RESPONSE
AV SEDITIEVX ESCRIT
intitulé Lettre du Bourgeois des-interessé.
I’AY quelque sujet de douter que cette Lettre
du Bourgeois Historiographe, non seulement
interessé, mais passionné pour le party des Mazarins,
ait esté comme il le publie escrite à la veuë
du port, puis qu’il confesse que son nauire fait encor
voile sur vne mer orageuse, & qu’il estmesme
en danger de faire nauffrage. Cependant de quelque
passion qu’il paraisse animé contre Messieurs
les Princes, & quelque fard qu’il employe à déguiser
ses mauuaises intentions, ie demeure d’accord
auec luy qu’il est temps que sa Majeste se repose,
puis qu’elle a des ja plus fait de courses & de
voyages dans la France pour asseurer la fortune du
Mazarin, qu’aucun des Roys ses predecesseurs, &
ie souhaitte auec vne passion aussi forte, mais plus
legitime que la sienne, que Paris termine sa course
& reçoiue bien-tost cette satisfaction qui réjoüira
dans ses murs iusques aux obiets insensibles.
Nous auons sçeu la response que le Mazarin par
la bouche du Roy fist aux Deputez à Melun, combien
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de peine ils eurent a obtenir cette audience,
comme enfin apres le traité fait auec le Duc de
Lorraine elle leur fut accordée : Nous auons sçeu
le rapport que Messieurs les Deputez en firent au
Parlement, & les responses de Messieurs les Princes
aux questions qui leur furent faites dans le Palais
sur ce rapport : Mais nous auons ignoré iusques
icy, que cette response accommodée au
temps & aux lieux fust si conforme aux sentimens
communs, que les moins credules & les plus sages
la publiassent incontinent pour la paix, au
contraire rien n’en parut iamais plus esloigné,
puisque pour auoir lieu de retenir Mazarin en
Cour sous quelque sorte de pretexte, on exigeoit
de Messieurs les Princes vne condition à laquelle
on sçauoit qu’ils ne deuoiẽt point consentir, qui
estoit la loy de poser les armes auant son depart,
auquel, en ce cas, on le faisoit voir tres disposé. Cependant
tandis que cette contestation amusoit
dans Paris les esprits de part & d’autre & que
les Mazarins publioient de tous costez qu’il ne
tenoit plus qu’aux Princes que les vœux de tout
le monde n’eussent leur accomplissement en
ce doux effet de la Paix, on eut aduis tres
certain que sans attendre vne autre legation
qui portast en [1 mot ill.] la response & les dernieres resolutions
de Messieurs les Princes : le Mareschal
de Turenne, sçauançoit vers Paris auec l armée
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de Mazarin, qui d’ailleurs se temoignoit
d’entrer en cette ville à quelque prix que ce fust,
s’assurant que comme il se rendroit inseparable
de la personne du Roy, tout feroit bien-tost
ioug à son authorité, & qu’il en chasseroit les Princes,
ou les reduiroit le mesme iour. Ce bruit espandu
parmy la ville, émeut, outre les interessez,
tous ceux qui sont d’ordinaire amis du changement,
& tous ceux a qui le ioug de la misere
presente sembloit plus pesant que la plus cruelle
tyrannie de Mazarin, sans penser que c’estoit
le moindre de ses effects ; si bien que pour
empescher que ce mal qui n’estoit qu’en la superficie,
ne passast enfin iusqu’au cœur, ontrouua
bon d’y apporter le remede de tous, qui parut
le plus puissant, qui fut l’ascendant que le
merite du Duc de Beaufort, & les frequents
temoignages de son amour & de sa bonté rendus
aux peuples, luy donnent sur les cœurs
de tous les habitans de Paris. Ce Duc aussi-tost
fit éclater le zele nom pareil qu’il a pour le party
de la iustice, la necessité luy seruit de loy dans
cette occasion, il fut à la Place Royalle, où le iour
precedent il auoit conuié le peuple de se trouuer,
& les plus iudicieux sçauent parfaitemẽt qu’il
forma moins ce dessein pour exciter vne sedition,
que pour en arrester vne tres grãde qui se preparoit.
Les plus mutins du peuple, animez contre les
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longueurs de Mrs du Parlemẽt, en accusoient vne
grande partie d’estre Mazarins, & les menassoient
du fer & du feu ; leurs cris de sedition s’estoient
fait ouïr autour du Palais, au temps d’vne
grande assemblée. Le Duc sorty pour appaiser ce
desordre, leur donna ce rendez vous de la Place
Royalle, auquel il ne manqua de se trouuer le lendemain.
Là les ayans trouuez encor plus irritez
que le iour precedent, il s’efforça de leur persuader
que Messieurs du Parlement auoient de tres-bonnes
intentions pour le bien du peuple, que
leurs bons effets n’estoient retardez que par quelques
obstacles que la Cour mettoit à toutes leurs
deliberations ; mais que leur zele pour le salut du
public dissiperoit bien-tost tous ces ombrages, &
par consequent qu’on auoit suiet d’en bien esperer ;
qu’il engageoit sa parolle à toute l’assistance,
qu’elle en receuroit toute sorte de satisfaction :
Mais que si contre son esperance il en arriuoit autrement,
il leur donneroit luy mesme vne liste
des Mazarins & commenceroit auec eux le pillage
de leurs maiss. Qu’au reste il les aduertissoit du
dessein tres dangereux que Mazarin auoit fait de
venir mettre Paris à sac, & de changer les voix
d’accommodement & de paix en des cris de terreur,
de guerre, & de massacre ; Que par vn nouuel
attentat à la liberté des Princes ses alliez, des plus
gens de bien du Parlement, & des riches bourgeois
qui auoient tesmoigné quelque zele pour
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leur party & de tout le menu peuple ; il venoit fondre
auec vne armée nombreuse, premierement
dãs les Fauxbourgs, puis dans la ville, si on refusoit
de, l’y receuoir auec le Roy ; & par consequent
que chacun se tint sur ses gardes, & s’asseurast
qu’au premier témoignage que les Mazarins donneroient
dans la ville, de vouloir faire quelque
coup de trahison en faueur de leur chef, ils seroient
traittez comme ils le merittent, & leurs
biens donnez en proye au premier occupant,
ce qui fut vne promesse accommodée au temps,
qui ne deuoit estre suiuie d’aucun effet. Le iuste
mesme ou le Heros qui preside à la place, eut
horreur des desseins du Mazarin, & sembla donner
vne approbation secrette aux vœux de ce Duc.
