Anonyme [1649], LE FORT ET PVISSANT BOVCLIER DV PARLEMENT, EN FORME D’APOLOGIE. DEDIÉ AV ROY. , français, latinRéférence RIM : M0_1402. Cote locale : A_3_64.
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sa bonne fortune ; comme il vid le choc, le chamaillis des
armes, le sang qui couloit, la campagne ionchée de corps morts, il
se mit à pleurer : Ainsi le Parlement forcé dans des rencontres qu’il
ne peut euiter à moins que de se rendre criminel, & paroistre peu
zelé & pour le Prince, & pour le peuple, ternissant le lustre & la
beauté de ses Lauriers & de ses Palmes par des pleurs qui luy sont
plus agreables que ses propres victoires ; donne cent gouttes de larmes
pour vne goutte de sang, marry que sa condition l’oblige à vaincre,
ne pouuant vaincre que par la mort & la deffaite : Il pleure,
SIRE, pendant que l’Autheur de nos troubles & de nos miseres
comme vn autre Neron regarde auec ioye au trauers de l’émeraude,
c’est à dire, d’vne verte esperãce de nostre ruïne, les combats de nos
Athletes, repaist sa cruauté de leur sang, sa fureur de leurs blessures,
sa rage de leurs douleurs, sa barbarie de leurs souspirs, sa vie de leur
mort, pendant qu’il regarde les feux de la guerre qu’il a allumée par
tous les cantons de vostre-Royaume ; qu’il le considere se deschirant
soy-mesme auec plaisir de ses mains sanglantes par des factions domestiques,
tirant son asseurance de son desespoir, ses ris de ses larmes,
son chant de ses sanglots, sa felicité de son mal-heur, & sa fortune
de son tombeau.

 

En faut-il dire dauantage, SIRE, pour sa iustification & la deffense
de ce fameux Senat, quand la Nature, les Loix, vostre authorité,
la doctrine, Dieu & les hommes n’auroient pas approuué leur
procedé, ne le seroit-il pas assez par ces raisons ? On l’a iugé si iuste,
SIRE, que tous les Estats se sont ioints auec eux, & leur ont donné
les mains : vos reuenus pillez, vos Finances volées, vos peuples appauuris,
vos Prouinces desolées, vos Loix enfraintes, vostre authorité
vsurpée ont donné sujet aux vns & aux autres de violenter leur
humeur pour corriger celle d’vn mauuais Ministre, lequel abusant
de vostre puissance estoit l’Autheur de tous nos maux : On n’a pas
voulu, SIRE, suiure le conseil de Trajan. Cét Empereur offrant au
premier President de sa Ville vne espée toute nuë, luy dit : Cape ferrum
hoc & siquidem recte Imperium gessero prome, sin autem contra me vtere.
Niceph. 1. 8. Hist. Eccl. c. 23. On a veu vostre Royaume & vostre
Empire tres-mal administré ; mais comme vous n’en estiez point
la cause, & que vostre aage encore tendre & delicat vous dispensoit
de regner par vous-mesme, & mettoit vostre Couronne en tutelle,
vos Tuteurs se sont souleuez contre vos Ministres, le Parlement a
pris les armes pour vous, & non pas contre vous, & escoutant auec

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Anonyme [1649], LE FORT ET PVISSANT BOVCLIER DV PARLEMENT, EN FORME D’APOLOGIE. DEDIÉ AV ROY. , français, latinRéférence RIM : M0_1402. Cote locale : A_3_64.