gens, qui se tuent le cœur, & le corps, à trauailler
toute vne année, pour qui ils se donnent tant de tourmens ?
ils vous respondront que ce n’est pas pour eux.
Et pour qui donc, pour le Roy. Ie n’ay qué faire de
vous le dire, vous le sçauez mieux que moy. Encore, si
c’estoit pour le Roy, bien qu’autrefois mesmes nos Peres
ayent eu peine à beaucoup moins en supporter, aurions-nous
tousiours quelque consolation dans nos
pertes. Nous pourrions dire que Dieu nous ayant donné
des Roys, leurs auroit donné quant & quãt pouuoir
sur nos vies & sur nos biens, & en auroit reserué le rendre
compte à sa Iustice. Cette haute obeyssance, passeroit
en estonnement à ceux d’apres nous, nos descendans
ne s’en ressouuiẽdroient iamais qu’auec des larmes.
Et les estrangers calomnieroient moins nostre vertu,
qu’ils ne deploreroiẽt nostre infortune. Mais qu’vn hõme,
qui n’a de pouuoir, que ce que nous luy en auons
voulu donner, qui ne tient ce qu’il tient que de nous :
Que cet hõme nous arrache iusques au cœur chez nous,
qu’il nous l’arrache, & que nous le souffrions : Ah !
c’est ce qui se trouue si peu imaginable, qu’il faut, ou
auoir du tout perdu le sens, ou necessairement se confesser
les plus intimidez des hommes, pour le permettre,
Quoy donc, François, quand il n’y auroit point d’autre
subiect, que l’insolence d’vn homme, que nous auons
esleué, qui nous fait la loy : quand il n’y en auroit point
d’autre, que celuy d’estre tenus timides, pourrions nous
retenir nostre courage, où auons nous les yeux ? Vn imprudent
nous dira vn mot, & nous voylà choquez, &
nous voyla aussi-tost au danger de nostre vie, pour

Page précédent(e)

Page suivant(e)