Iamais action ne fut faite auec tant de iustice &
de moderation que celle là, comme ce Prince
n’en peut iamais vser autrement, & l’on sçait que
c’est douter de la pieté d’vn Saint, de la valeur
d’vn Heros, & de l’amour d’vn Seraphin que de
reuoquer en doute sa passion pour le salut de sa
patrie, & sa bien veillance pour le peuple ; ce qu’il
rendit tres éuident dés le temps de la guerre de
Paris ; & pour dire aussi ce que i’en pense par les
termes d’vn graue Autheur Solus ad id bellum bimas
artes attulerat. Aussi loin d’estre autheur de seditions
& d’assassinats, il en a plutost encouru le peril
qu’il ne l’a fait éprouuer aux autres, puis qu’il
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est certain que s’il auoit vsé de plus de precaution
en vn autre temps, Mazarin n’auroit pas
triomphé de son mal-heur, en le retenant si longtemps
au bois de Vincennes.
Ie repartirois à ce que ie trouue allegué dans
cet escrit, que le Mardy ensuiuant, sans l’ordre
que Messieurs de Paris mirent à la conseruation
de leurs maisons & de la seureté publique, on
eust veu le Palais du luge occupé par le criminel,
quartiers armez les vns contre vns contre les autres, &
le beau Paris deschiré par ses propres mains, si
ie n’y auois dé-ia reparty, puis qu’il est certain
que si l’on n’a pas veu-tous ces desordres dans
Paris, il en a l obligation à Messieurs les Princes
seuls, dont la moderation a tousiours seruy de
frain à l’emportement du peuple pour le retenir
dans la modestie, mesme lors qu’ils estoient plus
puissamment choquez par les Mazarins. Au reste,
si i’oze parler vn peu hardiment, ie diray que
lors que le luge dans son Tribunal, ne fait pas
la fonction de sa charge, & laisse dans la souffrance
la foiblesse opprimée, qui presse vainement
son secours, il se rend luy mesme criminel,
& que comme celuy qui le renuerse fait vn acte
de Iustice, il tient presque le rang de luge en ce
rencontre. C’est ainsi que ie ne puis trouuer supportable
que les Mazarins, ces tyrans de nos libertez,
lesquels apres auoir rauy mesme nos biẽs,
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se veulent conseruer l’empire qu’ils ont vsurpé
sur le peuple, qui est leur pere commun, en ce
qu’ils sont sortis du plus bas estage, nomment
auiourd’huy factieux ceux qui les poursuiuent à
cause de leurs larcins & de leurs concussions passées
comme si les voleurs qui se voyent poursuiuis
à main armée par ceux dont ils ont autrefois raui
la depoüille, auoient bonne grace de les nommer
insolens & seditieux, parce qu’ils ont resté
quelque temps en possession de leurs biens.
Que si le Roy sçait que Paris enferme tout son
royaume, & le regarde comme la Couronne de
sa teste, ie m’estonne que sçachant qu’il soupire
apres son retour, il le laisse si longtemps languir
dans cette impatience, & que faute de rentrer
dans ses murs, il souffre qu’il serue de retraitte à
l’estranger qui se rend son Protecteur, & qui nous
defend des attaques de ceux qui viennent assassiner
ses Bourgeois iusqu’à ses portes, sous pretexte
de seruir le Roy. Qu’on ne me parle point cependant
des effets la charité du Roy, dans la
marche de Melun à saint Denys ; le cœur me saigne
en repensant aux peines qu’on luy fait prendre
pour la satisfaction du Mazarin, qui cache
tous ses sentimens & toutes ses passions sous le
voile de volontez de sa Maiesté. La maison du President
de Violle, où le Roy d’aigna loger à chemin
fut sauuée du sac : mais on ne dit pas qu’vne
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maxime d’Estat vouloit qu’on en vsast ainsi, pour
n’irriter les esprits des autres Officiers du Parlement
qui n’auoient-pas encor conclu l’vnion, en
quoy Mazarin qui seul agissoit dans tout ce procedé,
sembloit imiter Vologeses Roy des Parthes,
au temps de Neron, lors qu’il donna lieu d’euasion
aux legions Romaines, qu’il auoit mises sous le
ioug, famam proder ati nis querebat postquam ambitionem
expleuerat. Le President de Viole, passe aussi
pour criminel & pour traistre ; mais aux yeux de
qui ? d’vn pensionnaire ou d’vn valet de Partisan.
Aussi ce President si genereux, ne doit estre en aucune
façon touché de cette iniure, qui comme vn
trait lancé mal à propos, passe à coste de luy, pour
aller trouuer frapper au delà les Mazarins, qui
sont seuls traistres au Roy, falsus honor iuuat &
mandax infamiaterret quem nisi mendosum & mendacem.
Pour ce qui est du defilé des trouppes de Seneterre,
nous n’auons qu’à les voir passer comme les
autres, sans y estre obligez d’y faire de reflection,
puisque l’autheur extrauague en cet endroit dans
son dessein de choquer les Princes. Enfin Mazarin
laissant Paris à la droitte comme vn esceüil redouté
dans vne mer perilleuse, assigna pour logement
à sa Maiesté, Vincennes ou saint Denis c’est à
dire vne prison ou vn tombeau. Se voyant refusé
du premier dont il fut & sera cependant toûiours
digne, il conduisit le Roy dans le second, &
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l’on dit par galanterie, que comme le Roy voyant
d’vne eminence les tours de Paris, tesmoignoit
quelque desir d’y aller ; le Mazarin faisant tourner
son carosse tout court vers de Virgille, celebrés
par tant de bouches.
Flecte viam velts, an fit mihi gratior vlla
Quo-ve magis, fessas optem dimittere naues,
Quam que, Dardanium tellus mihi seruat Acestem
Et patris anchisa gremio complectitur ossa.
Ce qui fist que les premiers soins de sa Maiesté
renduë en ce port, furent d adorer sur le
tombeau de ses ancestres : mais cependant il est
tres-considerable qu’en cela Mazarin a renuersé
l’ordre de la demeure de nos Rois, puis que
Paris est celle des Rois viuans, & S. Denis de
nos Rois morts. Sa Maiesté cependant eut soin
de la nourriture de Paris où Mazarin enuoya du
pain en effet, ou fist escorter les boulangers qui
le portoient : mais pourquoy renouuelle-t’on nostre
douleur en nous rafraichissant l’idée des ruses
de nostre ennemy qui comme celuy du genre
humain, ne nous fait iamais vn bien que pour
nous faire vn mal beaucoup plus grand ? Il enuoya
des munitions de bouche & en fist remporter
de guerre, on exaggere le premier point, &
on nie le second dont nous auons des preuues
tres-certaines, mesme par ce qui s’est fait depuis.
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Mais ie veux que ce soit vn effet, de la defiance
qu’on a euë des dons d’vn tyran, dõt les presents,
comme ceux des Grecs aux Troyens, doiuent
tousiours estre suspects ; n’est-il pas vray qu’en
cela le Mazarin sembloit en vser comme ces Barbares,
qui donnent le plus de viandes qu’ils peuuent
à leurs parens que l’âge a rendus inutils
au trauail, pour les deuorer apres, & se rẽdre leur
viuants tombeaux : & cependant l’Autheur confesse
qu’vn boulanger fut arresté au cimetiere S.
