peur qu’ils ne croyent pas
que c’est la seule fatalité qui gouuerne le monde qui nous fait
quelquefois deceuoir dans nos iugemens, & qui quelquefois
aussi fait que la violence & l’iniustice sont confonduës. Cela se
remarque assez dans la conduite de Monsieur le Prince & dans
celle de la Cour, qui dans la derniere occasion n’a peu si bien
cacher ses mauuaises intentions, que Monsieur le Prince, dont
la prudence auoit esté vne fois surprise, ne s’en soit aperçeu, &
c’est vne verité si constante, qu’il ne faut que lire la Declaration
que l’on a enuoyée au Parlement, dans laquelle on appelle
procedé d’honneur & de prudence, les Declarations qu’on
luy a accordées, & que l’on a fait publier dans la Maiorité,
quoy que ses pernicieux desseins & ses attentats à l’authorité
Royalle fussent connus.
Apres la Declaration que Monsieur le Duc d’Orleans fit en
faueur de Monsieur le Prince, & le dementy solemnel que Son
Altesse Royalle donna à ceux qui auoient conseillé de faire des
plaintes publiques de sa conduite, il ne se met guere en peine
de se purger des calomnies qui retombent à la veuë de toute la
France sur le visage de ceux qui les auoient inuentées ; Mais si
la Cour fut en ce temps-là persuadée de l’innocence de Monsieur
le Prince, luy reprocher maintenant les mesmes crimes,
dont elle reconnut qu’il n’estoit point coupable ; c’est la marque
d’vne animosité dangereuse, & qui n’attendoit qu’vne
nouuelle occasion pour éclatter ; Que si elle n’estoit point
conuaincuë de la sincerité de son procedé, au contraire, si elle
estoit asseurée qu’il estoit criminel, luy faire vne reparation
publique par vne Declaration d’Innocence, & reietter toutes
les accusations sur la malice de ses ennemis, c’est la marque
d’vne foiblesse honteuse à l’authorité Royalle.
Vne conduite si legere & si inconstante ne deuoit-elle pas
faire craindre à Monsieur le Prince l’inexecution de la Declaration
qu’on accordoit à son Innocence, & puis que l’on viole
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auiourd’huy celle qui fut publiée le mesme iour dans la mesme
Assemblée contre le Cardinal Mazarin, par le rappel de qui
l’on ruine entierement la confiance que les sujets doiuẽt auoir
à la parole de leur Roy ? Peut-on blasmer Monsieur le Prince
de n’auoir pas creu les asseurances qu’on luy donnoit plus veritables
que l’exil du Mazarin que l’on rappelle ?
Tout le monde sçait que lors que Monsieur le premier President
fit des remonstrances au Roy, sur le suiet de l’écrit qui
auoit esté enuoyé au Parlement contre Monsieur le Prince,
« dit, Qu’il auoit sçellé de son sang sa fidelité en tant de rencontres
que l’on ne la pouuoit iustement soupçonner, cependant »
la Cour qui croit ne pouuoir rasseurer le retour du Cardinal
Mazarin, que par la diuision de la maison Royalle, l’a
forcé dans les dernieres Assemblées de dire le contraire, &
pour attaquer plus fortement la reputation de Monsieur le
Prince, de foüiller iusques dans les tombeaux de ses Ancestres,
c’est auec cette mesme violence qu’il a esté contraint d’accepter
sans la participation de son Altesse Royalle & de Monsieur
le Prince, les mesmes Sceaux qu’il auoit si genereusement rendus
pour ne seruir point de pretexte à la diuision de la famille
Royalle, & c’est cette mesme violence qui doit estre accusée
de la precipitation auec laquelle le Parlement a verifié cõtre les
formes la Declaration qui luy a esté enuoyée. En effet apres
auoir monstré par des exemples si authentiques, que l’on ne
peut donner vn simple adiournement personnel à vn Prince
du Sang qu’en la presence du Roy, & dans sa Cour garnie de
Pairs, & puis que les Loix du Royat me ont voulu que l’en apportast
ces circonspections, lors qu’il s’agit de faire le procez
aux personnes de cette qualité, de peur que les Rois & l’Estat
qui sont interessez dans leur conseruation, ne fussent quelquefois
surpris parla malice des Ministres qui les voudroiẽt sacrifier
à leurs passions, peut-on soustenir la procedure que l’en a faite
conte Monsieur le Prince ? peut-on soustenir celle que l’on a
faite contre Monsieur son Frere ? sur le simple procez verbal
d’vn Esleu, qui rapporte que Monsieur le Prince de Conty a
fait vendre du sel à bon prix, on declare criminel de leze Majesté
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vn prince du Sang. Encore est-ce quelque moderation
de l’auoir traitté aussi fauorablement que l’Euesque de Chalons,
en faueur duquel le 10. Mars 1388. il fut iugé, attendu sa
qualité de pair, qu’il ne plaideroit qu’au Parlemẽt, pour raison
du mesurage du sel de Chalons, & de ne luy auoir pas fait faire
son procez à la Requeste de Monsieur le procureur General
de la Cour des Aydes, pour en auoir fait mesurer à Bourges.
