Anonyme [1652], LE GOVVERNEMENT DE L’ESTAT PRESENT, Où l’on void les fourbes & tromperies de Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1502. Cote locale : B_13_32.
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Et mesle la douceur du miel
A l’amertume de son fiel :
Et sa parole est infidele
Autant que sa main est cruelle :
Il ne parle qu’en caressant,
Et n’estouffe qu’en embrassant :
Il flate lors mesme qu’il tuë,
Son ame n’est iamais nuë,
Il deguise ses actions,
Dissimule ses passions,
Compose son geste & sa mine ;
Le Demon à peine deuine
Le mal qu’il cache dans son sein,
Il lit à peine en son dessein :
Il aime les lasches finesses,
De perdre malgré ses promesses,
De lancer soudain dans les airs
La foudre sans bruit, sans éclairs,
De faire éclatter vn orage
Lors que le Ciel est sans nuage :
Il est meschant, il est trompeur,
Il est brutal, il est menteur :
Ses baizers sont baizers de traistre,
Il n’est iamais ce qu’il feint d’estre :
Il trompe par tout ses discours,
Et s’il traite auec des sourds
Les deçoit par son visage,
Contrefait le doux & le sage ;
Leur sousrit, leur presse les mains :
Et par des conseils inhumains
Fait apres tomber sur leur teste
Vne formidable tempeste.
Si des Dames l’ont en horreur
Il pleure pour gagner leur cœur,
Il les combat auec leurs armes :
Et lors qu’il verse plus de larmes
Il leur prepare vne prison :
Et s’il est besoin du poison,
Ses pleurs sont pleurs de cocodrille,
Qui menacent de la Bastille,
Qui pour vanger des déplaisirs
Causent des pleurs & des soûpirs,
Son ame prend toute figure,
Horsmis celle d’vne ame pure.
Il fait ce qu’il veut de son corps,
Le dedans combat le dehors.
C’est luy sans que ce soit luy mesme,
Enfin c’est vn bouffon supresme ;
Sans masque il est toûjours masqué.
Turlupin n’a point pratiqué
Tant de tours, ni tant de suplesses,
Tant de tours, ni tant d’adresses,
Que ce protecteur de bouffons,
Ce Mœcenas de ces frippons.
Il fait chaque personnage,
Fors celuy d’vn Ministre sage.
Il imite bien les Tyrans,
Et les Ministres ignorans.
Ce Charlatan sur son theatre
Croit voir tout le monde idolatre
De ses discours, de ses leçons,
De ses pieces, de ses chansons :
On souffriroit ses Comedies,
Quoy que foibles & peu hardies,
Si des tragiques mouuemens
N’en troubloient les contentemens,
S’il n’auoit affoibli la France,
En derruisant son abondance,
En augmentant tous les impots,
En multipliant tous les maux,
En tirant le sang des Prouinces,
En persecutant les grands Princes,
En outrageant les Potentats,
En leur vsurpant tous leurs Estats,
En formant vne longue guerre,
En l’attirant dans nostre terre,
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Anonyme [1652], LE GOVVERNEMENT DE L’ESTAT PRESENT, Où l’on void les fourbes & tromperies de Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1502. Cote locale : B_13_32.