Iean pour auoir mis de l’arsenic dans son pain, ce
qui veritablement est iustifier tous nos soupçons ;
Mais ne sçait on pas d’ailleurs l’interest que
Mazarin auoit de flatter le peuple de Paris pour
regagner par cet appas ce qu’il auoit perdu
pour la faim qu’il luy auoit fait tant de fois endurer ?
qu’il s’estoit approché de Paris pour cet effet,
& qu’il ne meist le fer en vsage qu’apres auoir
fait inutilement l’essay de cet artifice, qui fut
moins découuert par le peuple que par les plus
zelez & plus iudicieux des principaux de la ville.
On vid en effet que le peuple commençoit à tendre
les bras à la tyrannie deguisée d’vn voile de
feinte douceur, & qu’elle alloit nous resaisir auec
plus de violence qu’auparauant, & c’est ce
qui sert à prouuer que le tumulte de Paris n’est
pas excité dans cette Ville par vn tas de coquins,
comme on nous le veut icy persuader à faux :
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mais que cette playe est profonde & qu’elle touche
toute la France. Il est vray que bien y reflechir,
on verra que le mauuais gouuernement de
l’Estat en est la cause, & que le ressentimẽt en touche
tous les esprits à proportion de ce qu’ils ont
de lumieres & de force. Ne voit on pas aussi que
le Parlement fut le premier autheur de ce trouble
& que le premier temoignage qu’il donna de
desapprouuer le ministere du Mazarin, fist dans
toute la France le mesme effet qu’vne estincelle
qui iettée dans vne matiere combustible y cause
soudain vn general embrasemẽt ? & n’a on pas veu
souuent que les moindres auantages remportez
par l’armée du Mazarin, sur celle des Princes,
ont fait souspirer comme s’il y fust allé de leur ruine
totale, tant il est vray que si l’on aime la Royauté,
l’on redoute la tyrannie, & qu’il ne fust iamais de
ioug si craint & si redouté que celuy du Mazarin.
Apres cela, quelque insolent dans l’ombre de
sa cachette, osera publier par vn lasche escrit,
que ce n’estoit pas assez de nourrir Paris, qu’il
le faloit dégager de sa seruitude, que les Princes
estoient ses maistres & ses tyrans, &
qu’on ne pouuoit luy rendre la liberté que par
la defaite de leurs troupes. Quoy donc, pour
estre libres il faut receuoir Mazarin, qui rauit
ce bien à tout le monde, & les Princes qui s’efforcent
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forcent de nous le rendre & nous en font desia
gouster la douceur, meritẽt le nom de nos tyrans ?
S’il est ainsi, Paris aduouë qu’il cherit sa maladie,
& qu’il craint sa guerison, ou plustost qu’il ne veut
point de remede à ce prix, apres en auoir esprouué
la rigueur. Mais d’ailleurs ne sçait-on pas que les
peuples sont comme ces amants qui s’engagent
par sympathie, & qui souuent cherissent plus les
rigueurs de quelques nobles obiets qui les charment
sans dessein, que les faueurs de beaucoup
d’autres qui leur paroissent mesme odieux dans
l’estallage de leurs apas. Enfin nous sommes fixés
à ce point, nous aimons nos Princes sous ces noms
de nos maistres & de nos tyrans qu’on leur donne
iniustement ; & haïssons Mazarin, quelque bienfaisant
qu’on nous le figure, & haïssons aussi pour
son suiet les Turennes & les Seneterres qui nous
paroissent nos tyrans, & nos veritables ennemis.
Mais voyons si ce second dessein de deffaire l’armée
des Princes reüssit mieux aux Mazarins que le
premier. Ie demeure d’accord que pour cet effet
vne partie de leur armée passa sur le Pont de batteaux
qu’ils auoient fait sur la riuiere, qui la separoit
de celle des Princes ; que ceux-cy se voyants
beaucoup inferieurs en nombre, abandonnerent
leur poste de saint Cloud à dessein de se retirer à
Charenton ; que peu s’en fallut que ces deux
retraittes ne leur manquassent entierement ; que
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la porte de l’vne leur fut refusée par quelques
traistres Parisiens, qui lors estoient de garde aux
portes, & que les troupes du Mazarin s’efforcerent
de leur couper le chemin de l’autre au dessous de
Vincennes, qu’ils se seruirent des barricades du
Faux-bourg, & s’y retrancherent : Mais tous ces
obstacles tournerent enfin à leur plus grãde gloire
& à la honte des Mazarins, qui furent battus auec
tous les auantages qu’ils auoient à faire l’attaque,
& forcés à reprendre le chemin de saint Denys,
apres auoir laissé plus de deux mille des leurs au
champ de bataille. Le combat fut opiniastre &
sanglant, les Princes y perdirent quelques Chefs,
& en eurent beaucoup d’autres blessez & leur bagage
qui les embarassoit, eut de la peine à se faire
ouurir les portes de la ville : Mais pouuoient-ils
vaincre sans peine des obstacles que leurs ennemis
auoient iugés inuincibles, ayans amené le Roy
comme à vne victoire toute certaine, ou plustost
à l’éclat du triomphe. Ne sçait-on pas que la crise
n’arriue iamais dans vn grand mal, sans vn grand
effort de la nature, & quelque diminution des
forces du suiet qui la souffre ?
Cependant nos Princes eurent l’aduantage en
compensatiõ de leurs pertes, de signaler leur prudence
& leur valeur en cette occasion, & ce iour
qui les vid combattre comme des lions, & reuenir
comme triomphants au milieu des benedictions
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publiques & des acclamations vniuerselles, causa
la reuolution de la fortune du Mazarin Depuis
ce temps nos Princes n’ont trouué que de la facilité
dans leurs plus hautes entreprises, & les
Mazarins que des difficultez & des obstacles en
ce qu’ils ont tenté de plus facile, si bien que c’est
de leur cheutte, que nous pouuons dire auiourd’huy
iustement.
Ex illo fluere & retro sub lapsa referri
Spes Danaum fractœ vires auersa Deœ mens.
Puis qu’il est certain que la fortune ne leur montre
plus vn visage doux comme auparauant, ce
qui oblige Mazarin de penser tout de bon à la retraitte.