Mais qu’à fait Madame la Duchesse de Longueville ? de quel
crime est elle accusée ? est-elle comprise dans le procez verbal
de Monicaut ? ou quelqu’autre Esleu s’est-il declaré sa partie ?
C’est vne Sœur genereuse qui veut partager les disgraces
de Monsieur son Frere, c’est vne Princesse pleine de couragé,
qui veut ou se sauuer dans le mesme Vaisseau qui porte toute
sa famille, ou ne suruiure point aux ruines de sa Maison, pour
n’auoir point le déplaisir de seruir de trophée à l’insolẽce de ses
ennemis : Enfin l’amitié fraternelle, & l’interest qu’elle prend
à la conseruation de la grandeur d’vne des plus illustres branches
de la Maison Royalle, dont elle descend, sont les crimes
pour lesquels on luy veut faire son procez. Cependant il faut
aduoüer que la violence de la Cour ne va pas cette année si
loing que l’an passé, ou qu’elle n’a pas encore declaré la guerre
à toutes les vertus. Madame la Princesse, dont la generosité
n’est pas moindre dans cette derniere persecution, que lors
qu’elle exposoit sa personne pour encourager les peuples qui
combattoient pour la liberté de Monsieur son Mary, n’est
point comprise dans la Declaration, & la Cour qui l’année
passée auoit donné ordre de la prendre morte ou viue auec
Monsieur le Duc d’Anguien son fils, comme on le descouurit
par les lettres que l’on escriuoit au feu Cheualier de la Valette,
& qui furent interceptées à Limeuïl, a suspendu sa colere, &
l’on n’a point encore descouuert qu’elle ait donné des ordres
d’attenter à sa vie, parce qu’elle a accompagné Monsieur son
mary dans son Gouuernement.
Certes l’iniustice que l’on a fait à Monsieur le Prince doit
bien exciter l’indignation des peuples, & les artifices dont ses
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ennemis se seruent pour executer les violens projets qu’ils font
tous les iours pour opprimer son innocence, deuroient bien
estonner tous les bons François. L’affaire de Pagani n’est elle
pas horrible ? & si Monsieur de Vineüeil que Monsieur le Prince
auoit enuoyé à Son Altesse Royalle pour luy faire les proposition
d’vn accommodement seur & honneste, n’eust eu en
cette rencontre toute la presence d’esprit & toute la fidelité
qu’vn bon suiet doit auoir pour son Roy, ne tomboit-il pas
dans vn precipice funeste, & n’y entrainoit-il pas auec luy la
reputation de Monsieur le Prince ? Tout le monde voit fort
clairement que ce Pagani est vn Italien suscité par ses ennemis,
& cependant tout le monde voit que l’on assoupit cette affaire
de peur d’estre obligé de chastier exemplairement les autheurs
d’vn crime si enorme. C’est dans vne occasion de cette importance
que Monsieur le Prince n’a pas moins de suiet de se plaindre
de la lenteur du parlement, que de la precipitation auec
laquelle il a verifié contre luy vne Declaration si defectueuse,
& dans le fonds & dans la forme.
Et en attendant que ses iustes plaintes puissent estre portées
au Roy, il proteste de nullité de tout ce qui s’est fait contre
luy, & en appelle à sa Maiesté seant en son Lit de Iustice, & à
la Cour garnie des Pairs ; & lors que l’on examinera selon les
Loix du Royaume la sincerité de ses intentions & de sa conduite,
apres auoir declaré qu’il n’a rien fait pour la seureté de
sa personne, & de la Prouince dont il est Gouuerneur, en s’opposant
au retour du Mazarin, que du consentement du Parlement
de Bourdeaux, qui n’est pas moins depositaire de l’authorité
Souueraine du Roy que celuy de Paris, il demandera
s’il n’est pas dans les mesmes termes qu’estoit Monsieur le
Prince de Conty son frere, lors que du consentement du Parlement
de paris, il prit les armes contre le mesme Cardinal
Mazarin : Enfin deuant que de iuger de ce qu’il est obligé de
faire pour sa conseruation & pour le salut de l’Estat en 1651.
il demande au Parlement de Paris, qu’il fasse vn peu reflexion
sur ce qu’il creut estre obligé de faire en 1649.
FIN.
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