Mais d’ailleurs sçachant le dessein qu’auoit
ce tyran, d’exercer vne cruelle vengeance sur la
ville de Paris, n’auons nous pas suiet de rendre graces
au Ciel de ce qu’il nous a sauuez de ce peril,
par la valeur de Messieurs les Princes, & de dire
auec Ieremie, Misericordiæ Domini quia non sumus
consumpti. Mais ie vous prie de voir le iugement
de nostre escriuain, dans le reproche qu’il
fait au genereux Duc de Beaufort. Il paroist dit-il,
dans les ruës l’espée en main, sans chapeau à
son ordinaire quand il veut se batre vaillamment,
il prie, il anime, il reproche, le Prince perir, le
Mazarin triomphe Il est vray que ces deux mots
qui marquoient la difference de ces deux suiets
par leur nom seul, estoient capables de toucher
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let plus insensibles, & que la fortune eust eu suiet
de se reprocher vn coup si fatal ; Les femmes
cependant luy respondoient par l’effroy & le silence,
Les homes le regardent en tournent le
dos, ce qui fut veritable de quelques laches & de
quelques Mazarins qui se rencontroient parmi
les ruës, outre qu’espouuantez par le bruit, ils se
croyoient desia sous la domination du parti contraire
& comme on abandonne la generosité qui
succombe, cette canaille estoit preste à plaindre le
sort des vns pour applaudir au triomphe imaginaire
des autres : mais la fortune en disposoit autrement.
Cette lache terreur se dissipa dans les esprits
des foibles par le zele & la force des genereux
qui s’assemblerent aussi-tost pour suiure vn
si braue chef : C’est icy que i’admire le defaut de
iugement de nostre aduersaire, qui mettant les
Princes d’vn & d’autre costé dans l’impuissance &
la fuitte, & le Bourgeois qui defendoit la porte,
dans la resolution de bien disputer le passage à
leurs troupes, luy fait neantmoins abandonner ce
poste sans combat, & le reduit à la honte de verser
des larmes au spectacle des Drapeaux rouges
qu’ils voyoient ombrager les ruës de Paris. Ie ne
puis nier que ce spectacle ne fus triste ; mais
ce que la necessité fait faire, est tousiours excusable
par cette loy. Et si les drapeaux de ceux qui
nous doiuẽt proteger sont rouges de nostre sang,
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ne nous doiuent-ils pas faire plus d’horreur que
ceux cy, dont la rougeur ne vient point d’vne cause
pareille, ou qui est produite par le sang mesme
que ceux qui les poursuiuent ont versé pour nostre
defence Non non, Messieurs, croyons que la
defense est iuste de quelque part qu’elle vienne ; &
la main d’vn frere que d’vn autre, & qu’on a souuent
besoin du secours d’vn estranger pour
nous sauuer de ses attaintes. Ne nous laissons
point aussi attendrir par cette pensée, que le Roy,
du pauillon de l’eminence de Charonne, veid en
quelque sorte cette entrée des troupes estrangeres
à Paris, puis que loin d’en auoir esté chassé
tout le monde souhaite de l’y reuoir auec des passions
incroyables, & qu’il n’y que le seul Mazarin
qui le tienne esloigné Aussi dans ces discours
Pathetiques qu’on fait pour émouuoir les cœurs
des foibles par cet aymable nom de Roy, on trouuepar
tout le serpent caché parmy les fleurs, puis
qu’il y a par tout du Mazarin. Ie prierois aussi
volontiers l’autheur de cette lettre, de me faire
conceuoir comment ce qui se fit lors dans
Paris, pût estre fait en presence du Roy, pretendu
chassé de la Ville, & comme vn Roy qu’on
peint triomphant au milieu d’vne puissante armée,
se peut dire dans vn honteux exil, si ce n’est
qu’il est honteux à sa Maiesté, de traisner par tout
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Mazarin, qui le rend comme esclaue en son propre
Royaume, mais enfin nous ne doutons point
des bontés du Roy, que nous reconnoissons pour
nostre Soleil, malgré les nuages qui l’offusquent :
mais nous accusons l’insolence & la rigueur de
quelques vns de ceux qui le conseillent & qui le
suiuent. Ils nous font la guerre & nous appellent
rebelles & seditieux, parce que nous ne leur souffrons
plus de piller nos biens en liberté, & le se
cours que nous employons à nous defendre, est
decrié par leurs pensionaires, parce qu’il leur oste
cette licence.
Mais nous voicy dans le plein champ des plaintes
lugubres, puisque nous en sommes à la Iournée
de Gréve, qu’on nous peint comme vn autre
S. Bathelemy, ou comme le siege & le bruslement
de l’ancien Capitole par les trouppes de Vitellius ;
mais ne dira t’on point encore que nos
Princes furent la cause de cette insulte, eux dont
le soin principal fut de la reprimer, & dont le secours
par vn effect de pieté sans exemple au peril
mesme de leur vie, sauua leurs plus grands ennemis
que la fumée commençoit à suffoquer, & qui
confesses & penitents se croyoient sur le poinct
d’estre les victimes de Mazarin Mais n’allegue-t’on
pas icy que les soldats des Princes meslez aux
seditieux, inuestirent l’Hostel de Ville ; ce qui pour
estre refuté n’a besoin que du tesmoignage de
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ceux qui virent le commencement & la fin de ce
desordre. Mais si les Princes auoient eu dessein de
faire main basse sur les Mazarin, n’en ont-ils pas
trouué mille occasions fauorables ? & peut-on
croire qu’ils eussent choisi celle-cy où beaucoup
de gens de bien & de genereuses personnes declarées
pour leur party, estoient enfermées dans
l’Hostel de Ville, auec vn petit nombre de creatures
ou des intimes du Mazarin ? Le peuple ne
leur a t’il pas plusieurs fois demandé cette proye,
auec d’instantes prieres ; & sur le refus qu’ils luy
en ont tousiours fait de luy donner le pillage de
leurs maisons : ne s’est-il pas mutiné plusieurs fois
contr’eux mesmes, iusques à dire qu’ils le particulier
ou leur crier tout haut qu’ils sçauoient bien
vaincre, mais non pas vser de leur victoire, ny prendre
à poinct nommé leurs seuretez ? Ces murmures
ne sont ils pas encore fort frequents parmy
les ruës ; & si quelqu’vn soupçonné d’estre Mazarin
sort de la Ville, les Princes ne sont-ils pas soudain
accusez d’estre d’intelligence auec ceux ausquels
on donne ce nom ? Ie pense aussi que ie ne
seray point temeraire d’asseurer qu’ils ont eu plus
de peine à temperer cette ardeur du peuple, qu’à
repousser & combattre les armées du Mazarin ;
cependant on insiste sur ce siege de l’Hostel de
Ville, & l’on dit que ces mutins demandent le
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Preuost des Marchands & les autres seruiteurs de
Roy sous le nom des Mazarin. Ce nom estoit
odieux ou plustost execrable, la personne du Preuost
des Marchands haye & destinée à quelque
dangereux sacrifice, & les cœurs du peuple pleins
d’vne haine inueterée contre luy ; il y auoit aussi
long-temps que cét orage se preparoit, & que le
peuple s’excitoit mutuellement à tesmoigner de
la constance & de la fureur à la premiere occasion ;
ennuyé des longueurs de la guerre il vouloit la
paix, mais non auec la honteuse condition du retour
de sa souffrance & de son oisiueté : il en
auoit encore plus pour ce monstre, & ne croyoit
que l’vnion seule de Messieurs de Ville auec Messieurs
les Princes capables de le chasser. Tout ce
qui luy causoit vn retardement de cette vnion
luy sembloit affermir sa chaisne, & dérober
son souuerain bien. Aprés plusieurs remises on
estoit assemblé pour la resoudre ; & lors qu’il se
croyoit sur le poinct de la voir affermie pour l’auancement
de la paix, on luy parloit d’vn retardement
de huit iours ; mais il ne suffisoit pas encore
aux Mazarins qui estoient dans l’Hostel de Ville
d’auoir eludé sa pretention & trempé son esperance.
Ils adiousterent l’outrage au mespris, & d’vn
coup qui fut tiré par vn des leurs tuerent dans la
place vn Bourgeois fort consideré dans le quartier.
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Le peuple crût alors qu’il luy estoit permis
de repousser la violence par la violence, se donna
le signal de l’attaque & se fist des armes de tout
le grand feu qu’ils auoient long temps tenu caché
dans leurs cœurs sans en faire voir que de petites
étincelles dans leurs discours, par quelque
murmure ou quelque menasses produisit bien-tost
beaucoup de flammes au dehors : ce ne fut
en suitte que fureur, que desordre, & qu’vne veritable
image du desespoir. L’Eglise de S. Iean la
plus proche de l’embrasement, fist ses efforts pour
appaiser la colere du ciel & la rage de la terre, elle
exposa le Sacrement adorable sur les degrez de
l’Hostel de Ville, ces furieux ployerent le genouil,
& le respect leur dura autant que la presence de
ce Dieu caché : ce qui fait voir qu’vn entier aueuglemẽt
ne les auoit pas encore saisis, que s’ils se releuerent
apres auec le fer & le flambeau : N’est-ce
vn effect ordinaire à tout le monde, mesme apres
les frequentes communions. Ce qu’on nous décrit
en suitte auec beaucoup de zele & d’emportement,
comme il m’oblige à deplorer le malheur
de ce triste effect, me sollicite plus puissamment
d’eu detester la veritable cause en l’auarice insatiable
de ces cruels tyrans, qui depuis beaucoup
d’années ont abuse de nos Roys pour
les engager dans des desseins ruineux à leur Estat
& à leur peuple, afin d’auoir lieu de profiter du
-- 23 --
débris des ruines publiques. Mais quoy celuy
qui nous a si bien dépeint le commencement de
ce desordre, ne nous dit rien de la fin, de peur
d’estre obligé de voir le genereux Duc de Beaufort
comme vn autre Germanicus, à qui ie l’ay
tousiours estimé comparable, offrir son sang aux
mutins pour espargner celuy de ses ennemis, qui
deux iours auparauant se monstrerent si fort auides du sien ?
Toutesfois c’est ie croy ce qu’il veut
obscurement designer par ces mots (Beaufort
appelle & on le suit, Iesus-Christ paroist & on l’abandonne.)
Mais quoy ! ce Duc appelle t’il pour
allumer le feu de la sedition, & non pour l’esteindre ?
C’est ce que ie te demande, qui que tu sois
interessé qui rends des tesmoignages si contraires
à ta conscience & à la verité ? Que si tu n’en és pas
bien instruit qui t’oblige d’en parler auec tant de
certitude ; & si tu le sçais parfaitement, que n’en
parles tu pour te rendre croyable en veritable
homme d’honneur ; sçachant cõme i’ay desia fait
voir qu’il y a dãs Paris beaucoup de tesmoins oculaires
de cette action, dont le rapport destruit absolument
ce que tu mets en auant : que si Beaufort,
comme l’Ange tutelaire de Paris, & comme
celuy qui tira S Pierre de prison, a sorty tous ces
assiegez du peril auquel il s’exposa tant de fois
durant la nuict pour leur sujet : & si Mademoiselle,
dont l’aspect comme celuy d vn Soleil respandit
-- 24 --
de nouuelles clartez sur l’aueuglement de
ce peuple, le seconda dans cette entre prise, que
nostre Bourgeois pretendu des interessé ; considere
s’il a lieu de tirer cette conclusion de leur
procedé, Mon cher amy que nous promet cette violence
du gouuernement des Princes qu’vne extreme tyrannie ?
Mais surquoy peut-il fonder ce qu’il dit ensuite
auec autant d’insolence que de fausseté ? Que
ces moderateurs qui reprochent sans cesse l’emprisonnement
d’vn Conseiller ont commandé le
massacre d’vne assemblée de gens de bien, l’vn
n’est il pas veritable & le plus reprochable du
monde, & l’autre en idée, ou plustost imaginaire
& supposé, & si bien destruit par mes raisons,
qu’il n’en doit rester aucune impression dans les
esprits. Pour ce qui est de l’vnion, i’auoüe que
nous tirons peu d’auantage du consentement que
les Mazarins y presterent a lors par force : mais
qu’ils sachent que ce qui nous vnit plus parfaitement,
est la haine de leur chef, & que leur retraite
a maintenant estably ce que leur presence auoit
tousiours empesché. Enfin s’ils rentroient
à Paris, ils trouueront des choses en d’autres termes
qu’ils ne les laisserent, & n’auroient plus aucun
rang qu’entre leurs pareils. Que si le Roy se
fust presenté à nos portes durant le trouble de
l’Hostel de Ville, nostre Bourgeois asseure qu’on
l’eust receu à bras ouuerts, porté sur les espaules
-- 25 --
& comme en triomphe : Mais, iuste Ciel ! s’il le
fait redire encore, qui l’empesche de s’y presenter,
& qui ne seroit rauy de l’y voir commander
en Roy, pour mettre fin à tous nos malheurs ? Cependant
ie ne croy pas que les Mazarins eussent
eu le pouuoir dont il se vante au nom de tous
lors qu’il ose produire ces mots dignes d’execration,
Les pains de proposition que nous eussions offerts à
nostre Pontife eussent esté les pierres démolies des Palais de
Luxembourg & de Condé. Apres cela ie ne croy pas
qu’on doiue encore parler d’vne extrauagance ou
d’vn transport plein d’insolence & de fureur ; mais
que celuy-là les contient tous eminemment.
Premierement, l’Autheur a tout à fait leue le
masque, osant nommer Mazarin son Pontife, qui
inerite en effet que les Pains de proposition qu’õ
luy offre, soient des morceaux d’aussi dure digestion
que les pierres des Palais d’Orleans & de
Condé, qui ne seront iamais demolis pour vn si
mauuais suiet : Mais n’est-ce pas faire aux Princes
des leçons de violence & de carnage, & temoigner
que par vn defaut contraire aux exces dont
on les accuse, ils en ont vsé auec trop de moderation
& de douceur iusques icy.
Ainsi iuste Ciel, que ne feroient ces Demons de
Mazarins estans vainqueurs, s’ils ont tant d’orgueil
& tant de fureur estans vaincus, & dans l’abaissement
où les tient cette longue entresuitte
-- 26 --
de pertes qu’ils ont faites depuis plusieurs semaines.
François, iugez de la combien vous estes obligez
à ces Heros, qui vous sauuent d’vn ioug
si cruel, & si vous ne ioignez des effects aux puissants
efforts qu’ils font pour vous secourir, ayez
du moins de l’encens & des vœux pour fauoriser
leurs entreprises. Le Roy est la richesse de Paris,
& la paix le bien general de la France, le plus salutaire
conseil est celuy qui nous rameine tous
les deux. Suiuons donc le chemin qui nous y
conduit, & plustost & plus promptement, qui
sans doute est la poursuitte de l’eloignement de
Mazarin Necoutons point ceux qui nous disent
que les Princes ne nous donneront pas le Roy :
que personne ne donne ce qu’il n’a pas, puis
qu’il est certain que posants les armes incontinent
apres son depart, ils nous rendront en ce
Prince ce que cet estranger nous auoit osté. Ainsi
la paix est en leur pouuoir, soit que la victoire
ou le traitté nous la donne, & les Parisiens pour
auoir suiet de dire qu’elle est plus en leur disposition
plustost qu’en celle de ces braues Chefs,
n’ont point de puissance qui se puisse mesurer à
la leur, puis que toute leur force est dans la Ville
& que la terreur ne marche point deuant leurs
troupes pour espouuanter leurs ennemis, au lieu
que ces Princes ont de long bras qui s’estendent
-- 27 --
par tout le Royaume, & qu’ils font mesme agir
de subtils refforts dans Royaumes circonuoisins
qui leur donnent autant de secours qu’il
leur plaist. Paris en l’estat qu’il est consideré, sans
les Princes, est comme vn grand corps sans teste,
& si la paix est en sa disposition en cet estat, c’est
pour l’accepter à quelque condition que ce soit,
non pour proposer à son auantage des articles
que les hautes Puissances soient obligez de leur
accorder.
On ne peut pas dire aussi raisonnablement,
que les Princes ne subsistent que par l’appuy des
Parisiens, ny les Parisiens par l’appuy des Princes,
mais que ces puissances s’entretiennent, &
que comme l’vne peut donner à l’autre ce qui luy
manque, elles peuuent beaucoup estants iointes
& n’auroient pas vne force qui produisist de si
grands effets estans diuisées.
Ce n’est pas que Messieurs les Princes n’ayent
long-temps subsisté sans le secours des parisiens,
puisque Paris a paru neutre iusque icy, sinon
lors quil a esté obligé de defendre ses Fauxbourgs,
mais dans les conionctures des effets qui
sont arriués depuis peu, la fortune en a fait vn assemblage
comme du corps & de l’ame ; Si bien
que leurs interests estans desormais inseparables,
tacher de mettre de la diuision entre ces
sujets doiuent rester tousiours vnis pour le
-- 28 --
bien de l’Estat, est vn aussi grand crime que de
mettre le diuorce entre des cœurs ioints d’vn
sacré nœud d’alliance & d’amitié.
Ie ne m’areste donc point à dire que sans Messieurs
les Princes, on se mocqueroit à la Cour
des demandes des parisiens, & que toute la
guerre qu’ils pourroient faire en leurs murs,
seroit quelque malheureuse sedition, dont la potence
termineroit tousiours le differend, mais
ie me haste d’en venir au point où nostre Auteur
s’exprime en ces termes. Si nous eussions
voulu Mercredy, ce qu’il dit au lieu de Mardy qui
fut le iour de la bataille du Faux bourg S. Antoine,
les Condé & Beaufort, ne seroient plus que des
noms de Braues malheureux, ce qui me paraist
la plus grande fadaise du monde, puisque si ces
princes, ausquels il fait l’honneur de donner le
nom de Braues, qu’ils meritent certes mesmes
au iugement de leurs plus grands ennemis, n’eussent
receu des preuues indubitables de la bienveillance
de la plus part des Parisiens, il ne se fussent
iamais engagez au combat si pres de leur ville,
& mis, pour ainsi dire, à leur discretion, si bien
qu’il est croyable que le plus grand nombre l’emperta
sur le plus petit, qui ne manquoit point de
volõté d’executer le dessein que ce feint des-interessé
temoigne indiscrettement. D’ailleurs qu’elles
vengeances n’eussent suiuy de si grands meurtres,
-- 29 --
& en quels mains fust tombé cette miserable
Cité qui n’eust plus eu d’Hercules pour exterminer
les monstres qui la persecutent.
Mais Paris n’a point de bien-faicteurs à recompenser
de Bastons de Mareschaux, de Gouuernemens
de Prouinces, Paris ne demande que
la Paix, que la presence de son Roy, & la diminution
de ses imposts &c Paris n’a point d’Espagne
à satisfaire, Paris n’a point soüillé sa pureté
d’vne si sale alliance, & ce n’est pas son Vaisseau
qui nous a porté ces restes de Mores & de Sarazins,
enfin Paris, si l’on en croit nostre Autheur,
a tousiours esté dans la soûmission & dans la souplesse,
& cependãt il est certain que Paris a secoué
le ioug du Mazarin il y a plus de trois ans, que
les troubles ont commencé dans son sein, qu’il
a tousiours continué dans la protestation de
ne vouloir point de ce tyran, & qu’au moindre
iour ouuert d’esclater contre luy, il l’a fait auec
vne extresme violence, qu’il n’a veu le Prince
qu’auec auersion, tant qu’il l’a creu d’intelligence
auec luy, & qu’il n’a commencé de le cherir &
de l’honorer, qu’alors qu’il a pensé que le trait
d’ingratitude & de trahison que luy auoit fait ioüé
ce perfide, le rendroit son mortel ennemy, si
bien que la bien-veillance qu’il luy porte, ayant
commencé par cet interest, on peut dire que le
Prince qui connut le motif qui la produisoit, resolut
-- 30 --
de l’accroistre par la genereuse resolution
de detruire leur ennemy commun pour cet effet,
comme sa prudence va du pair auec sa valeur,
il voulut esgaller ses forces à son entreprise,
& connoissant que Mazarin auoit vne resource
éternelle en la puissance Royalle, au lieu que le
peuple est foible & changeant, pour n’estre obligé
d’en venir à que honteux accommodement
qui le forçast encor de voir la face d’vn
ennemy de basse estoffe, qui luy reprocheroit son
impuissance de l’auoir choqué sausen pouuoir venir
à bout, il fit ce qu’on luy reproche en cet escrit,
il s’asseura du secours d’Espagne : & l’euenemẽt a
fait voir qu’il ne pouuoit rien faire plus à l’auantage
& au gré de tous les meilleurs François, qui
voyoient que tout ordre estoit peruerty parmy la
France, & que l’Estrãger n’en pouuoit estre chassé
que par l’Estranger. Mais enfin, que nous importe
qui nous guerisse, pourueu que nous soions
soulagez de nostre mal, & les François auroient
plus de modestie dans leurs campemens ou dans
leurs logements que ces troupes estrangeres, qui
sont venuës prodiguer icy leur sang pour nous,
& n’esperent en remporter aucun autre auantage
que leur gloire de nous auoir mis en estat de
viure plus heureux & plus satisfaits, si nous pouuons
mesnager le bonheur qu’ils nous procurent.
Sans mentir il faloit vn prince de Condé
-- 31 --
pour former ce dessein & pour le conduire, & sans
cela les vœus des parisiens non plus que les siens
n’eussent point est é satisfaits. Sur ce principe ie
puis respondre facilement à ce qui suit. Que Condé
n’a interessé les Parisiens dans sa querelle,
que dans sa derniere necessité, qu’il ne songeoit
à Paris, que comme en vne ville qui s’estoit reiouye
de sa prison, que nous ne luy auons point
d’obligation, & que l’azile ne doit à celuy qui s’y
refugie, & pour ma responc ie diray seulement
que le Prince n’a point interessé les Parisiens dãs
sa querelle : mais que les Parisiens s’y sont eux mesmes
interessés, que quãd Bordeaux suffisoit pour
sa defence, il songeoit à Paris, comme vne ville
qui s’estoit reioüye de sa sortie de prison, par l’esperance
qu’elle eust deslors, qu’il entre prendroit
la guerre qu’il fait a present, & qu’il a quitté Bordeaux
& plusieurs troupes ennemies pour la secourir,
que nous luy auons l’obligatiõ du gain de plusieurs
Batailles, & de ce que nostre ennemy paroist
sur le point de son depart, que l’azile ne doit
rien à celuy qui s’y refugie pour emprunter son secours
de l’azile, mais qu’il doit tout à celuy qui sert
d’azile à l’azile mesme, & sans lequel il ne pourroit
plus porter ce nom ; enfin que le deuoir est
reciproque entre Paris & ce Prince, aussi bien que
l’obligation, de sorte qu’il doit de tout son pouuoir
-- 32 --
procurer au Prince l’auantage que les braues
qui l’ont assisté dans son entreprise, obtiennent
d’Illustres recompenses, d’auoir exposé leurs sang
pour la cause commune, plustost que de souffrir
toutes ces belles charges de la France, soient
données au Mazarin & à ses creatures, pour s’en
seruir desormais comme d’armes à nous battre : &
le dirai-je enfin : Pour le bien de l’Estat, il faut vn
contrepoids à la puissance redoutable des Fauoris,
& la France n’en peut auoir vn plus ferme que
celuy du braue Condé. Que s’il s’est en quelque
sorte espuisé d’argent dans la guerre qu’il a longtemps
faite à ses frais pour nous, voudroit on
qu’il demeurast sans resource pour ne plus rien
pouuoir à l’aduenir, apres en auoir vsé auec vne
generosité si declarée. Et que demande son Espagne
au reste que la paix generalle qui est le bien
commun & le souhait de toute l’europpe ?
Que si les armes des Estrangers nous ont sauuez
des griffes du lion qui rodoit à l’entour de Paris
pour le deuorer, goutans le fruict de leurs peines
en detesterons nous les auteurs, les nommant
des restes des Mores & de Sarazins, lors qu’ils
nous paroissent plus fidelles & meilleurs Chrestiens
que nous ? Non non, ce n’est pas d’auiourd’huy
qu’on a veu ceux de cette nation rendre de
grands seruices à la France, de faire leuer de deuant
Paris, des sieges qui y auoient esté mis par
-- 33 --
des François, & sans la ialousie qui nous anime
les vns contre les autres, nous trouuerions
qu’ils sont fort raisonnables : outre que la pluspart
de ceux cy sont nés dans de mesmes climats
que nous, & sont du pais de ces anciens Gaulois,
dont Cesar prise si fort, la valeur autres qui portoient
ce nom entre ceux ausquels il fist si longtemps
la guerre.
Voions donc maintenant si nous deuons dire
par bien seance au braue Condé, faites vostre paix,
& l’abandonner par interest & par deuoir Ne seroit
il pas en estat de traitter auantageusement
en particulier s’il le desiroit, apres l’auantage
qu’il vient de remporter à nos portes sur ses ennemis
Mais sur quoy peut estre fondé ce deuoir
qui nous obligeroit à l’abandonner pour receuoir
le Mazarin. Ne seroit ce pas nous perdre en nous
prostituant derechef à l’auarice & l’ambition d’vn
maistre, digne d’estre tousiours esclaue, & chassant
vn Prince digne de l’Empire de tout le monde,
& qui veritablement à pour nous des complaisances
d’égal, non de seruiteur. N’est il pas aussi
plus glorieux pour Mess de Paris. de le voir reuenir
triomphãt du cõbat, au milieu d’vne belle
Noblesse, couuerte du sang de ses ennemis que de
voir à la portier d’vn carrosse le visage d’vn Italien
qui regarde nos malheurs auec indifference, &
-- 34 --
n’a de l’amour que pour nostre argent, auquel il
fait soudain passer les Monts, pour nous oster
l’esperance de le voir repasser dans les mains des
François qui sont à son seruice, ou des artisans
qu’il employeroit à former des ouurages magnifiques
pour la satisfaction du public.
Reste à prouuer contre les sentimens de nostre
aduersaire, que le succés est certain si nous
nous declarons pour le genereux Prince de
Condé.
Premierement, j’aduouë qu’il faudra l’aider
d’hommes & d’argent ; mais quel auantage n’esperons
nous de l’vn & de l’autre ? Si les loyers &
les rentes ne sont point payées à present, si le
commerce est interrompu, il est indubitable que
ces maux cesseront, quãd l’armée des Princes aura
débouché les passages pour rendre à la Ville
son éclat ordinaire & sa forme accoustumée. Ces
maux que nous sentons à present ne nous reuiendront
plus en la memoire que pour nous seruir
d’entretien, comme on discouroit par galanterie
de la guerre de Paris apres qu’elle fut passée : Et
loin que nostre douleur renouuelle sur le lict ou
sur le tombeau de nos parents, de nos voisins &
de nos amis, nous les sauuerons des perils ausquels
les insultes & les escarmouches des ennemis
les exposent chaque iour par la foiblesse du
petit nombre de nos troupes.
-- 35 --
En second lieu, si les esprits sont fort diuisez, la
revnion s’en fera sans desordre aucun, quand on
verra la balance pancher du tout du costé de la
Iustice, & pour nous exempter de toutes sortes
de regrets, on n’vsera d’aucune violence enuers
ceux qui ne seront pas du sentiment commun,
parce que leur repugnance ne nous causera plus
aucun sujet de crainte, l’appareil de guerre de
nos ennemis estant tout à fait éteint ou dissipé.
En troisiesme lieu, j’auouë que l’armée des
Princes n’a pas en l estat qu’elle est des forces esgales
à celle du Mazarin ; mais elle est parfaitement
vnie, & l’autre tout à fait diuisee par la haine
que les soldats portent à leurs Chefs, & la honte
qu’ont les vns & les autres d’estre obligez d’exposer
leur sang & leur vie pour vn homme qu’ils
voudroient tous voir au cercueil.
D’ailleurs, le secours qui nous vient de la part
de l’Archiduc est indubitable, au lieu que celuy
des troupes de Guienne, de Bourgogne & Berry
qui doiuent venir ioindre l’armee Mazarine au
premier ordre, n’est qu’en idee, puis qu’elles ont
assez d’occupation en ces Prouinces, qui n’auroient
point d’habitants qui ne portassent la
paille au chapeau, pour marque qu’ils conspirent
de vœux auec nous, si elles en estoient
éloignées. La nouuelle-milice qu’on pourra
-- 36 --
leuer en cette Ville est de grande expedition,
puis qu’on en a des-ia veu des effets qui doiuent
leuer le doute en tous les esprits ausquels il en
reste quelque scrupule, & qu’il y a beaucoup de
braues en cette ville, ausquels il ne manque que
l’esperance d’vne solde raisonnable pour en faire
de parfaits soldats & des gensdarmes, de montre
& d’effet. Ou nous esloignerons la guerre de
Paris, ou nous la ferons à ses portes. Le premier
nous deliure aussi tost de la guerre, & rend le cõmerce
libre, & le second la finit au premier iour,
par la facilité qu’il nous laisse de l’acheuer. En
quelque Prouinces où tombe le faix de la guerre,
si la fuitte de nos ennemis la recule de cette ville,
nos troupes y seront bien receues par l’inclination
que tout le monde a pour nostre party &
celles de nos aduersaires mal traittées pour la
haine qu’on porte au Mazarin, dont le nom est en
execration parmy les peuples.
Les Prouinces ont a pris de la guerre & de la paix,
de 1649, que Paris auoit de fort bonnes intentiõs
mais qu’il fut trahi par ses chefs. Elles esperent
qu’il aura profité de cette espreuue pour asseurer
mieux son-repos à l’aduenir. On ne peut dire au
reste, qu’il ne se remué que pour luy mesme, puis
que le bon-heur des Prouinces fait le sien, si
bien que lors qu’il se remuë pour luy mesme, il
se remuë pour toute la France. Si ce qui suit auoit
-- 37 --
plus d’ordre, mais enfin si Paris ayant obtenu le
bien qu’il souhait e, la colere du Roy se dechargeoit
sur la, foiblesse abandonner le Roy, temoigneroit
autant d’impuissance que d’iniustice, &
Paris s’interessant en la disgrace de ces malheurs,
auroit suiet de nouueller la guerre en leur faueur.
Au commencemẽt de la guerre il y auoit beaucoup
moins d’apparence de l’engagement des
Prouinces. Elles croyoient que ce trouble ne seroit
qu’vn feu de paille, & demeuroient presque
toutes attachees à leur premier maistre par le
malheur des Princes ou la foiblesse de leurs Gouuerneurs,
ou resoluës à la neutralité ; mais à present
qu’elles ont reconnu que cette emotion merite
le nom de guerre que les Princes la font de
bonne grace, & tendent à des effects qui regardent
le bien public, qu’il y va de leur salut ou de
leur ruine entiere, & qu’on met tout en vsage
d’vn & d’autre costé pour cet effect, elles sortent
de cette indifference forcée à la crainte d’vn
fascheux reuers. Leurs vœux cessent d’estre balancez
par le respect de l’Authorité souueraine,
qui n’est qu’vn pretexte à la tyrannie du Mazarin ;
& sçachant que c’est leur cause qui se dispute en
cette genereuse contestation ; elles veulent prendre
part au peril pour en prendre à la gloire & au
bon-heur Certes si ie ne voyois vn insigne auantage
reüssir de la declaration de la Ville en faueur
-- 38 --
des Princes : Ie ne serois pas le premier à la persuader,
& ie souhaitterois que tout le monde quitast
le fer s’il ne nous rendoit le siecle d’or, mais
quand ie considere que l’esloignement du Cardinal
Mazarin est la fin que tout le monde se
propose : ie croy que cét obstacle osté, la lassitude
de l’Estat apres tant de guerres, aussi bien que
le manquement de pretexte nous fera ioüir de
quelque sorte de paix. Ce n’est pas que ie ne confesse
que le changement de maladie n’est pas la
santé du malade, qu’vn nouueau bourreau ne finit
ny ne modere nostre supplice ; mais sans consider
si ces noms de Mazarini, de Gondy, & de
Chauigny sonnent égallement, ie dis qu’ayant
fait l’epreuue de l’vn qui merite veritablement ce
nom de bourreau, qu’vn de ses fauteurs mesmes
luy donne ; il vaut mieux en le chassant nous
mettre au hazard de voir vn des deux autres prendre
son rang à quelque temps d’icy, bien qu’il
fust à souhaiter que cette place demeurast vuide,
que de receuoir le premier de la main du Roy
qui par cette action contreuiendroit à son seing
& à sa parolle, foulleroit aux pieds du gloire de sa
nation, & la seureté des familles, pour éleuer sur
nos testes vn Ministre ennemy mortel de tous les
autres Princes du Sang Royal, au peril de la vie
des biens & de l’Estat.
-- 39 --
Cette réponse faite à Lettre veuë sur la copie de l’imprimé,
qui porte pour titre Lettre du Bourgeois des inteteressé
est moins veritablement vne Réponce qu’vne
Apologie, que si i’ay beaucoup plus de pages que
luy, c’est qu’il dit beaucoup & ne prouue rien, au
lieu que pour faire voir la fausseté de ses imputations,
ie me suis veu obligé d’éclaircir plusieurs points, d’où
ie peusse tirer mes consequences.
Tout ce que ie puis dire pour excuser les defauts de cette
piece, est qu’on en fait beaucoup d’acheuées, mais non
en aussi peu de temps qu’il en faut à les lire. Mais
du moins on connoistra que l’ordre n’est pas mal obserué
dans cét ouurage, & que nostre aduersaire n’a
rien mis en auant dans son Libelle qui ne soit absolument
destruit par la force de mes raisons, qui le combattent
de point en point.
FIN.
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